mercredi, avril 15, 2020

Se battre pour être soignée en temps de confinement

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Il y a un mois, j'allais de mieux en mieux. Après trois ans de lutte constante et de rééducation physique, je voyais enfin de réels progrès en ma condition physique.

Enfin, je gagnais du terrain sur cette tragédie personnelle qui m'a mise hors jeu. Je gagnais du terrain tout en voyant arriver le virus au loin.

J'étais même en processus de dé-confinement de maladie lorsque le monde s'est retrouvé lui-même confiné. Une ironie qui ne m'a pas échappée! Avant le virus, j'allais de mieux en mieux...

Mais c'était sans compter sur le fait que le contexte actuel, conçu pour préserver la santé de ceux qui l'ont déjà, ne pense pas du tout aux malades chroniques. Si l'on veut fait croire que l'on essaie de protéger les plus vulnérables, alors il serait essentiel de ne pas discontinuer les services médicaux qui leur permettent de ne pas détériorer!

 9 avril 2020 

Après un mois de confinement, les conséquences sur ma santé sont indéniables. Et il faut maintenant se battre pour empêcher la dégringolade physique.

Cette semaine, les conséquences de la discontinuité de me soins médicaux, accompagnés des fermetures des piscines, m'ont finalement frappée de plein fouet. Ma colonne s'est pris une méchante claque!

Les douleurs dorsales sont redevenues intolérables tandis que j'ai senti remonter l'inflammation en mon dos. Une sensation douloureuse qui m'a rappelée à ces quatorze infiltrations dorsales qui ont été nécessaire pour endiguer cette inflammation qui me ravageait les jours.

La fermeture des piscines, je comprends. Celle des cliniques interdisciplinaires, je ne comprends pas! Et c'est sans compter les conseils insouciants de ceux qui me traitent qui font que j'empire mon cas. Je reprends la marche, et boom, mon dos part en vrille!

La lumière que je voyais grandir au fond du tunnel de trois années de rééducation physique s'éloigne inexorablement. Pour ne redevenir qu'une lueur à laquelle s'accrocher le regard. Tandis que des larmes silencieuses mouillent mes joues. Je perds du terrain bien plus vite que je ne l'ai regagné.

Lutter pour ne pas sombrer


J'ai passé la semaine à me battre pour trouver un chiro, pour apprendre où se trouvaient les "cliniques de garde" en ville. À force de recherche, à force de résister à la détérioration physique en cours, l'on a trouvé une solution. Car évidement lorsque toutes les cliniques ferment, aucune ne prend la peine de rediriger les malades les plus sérieux vers celles qui restent ouvertes...

Ce n'est que lorsque mon chiro a réalisé que j'étais prête à changer de clinique, qu'il s'est réveillé. Qu'il est redevenu humain? Il m'a traité en catimini mais malheureusement trop tard. Les dégâts en ma colonne instable sont grands. Et ma confiance est explosée.

Mon homme discute avec lui en profondeur plusieurs fois durant la semaine. Lui qui me traite depuis 3 ans finit par se rappeler d'où je reviens. Il finit par déclarer à mon mari qu'il ne me laissera plus tomber même si la clinique est fermée.

Je dois le revoir bientôt car mes vertèbres se sont si bien déplacées qu'un seul traitement n'aura pas suffit à tout replacer. Il y a un mois, je sentais la vie revenir en mon dos, comme une sève qui se répand en un tronc et lui redonne vie. Ce n'est plus le cas. La vie en mon dos repart. La sève se tarit. Inexorablement, je dépéris. Mais jamais je ne capitule...


Cherche désespérément masseur/osteo/kiné, anydody to help. Pour compléter ce combo de traitement articulaire/musculaire qui me permet de redonner mobilité et vie à mon dos. La colère ressentie en cette situation est profonde. C'est ces moments présents qui mettent au grand jour bien des lâchetés humaines.

Si une clinique de soins médicaux interdisciplinaires n'est pas un service essentiel alors que le commerce de l'alcool ou le casse-croûte local l'est, il y a un problème!

