Un documentaire percutant qui me fait oublier le froid cinglant, un documentaire qui fait mal à l’âme. La sale guerre qui inspire la ville et qui expire ses cadavres les jours d’été dans les flots de la rivière…
Une grand-mère qui essaie de vendre des bocaux d’essence par –15 en galoches implore la caméra :
- Dites-leur, dites-leur donc comment la vie est belle ici…
- À qui voulez vous le dire ? Demande le journaliste.
- À n’importe qui, à tout le monde ! Répond cette grand-mère la tête haute et le regard en peine.
Les Russes raflent les hommes du pays de façon souvent arbitraire. Un climat de peur enrobe chaque instant du présent. Des escadrons de la mort pillent les biens et les hommes, des femmes sanglotent, le regard éteint par des souffrances trop grandes…
Personne n’est à l’abri. Les prisonniers doivent être rachetés au prix de sommes mirobolantes pour les pauvres familles qui survivent tant bien que mal, tant mal que bien…
Les russes jouent à la roulette avec la mort et l’argent comme des enfants diaboliques. Tortures de toutes sortes, la faim, le froid, les coups, tout est bon pour détruire l’autre…
Des hommes font exploser d’autres hommes, un génocide masculin se perpétue en silence, même les femmes peuvent être embarquées ! L’Humanité évolue, progresse, et pourtant tout reste pareil on dirait ! Tout dépend de quel angle on se place et ce que l’on prend la peine de regarder…
Les fosses communes, les adolescents mutilés, des corps qui réapparaissent des membres en moins. Des morceaux d’humains, des bouts de morts générés par la haine humaine et tous ces pleurs qui s’échappent des vivants aux cœurs éclatés…
Violence et misère pour tout quotidien, j’ai honte de ce confort dans lequel je vis. Ma pauvreté si riche devant le malheur de ces gens innocents me frappe en pleine face. Des images comme des claques…
Des bébés naissent dans cette guerre qui tue leurs pères. Symboles d’un combat que je ne comprends pas, de conflits qui m’échappent, une souffrance qui me marque…
La natalité bat des records, « Il faut bien remplacer les hommes qui meurent. » explique une femme qui me brise le cœur. Je suis presque contente de ce froid dehors qui nous afflige et nous rend la vie plus difficile qu'à l'habitude…
Avec ses –40 et ses vents pour toutes armes, la nature nous attaque sans relâche. Mais la haine humaine est bien pire, bien plus douloureuse, bien plus salope que tout ce que la nature pourrait imaginer pour nous faire souffrir ou nous tuer…
Nous avons tant de chance, canadiens, québécois, de vivre en une société si paisible et chaleureuse…
Lorsque je vois défiler les images de Groznyï sur mon petit écran, mon cœur se serre, j’ai tant de peine pour tous ces gens que je ne connais ni d'Ève, ni d'Adam, mais qui m’enlèvent tout goût de me plaindre de mon sort !
Pourquoi tous ces mots, ce soir, en mon petit coin tout chaud du Québec arctique ? Tout simplement parce-que j’ai écouté une grand-mère qui ressemblait un peu à la mienne, une grand-mère dire dans le froid si loin : « Dites-leur, dites-leur comment la vie est belle pour nous ici…»
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