jeudi, mars 04, 2004

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Jeu des 7 mots...

Je m’amuse avec la langue à l’occasion de la Francofête. Envie de français et de légèreté. Envie de surréalisme. Envie de jouer avec les mots sans y réfléchir, juste jongler au vent pour le plaisir...

Je déride mes mots avec Robert. Suivant le principe bien connu d’écrire un petit texte à partir de mots divers. J’innove le mien, comme ça, pour rien... 7 mots pêchés au hasard, 7 mots volés à Robert qui se laisse gentiment faire...

1. Barbacane : (ar. ou persan) Au Moyen Âge, ouvrage avancé, percé de meurtrières. Ouverture verticale et étroite dans le mur d’une terrasse pour l’écoulement des eaux
2. Baobab : Arbre d’Afrique tropicale à tronc énorme et fruit charnu comestible
3. Coulpe : Péché. Loc. Battre sa coulpe : témoigner don repentir, s’avouer coupable (Faire son mea-culpa)
4. Francophobe : Hostile à la France et aux français.
5. Gnome : Petit génie laid et difforme qui, selon le Talmud et les kabbalistes, habite à l’intérieur de la terre dont il garde les trésors.
6. Ondoyer : Remuer, se mouvoir en s’élevant et s’abaissant alternativement. Baptiser par ondoiement : Ondoyer un nouveau né.
7. Schlitte : mot vosgien. Traîneau qui sert dans certaines régions montagneuses et boisées à descendre dans les vallées le bois abattu sur les hauteurs.

L'on se lance à l'eau du n'importe quoi avec élan tandis que glissent les mots sur la peau des songes...

Dans la forteresse maudite, l’homme emprisonné regarde au travers des barbacanes usées par le temps. Il étudie les allées et venues des gnomes en pleine frénésie. Il regarde passer les corps dénudés des hommes blancs avec indifférence. Il a pris l’habitude de voir les horribles gnomes dépecer ces corps inanimés avant de les entasser sur leurs schlittes ensanglantées...

L’homme à la peau d’ébène ne sait plus depuis combien de temps il est enfermé dans cette cellule humide. Il ne sait pas pourquoi on le garde en vie, pourquoi on le nourrit. Plus que tout, il désire quitter cet endroit infernal. Il se couche sur sa paillasse. Il ferme les yeux et libère son esprit pour l’envoyer aux pays des baobabs géants. Il les imagine ondoyer sur un ciel d’azur. Il sent la chaleur du soleil sur sa peau moite. Il sourit un court instant avant de rouvrir les yeux et de se retrouver face à la muraille crasseuse de sa geôle...

Il entend des pas et le grincement d'une clé dans la minuscule serrure toute rouillée. Un gnome entre avec un sac de vivres. C’est toujours le même, un être si laid qu’il lui a fallu plusieurs visites avant de pouvoir le regarder sans retenir une grimace écoeurée. Le gnome se nomme Tétrard et il n’ouvre la bouche que pour lui poser une seule et même question : "Est-ce en ce jour que tu battras ta coulpe"???

Généralement l’homme à la peau d’ébène ne répond rien. Il ne comprend rien à cette question saugrenue. À chaque fois qu'il essaie de demander plus d'explications, les gnomes le saignent sans pitié, alors il se tait maintenant et baisse la tête. Mais aujourd’hui, il décide soudainement de changer de tactique et répond: «Oui, c’est aujourd’hui que je bats ma couple!».

Le gnome écarquille les yeux de surprise, ce qui a pour effet de le rendre encore plus affreux. Il émet un grognement indistinct et disparaît rapidement derrière la porte qu’il cadenasse avec fracas. L’homme ouvre le sac de toile et croque avec appétit dans le pain moisi et les pommes brunes. À peine a-t-il fini de manger que Tétrard revient accompagné de sept autres gnomes armés de lances finement aiguisées.

- Suis-nous! Le roi est prêt à te voir...

L’homme entouré de gnomes descend l’étroit escalier en spirale, ils traversent un couloir décoré de crânes humains avant d’arriver à une vaste salle où siége le roi des gnomes francophobes.

- Toi, tu as été capturé par deux imbéciles, quelle est la langue dont tu te sers.
- Je parle français...
- Qui sont tes ancêtres?
- Des guerriers d’Afrique...
- Pourquoi parles-tu français. Es-tu français?
- Les français ont envahi mon pays et nous ont forcés à parler leur langue, mais je ne fais pas partie des leurs. Je fais partie des miens, les africains...

Le roi gnome grimace, gigote sur son trône immonde. Il se gratte une pustule et soupire bruyamment.

- C’est bon, tu es libre, mes sujets ont commis une méprise. Mes gardes te reconduiront aux frontières de notre territoire. Tu devras retrouver ton chemin seul. Cherche Goom, il te guidera loin de là...

L’homme sent la pointe d'une lance lui titiller les fesses. Il comprend que c’est le temps de s’esquiver en douceur. Il suit d’un pas obéissant les gardes armés. Il sort de la forteresse accompagné de son escorte. Il traverse la cour puante où s’entassent des dizaines de corps blancs comme neige. Puis ils s’engagent sur ce chemin de terre qui semble se perdre dans la forêt sombre. Les gnomes ricanent, l’homme sent une perle de sueur couler sur son front. Au fur et à mesure qu’ils progressent l’atmosphère se rafraîchit...

Les gnomes avancent en silence, l’un deux sursautant parfois lorsqu’un bruit insolite résonne dans les bois impénétrables. Ils marchent longtemps sur ce chemin de terre. À la nuit tombée, ils campent au bord d’un petit ruisseau. L’homme inquiet mais silencieux s’endort avec le petit matin pour se réveiller en pleine journée, seul. Les gnomes ont disparu, ils lui ont laissé une vieille sacoche de cuir percée. L’homme à la peau d’ébène l’ouvre pour y découvrir une carte enroulée sur elle-même et le tracé d’une route à suivre...


Lost World ~ John Alexander

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