Je veux bien accepter un ralentissement de mon rétablissement mais dois-je en accepter une telle détérioration de ma santé? Tant que je devrai me faire de nouveau infiltrer le dos pour en éteindre une nouvelle inflammation? Il parait que je fais partie du contre-coup du confinement. Je ne suis pas seule en mon cas. Mais la minorité est telle qu'elle n’intéresse personne.

Combien de ma santé dois-je sacrifier à une cause qui est sensée préserver la santé de chacun? 


Il y a un niveau de douleur qui m'aspire trop d'énergie pour me connecter au numérique. Il y a un niveau d'énergie vitale qui est trop bas pour s'aventurer en ces eaux troubles que nous agitons virtuellement. Lorsque j'atteins ce niveau, je me retire. Je me déconnecte pour mettre toutes mes forces sur le réel.

Je dédie alors toute ma volonté à paraître le plus vivante possible pour ma fille et mon mari. Pour faire porter, le moins possible, le poids de mes handicaps invisibles. Pour que leur quotidien soit le moins affecté possible par les souffrances en mon corps.

Toute mon énergie est canalisée à rester debout et à élever ma fille. Afin que mon malheur affecte sa vie le moins possible. Et que s'il l'affecte, les répercussions en soient positives. Si j'en crois sa médaille reçue, par la poste, la semaine dernière, j'y arrive...

Alors que j'atteins, de nouveau, ce seuil critique. Je dois, de nouveau, me renfermer en cette bulle de réel qui ne participe pas au virtuel, sinon pour aider quelques enfants avec la soif d'apprendre.

Il fut un temps où le dicton "Pas de nouvelles, bonne nouvelles" pouvait s'appliquer à ma vie. C'était avant l'ère numérique. Désormais ce dicton s'est inversé en son sens pour la geekette en mon sang. Pas de nouvelles = de mauvaises nouvelles.

14 avril 2020


En trois ans, je suis passée d'une capacité de marche de 50 pas à 3000 pas. Il y a un mois, je progressais tant que j'espérais être réparée d'ici la fin de l'été.

Durant les trois dernières semaines, je suis passée de 3000 pas à 500 pas. Et toutes sortes de symptômes disparus depuis des mois sont réapparus. Jour après jour, mon état s'est dégradé jusqu'à ce que je me remette à vomir de douleur. Quand ma colonne se démantèle, c'est toute ma vie qui fuit...

J'ai réussi à tenir les classes de brousse pendant que l'homme parlementait avec le chiro. Rendu là, ma colère montante me donnait la rage à chaque fois que je pensais à la clinique fermée. Qui, de plus, a eu le culot de peindre un arc-en ciel en sa vitrine avec le "çavabienaller". Ce qui se révèle une insulte à chaque patient dépendant de ses services!

Que le IGA ait sa peinture arc-en-ciel en façade fait du sens, il reste ouvert pour nourrir la population. Si le IGA fermait ses portes et que les gens affamés devaient passer devant et voir l'arc-en ciel, je suis pas mal sure que cela ne passerait pas. L'insulte serait majeure. À savoir combien de temps cela prendrait pour que la façade soit fracassée?

Est-ce que l'insulte de la clinique est mineure? Puisqu'elle n'affecte qu'une invisible minorité de gens?

Bref, à mesure que la vie fuit mon corps, mon esprit carbure pour tenir le choc et vomir avec "sérénité". Pas besoin du covid pour être malade comme un chien et confinée. J'ai juste besoin que ma colonne parte en vrille...

Après des jours à ce que mon cas se détériore, le chiro est finalement sorti de son funk. Il a pu constater la dégradation de ma cas. Il a accepté ma colère. Il a fini par se reprendre en main et arrêter de me bullshitter la face. Il s'est rappelé à sa vocation?

Vu mon état de santé fragile et fragilisé par la fermeture de la clinique (et de la piscine), je me retrouve en réel danger physique. Voilà que j'ai de nouveau droit à un réel service?

