Spleen hivernal...
Je vis au Québec depuis vingt trois ans et j'en ai connu des hivers. Je suppose que j'en connaitrai encore plein d'autres avant que je ne m'éteigne...
Mais à chaque année, c'est pareil, la deuxième moitié de février me "spleene". Je pense que c'est une conséquence du manque de lumière, des jours raccourcis et de la blancheur perpétuelle. Et pourtant, cet hiver que nous vivons est l'un des plus cléments à ma mémoire. Un mètre de neige, deux ou trois vagues de froid et beaucoup de douceur. Et pourtant...
Pourtant le spleen me rattrape l'âme. Je fatigue. L'envie de dormir me hante l'éveil. L'envie de me recroqueviller en boule et de dormir longtemps. Comme une oursonne. Jusqu'au printemps. Une certaine lassitude enrobe mes pensées intimes. Je deviens ultra méditative. Les soucis du quotidien semblent plus lourds à porter. Car nos avons tous nos montagnes à grimper, nos obstacles à traverser, nos douleurs à gérer, notre vie à vivre... Et fin février, c'est souvent l'hiver au fond de mon coeur.
Un peu comme dans la chanson de Cabrel...C'est aussi le temps où plusieurs de nos amis partent ou reviennent du Sud. Pas le sentiment le plus agréable à vivre pour ceux qui restent. Année après année, les mêmes vagues québécoises qui vont se réchauffer la couenne sous les Tropiques. Et pourtant je les aime et je suis contente pour eux, à peine si je les envie. