dimanche, août 29, 2004

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Un samedi aprés-midi à Blueberry Beach...


Depuis bientôt quatre ans que nous habitons en bordure de ce lac perdu entre les collines, jamais nous n'avions mis les pieds à Blueberry Beach! Maintes fois, nous avions entendu les mêmes légendes rurales. Blueberry Beach, la place mythique du "tripotage" local! Chaque vieux, moins vieux et plus jeune (possédant un bateau ou un canot) a son histoire coquine à raconter. Et tous les récits des fameux exploits passés à Blueberry Beach finissent toujours par la même rengaine: "En tout cas, quand tu vas à Bleuberry Beach, touche surtout pas aux bleuets!". Clin d'oeil de circonstance et éclat taquin qui pétille au fond des regards. Si l'on élabore davantage sur le sujet débarquent joyeusement les histoires des gars qui, pendant les soirs d'été, aprés quelques bières englouties au coin du feu, finissent toujours par se soulager la vessie sur les centaines de pieds de bleuets qui donnent à ce bout de sable son nom. C'est pourquoi personne n'ose jamais goûter les jolis bleuets de Blueberry Beach! Mais par contre, tout le monde veut bien aller se frotter à ce petit bout de sable qui a la particularité de n'être accessible que par voie maritime. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'avions pas encore eu l'occasion d'y faire un tour. J'ai toujours quelque regrets les chaudes nuits d'été où je me dis que j'irais avec joie sur cette plage que je perçois au loin, ouais, j'irais bien là-bas expérimenter une petite séance de tripotage sous les étoiles avec mon étalon légitime...

Mais Blueberry Beach, c'est avant tout une plage naturelle d'une centaine de mètres, entourée de brousse et prise d'assaut par les bateaux chaque fin de semaine ensoleillée. Hier comme tant d'autres, je n'ai pas résisté à la tentation d'aller y faire un p'tit tour (moi "itou"). Invités à faire un tour de "ponton" par un couple de connaissances, la journée était si belle, il faisait si chaud et si humide! J'ai fondu comme une crème glacée au soleil. Sans mauvaise conscience, je suis allée voguer, enthousiaste, sur les flots scintillants du lac en beauté.

Je pense avoir devellopé un petit faible pour les "pontons". Qui l'eut cru? La première fois que j'en ai vu un (sur un lac des Laurentides dont j'ai oublié le nom), j'étais toute jeune, toute dégoulinante d'adolescence, je pense bien en avoir ri pendant des jours et des jours. La forme et la chose en soi me semblait si grotesque que j'étais pliée en deux dès que j'en voyais un se trimballer comme un gros escargot sur l'eau! Ce petit manége de moi-même dura des années, puis la roue tourna et je vieillis comme il va de soi. À l'aube de ma trentaine, j'eus l'occasion de faire quelques balades qui me charmèrent. Le coté pépère du truc est trop comique et puis c'est suposé moins polluer qu'un hors-bord, alors bon! Il y a de la place pour se faire bronzer, grignoter, se prélasser un cocktail à la main, bref cela reste un petit vice d'été auquel je ne puis résister! Les voiliers filent dans le vent, les jeunes font les fous devant les filles qui gloussent. Les maisons qui bordent le lac défilent sous mon regard gourmand. Je souris aux gré des vents qui me fouettent le visage. Délices et folies d'été au Québec...


Arrive la plage tant discutée à l'horizon, en ce samedi aprés-midi paradisiaque, il y a foule! Du coup, c'est plus un parking de bateaux qu'une plage isolée, je suis malgré tout toute heureuse de poser enfin pied en cet endroit légendaire. En quelques secondes, je repère les bleuets, évidement je n'ose pas les toucher, je me contente d'attraper quelques images au beau temps. Je ne peux m'empêcher de regarder avec curiosité cet endroit bien peuplé, l'eau est bonne et c'est profond tout prés du rivage, des panneaux tous neufs indiquent que c'est désormais un terrain privé et mon voisin de croisière m'explique la situation d'un ton piteux: "Tu sais c'est la dernière année publique pour Blueberry Beach! Un promoteur a investi 3 millions de dollars dans la place, il va exploiter la plage, d'ici quelques années, tout aura changé! Tu vois, cela commence toujours de même. La première année, ils préviennent les gens qui ont pris l'habitude de venir ici avec des mises en garde que c'est devenu un terrain privé. La deuxiéme année, il y aura quelques belles contraventions, histoire de faire passer le message et petit à petit les gens perdront leurs habitudes!" Ainsi d'aprés lui, d'ici cinq ans plus personne ne sera autorisé à venir folâtrer librement (comme c'est le cas depuis des millénaires) en ce petit coin de lac bleuté. Les plaisirs volés de Blueberry Beach, c'est presque terminé...

Je regarde tristement les pancartes blanches, étincelantes sous le soleil brûlant, je ne daigne pas les photographier, c'est trop déprimant. Adieu autre once de liberté tant savourée. Je n'aurais pas eu le temps de te goûter. Avec toi, c'est un autre morceau de nature qui va se faire domestiquer par la main de l'homme et le pouvoir de l'argent. Je soupire et me retourne pour profiter du paysage encombré de bateaux. Débarque un nouveau bateau juste devant moi, l'homme à la barre me semble familier, la jeune fille qui l'accompagne attire mon attention. Souriante, elle passe à coté de moi, une lumière se fait dans ma tête, je l'interpelle: "Catherine ???". Elle se retourne, surprise, je me présente et avec un grand cri, elle saute de joie et me donne un énorme "hug'! J'en reste toute "émotionnée". C'est une petite élève, (devenue aussi grande que ma pomme) que j'ai eu en tutorat, il y a de cela quelques années. Je l'ai à peine reconnue tant elle a changé! Entre 10 et 14 ans, les enfants s'effacent pour laisser place à de jeunes adultes, c'est toujours surprenant à constater. Aussi espiègle que dans mon souvenir, elle me déballe quelques secrets en trois secondes et demie, me chante deux chanson et l'on finit la conversation avec une jasette de chiffons et cotillons! Elle repart avec son père en bateau. Je reste toute étonnée, pour la deuxiéme fois dans ma journée, je rencontre un ancien éléve devenu grand. Cela ne me rajeunit guère tout cela!


Déjà, en attendant le ponton, sur le quai, au bout de la plage municipale, je croisai Francis devenu bien grand et sa bande. Francis devenu si grand que j'en suis presque traumatisée lorsque je le regarde de prés! Où est donc passé le petit garçon si attachant qui avait tant de mal avec ses conjugaisons? C'est désormais un bien grand garçon, presque un homme, entouré d'amis, avec toujours sa casquette vissée sur la tête. Il me dit "Bonjour" timidement lorsque je le croise quelque part. S'il savait comme il m'émeut dans ces moments là! Souvent je le vois sur le quai, qui semble être le rendez-vous de prédilection des ados de passage, j'en connais quelques-uns. Je leur souris et hoche la tête. Je ferme ma bulle et mine de rien, je me prends à les écouter sur le coin de mon banc qui flotte, l'air pensive, le regard perdu dans les nuages, je disparais. Je me souviens d'une autre époque, d'une autre moi, c'est étrange et plaisant à la fois. Discrétement, je les croque en photos, cela m'amuse. Je les aime bien ces gamins qui me rapellent ô combien le cours de la vie est un long chemin à parcourir ("par monts et par vaux"), semé d'embuches, de joies et de peines, de découvertes et d'incompréhensions, de plaisirs, de pleurs, de déceptions, de passions et de rigolades amicales...

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