J'en comprends que c'est contre l'avis de sa femme et de son entourage qu'il accepte de soigner ses cas les plus graves. Pas fière de cet entourage je dois dire! De ce que j'en comprends, on est une demi douzaine de cas sérieux en sa pratique de village. Une minorité invisible que tous ignorent?

J'ai maintenant la colonne replacée. Mais les dégâts sont là. J'ai reperdu du terrain. Non seulement je ne progresse plus mais je régresse...

Par petit miracle, on a découvert que Miss Soleil avait des talents de massage. En suivant des tutoriels sur YouTube, elle a réalisé qu'elle sentait les tissus, les muscles et percevait même les fascias.

Comme l'osteo s'est listée aux abonnés absents, et qu'il est impossible de trouver un masseur en ce contexte pandémique, Miss Soleil prend un inattendu relai. Le chiro pense qu'elle doit me masser le dos 30 minutes par jour pour essayer d'aider la cause. Elle est contente de se sentir utile. Me voir perdre du terrain à vitesse grand V est très difficile pour elle et Juan.

Il y a un mois, je voyais de nouveau briller de quoi en leurs yeux quand ils me regardaient être, il y avait des étincelles d'espoir et de joie. Ce qui me faisait aussi du bien au coeur.

Mais une fois rendue à ne plus pouvoir manger ni marcher, envahie d'innombrables maux, je vois leurs yeux s'assombrir de tristesse et d'inquiétudes. Et ça fait mal en plus du mal.



Contrôler ses colères et avaler ses déceptions

Il y a trois ans, au début de mes traitements, je voyais aussi l'inquiétude en les yeux du chiro qui essayait de me sauver le dos. Hier, j'ai revu cette inquiétude passer en son regard. Cela m'a adoucit. L'homme l'avait prévenu de ma colère et de ma perte de confiance...

Une fois le dos remis, il a finalement admis que je me dégradais à vitesse grand V. Il a finalement compris que rendu là, le virus devenait secondaire devant l'urgence de ce qui m'arrivait. J'ai exprimé ma colère et ma déception. Il l'a pris. J'ai expliqué l'insulte de l'arc-en-ciel en leur façade. Il l'a pris.

Puis il m'a expliqué que je pouvais continuer de compter sur lui. Ce qui lui a valu un regard perplexe et une petite vague de colère. C'est un concept que j'ai trop souvent entendu en ma vie mais peu souvent vu. Les mots sont faciles à dire, les actions qui les accompagnent le sont moins! Et l'arc-en ciel en sa façade fermée en est la preuve flagrante...

Il a fait évoluer ce discours pour parler de respect. Ce serait le respect pour ses patients qui l'aurait fait sortir de son funk et poussé à ne pas suivre les conseils de son entourage. Ce serait le respect qu'il porte à ma condition qu'il traite depuis ses débuts qui le fera être là pour moi. J'ai désormais droit à autant de traitements que j'ai besoin. Et il ne me laissera pas retourner là d'où je reviens, d'où il m'a accompagné jusqu'à présent.

Il réussit, un peu, à adoucir la colère en mon sang bouillonnant. Il m'explique que pour chaque chiro, osteo, physio, masseur de la clinique interdisciplinaire, c'est un choix personnel que de continuer à voir des patients. Ce qui me dépasse. Faire partie de cette tranche de travailleurs essentiels mais avoir le choix de travailler ou pas?

Bref, rendu là, ce serait le seul de la clinique qui a finalement fait le choix de ne pas laisser tomber ses patients les plus fragiles. Ceux que le corps confine. Ceux dont la consultation par visioconférence ne fait aucun sens.

J'ai entendu dire que lorsque la pandémie sera finie chacun pourra faire le bilan de ses actes et voir s'il a fait preuve de courage ou de lâcheté. Ceci dit, les lâches ne se regardent jamais vraiment en face, donc je ne pense pas qu'il y aura de révélation pertinente pour eux autres...

En attendant, il semblerait que j'aie retrouvé mon chiro. La clinique reste fermée mais j'y ai de nouveau accès. Ma colonne est rassurée même si de nouveau irritée. Je suis un peu moins désarmée devant la bataille à lutter. Et je continue de désinfecter pour le suivant...

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