lundi, mai 28, 2007

Samedi soir à Québec

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Un samedi soir à Québec

Samedi dernier nous sommes allés voir Fred Pellerin au Grand Théâtre de Québec. Cette soirée était mon cadeau de St-Valentin pour l'homme qui voulait voir le conteur depuis des lustres (depuis un show à Tadoussac, l'année où Fred Fortin faillit dégobiller sa gueule de bois sur scène, la conséquence visible de trois jours de beuverie!). Après l’avoir raté à différentes occasions, Juan n'y croyait plus, pour lui faire plaisir, je me suis procurée deux places en même temps que se passait la Valentin et hop, d’une pierre deux coups…

C’était un cadeau de rire et de patience. Il fallait la patience d’attendre la date du spectacle pour pouvoir rire des pérégrinations verbales de l’artiste. Juan est un fan. Personnellement je suis plus froide, je souris, c’est amusant, mais je ne suis pas transcendée. Je me prépare l'humeur mi-figue mi-raisin. Je ne sais pas trop ce que je vais en penser. J’espère tenir durant les trois heures du spectacle sans trop souffrir. L'on dépose l'enfant chez sa Mère-Grand. L'on se prend un souffle de liberté bien mérité. Dans la douceur du soir qui se couche, il me sourit, il est content. L’on se gare à deux pas. L'on entre dans le Grand-Théatre. L’on s’assoit à nos places..

Fred Pellerin est un maître en son genre, avec son drôle de conte « abracadabranquesque » intitulé « comme une odeur de muscles », en quelques tours de langue, il emporte la salle qui s’esclaffe joyeusement. Il personnifie son spectacle en apostrophant régulièrement "Québec". Sans malice, il se moque de Rimouski tout en faisant remarquer que ce sera notre tour une fois qu'il sera rendu à Sherbrooke! Je remarque qu'il n'a pas changé de pantalon depuis Tadoussac, son style pyjama me divertit malgré moi. Mon homme, qui connaît bien le conte en question, rigole de bon cœur. Je me laisse bercer par la bonne humeur générale qui m’enrobe toute entière.

Je découvre que j’apprécie sa verve plus que je ne le pensais. Sa riche personnalité dégage une "humanitude" qui m'accroche l'esprit. Cela fait du bien. La linguiste en moi s'adapte à la saveur du soir et s’amuse en silence des barbarismes qui la choque. Je me trémousse sur mon siège. Fred Pellerin avec sa bouille de gentil mariole génère les bons sentiments, il nous touche de l'intérieur, sur le fil de sa langue, l’on se régale. Les oreilles écarquillées, l'on se marre tout en se plongeant les idées dans un folklore riche en couleurs. L’entracte procure un temps de calme. La salle se vide. L’on reste sur place. L'on se câline. Il fait bon se retrouver ainsi, ensemble, en couple, en ville. Bientôt le spectacle reprend et les rires fusent de nouveau dans la salle en délire.

En ce qui me concerne une subtile tristesse m’entraîne inexorablement vers des contrées lointaines. Le conte de Fred tourne autour de sa grand-mère. Mes pensées, en décalage, se tourne vers la mienne, disparue depuis plus d’un an. Mon cœur se serre. Mes pensées rejoignent la profondeur de ma tristesse. Plus il évoque l’image de sa grand-mère (ce qui est régulièrement) et plus je pense à la mienne qui n’est plus. Je sens monter les larmes. J’entends rire la salle. Je déconnecte. Je pense à elle qui aimait tant me conter toutes sortes d'histoires croustillantes en son langage si expressif. Elle me manque viscéralement. Ma chère Mère-grand que je n'entendrais plus de mon vivant. Je laisse couler ma tristesse au compte gouttes sur mes joues. Le spectacle s’achève. Les lumières se rallument, les yeux pleins d’eau, je m’essuie subrepticement le visage. Je baisse la tête.

J’entends commenter les inconnus qui m’entourent. Plusieurs s’extasient sur leur soirée. Certains s'étonnent de lui découvrir un si grand talent d'humoriste. L’humeur est à la satisfaction commune. Les critiques sont bonnes. Grâce à son charme clownesque vibrant d'intelligence savamment maîtrisée, Fred Pellerin a réellement conquis son audience. Une douce odeur de bonheur flotte dans l'air.

Je retiens ses paroles de clôture qui parlent d'exode rurale. Je retiens qu'en habitant dans un petit village, je fais un choix social que l'artiste appelle "un geste de rêve". L'expression me plait, je m'accorde à ses sages paroles. Je renifle discrétement. Juan me serre contre lui. En un simple geste, il m'aime. Je me laisse porter par son cœur. L’on marche avec la foule. La lune brille. La nuit est douce, je laisse flotter ma peine entre deux étoiles…

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Fred Pellerin au Festival de Tadoussac 2005

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