lundi, mars 08, 2004

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Uchronie matinale

Ce matin, je me suis réveillée tôt. Trop tôt, l’homme a ronflé une fois de trop, trop fort. Énervée, j’ai fait fuir le sommeil. Une drôle d’histoire d’Aline dans la tête, je me suis levée pour l’écrire mais elle ne voulut plus sortir! Alors, dépitée je me suis dit que j’allais regarder le soleil se lever...

J’ai regardé par ma fenêtre pour y trouver des gens sur mon gazon. Des gens!?! Du gazon!?! J’ai fermé les yeux. Je les ai ouvert. J’ai pris peur. Des gens sur mon gazon?!? J’ai voulu hurler mais les sons restaient coincés derrière mes lèvres closes. Une demi-douzaine de personnes étrangères regardait fixement la maison. Le soleil se levait à l’horizon et l’hiver avait disparu de ma vision! Au loin poussaient des tournesols...

Je voulus bouger, me rendant soudainement compte de ma nudité, mais j’étais collée sur place! Mon cœur se mit à battre si fort que je crus un instant qu’il allait exploser! Ça y est! Je meurs! Je réussis à prononcer une sorte de « coouuaaaakkk » qui n’alarma personne dans la maison. Les chats dormaient paisiblement, la lumière du jour se prononçait et je distinguais davantage ces gens devant ma fenêtre...

Je crus devenir folle, mon cerveau tournait sur lui-même comme un loup enragé, je sentais fondre ma cervelle. Quand tout à coup, apparut un petit génie tout vert! Il flotta jusqu’à mes oreilles, me chuchota quelque chose que je ne compris pas avant de se poser sur mon nez! Je loucha pour mieux le voir. Il sourit et ses minuscules yeux, aussi vert que sa peau, pétillèrent de gentillesse. J’entendis une petite voix parler dans ma tête :

- Allo. Allo? Etol, tu me reçois? Etol? Je ne pense pas connaître ta langue, alors j’utilise l’onde télépathique de base, tu devrais m’entendre! Allo?

Je frémis, prise d’une soudaine nausée, je grimace, je prends une grande bouffée d’air. Le petit génie vert flotte au dessus de ma tête... Aaat..aaatch...aatchoum, j’éternue tandis que ma paralysie temporaire semble se dissiper lentement. Je réponds timidement en pensées...

- Oui... allo?
- Bon!

Il revient se poser sur mon nez. Cela me chatouille et me gratouille mais ce n’est pas si désagréable...

- Écoute, tu ne dois pas avoir peur, mais tu devrais peut-être aller t’habiller...
- Mais? Mais? Qui sont ces gens? Où est passé l’hiver???
- Je vais tout t’expliquer, tiens regarde tu as laissé ton peignoir sur le sofa...

J’enfile le tissu fin, je jette un œil par la fenêtre, j’y retrouve ces personnes attroupées sur mon gazon. Ces gens qui me regardent fixement, l’œil vide, sans faire un mouvement...

- Bon, toi, tu me dis quoi là? Je suis folle. Hein c’est ça? Je viens de péter une coche et tout ça, c’est le résultat de mon cerveau mutilé...

Je m’assois sur le sofa, découragée, peureuse, contrariée. Le petit être vert se repose sur mon nez...

- Dis, tu pourrais aller ailleurs que sur ma face? Je pense en silence...

Il flotte jusqu'à ma cuisse et s’assoit sur mon genou.

- C’est mieux?
- Oui merci! Mon nez n’est pas un perchoir que je sache!
- Mais je suis tout petit, je voulais être sur que tu me voies...
- Ça c’est vrai, tu es à peine plus gros qu’un papillon...
- C’est que je n’ai pas l’habitude prendre forme, mes forces ont beaucoup diminué...

Je fais une grimace d’incompréhension. J’écoute la petite voix parler dans ma tête en faisant bien attention de ne pas regarder par les fenêtres. Je me concentre dans la contemplation du tissu sur ma peau.

- Je suis un génie en voie d’extinction. Je ne peux exister que par la croyance humaine. Vois-tu chère Etolane, de nos jours, il y a si peu de gens pour croire en nous, que nous rapetissons jusqu'à nous effacer dans le néant....
- Oh! C’est triste... Mais pourquoi je te vois? Pourquoi tu me parles? C’est qui ces gens?
- Tu me vois parce-que tu crois. Je te parle parce-que j’aime que tu crois en l’invisible et que tu m’as un peu inquiété tout à l’heure en regardant par ta fenêtre. J’ai cru que tu allais faire une crise de cœur, alors je me suis dit que c’était la moindre des choses que de venir t’aider...
- Ah! Heu, Merci... Je pense que cela va mieux maintenant, je retrouve mes esprits. Enfin s’il m’en reste!!!

Le soleil pointe à l’horizon, je perçois du vert dans les arbres. Toujours sur mon gazon, ces gens qui me regardent et me perturbent!

- Mais cela ne me dit pas qui sont ces gens?
- Oh! Eux! C’est juste quelques redondances! Tu n’as rien à craindre. Tu as franchi le seuil interdit, cela a causé quelques perturbations, mais tout devrait bientôt rentrer dans l’ordre. Regarde, déjà ils s’effacent un peu...

Je les regarde à nouveau pour constater qu’en effet ils paraissent moins concrets! Une étrange brume les entoure maintenant...

- Des redondances? J’ai même pas franchi de seuil interdit! Je me suis juste levée un peu trop tôt! Pis des redondances de quoi d’abord? Des redondances de gens!?!
- Oui des redondances visibles de lecteurs et de personnages!
- Hein?!?!?!
- Tu as franchi le seuil de la fiction et des réalités. Tu n’es plus dans ton monde, mais dans une réalité parallèle où l’humain a appris quelques notions de télépathie qu’il a ensuite mélangé à l’informatique, la technologie et la biologie...
- Hein!?!? Ouais, en d’autres mots j’ai viré folle quoi!
- Non, tu as franchi un seuil interdit. À ton réveil ta réalité s’est transformée à la mesure de ce monde différent mais presque pareil que le tien. Celui où tu résides habituellement n’est pas loin mais pas là! D’ailleurs tu dois aller te recoucher, je vais essayer de te renvoyer chez toi...
- Hein!?!
- Bon tu en reviens!!! Etolane et Juan sont en voyage. Tu as de la chance, je n’aurais pas voulu voir ta tête en découvrant dans ton lit, une autre toi!
- En voyage? Une autre moi?!?
- Ils sont partis dans le sud pour les vacances, disons que cette dimension est un peu plus riche que la tienne! Mais c’est presque pareil, tu vois c’est la même maison...
- Heu!?!
- Bon allez, il faut que tu te recouches avant que qu’il ne fasse trop jour. Cela devrait marcher, je suis super fort sur ce genre de corrections!
- Ah! Cela me rassure!!! Ok, je vais t’écouter...

J’avale péniblement ma salive et me force à prendre le chemin de la chambre tandis que flotte à mes cotés le petit être vert. Je remarque au passage des détails que je ne reconnais pas. Je respire profondément et me glisse entre les draps frais...

J’entends chanter une étrange mélopée et je sens Morphée venir me chercher. Je me laisse glisser, je commence à rêver...

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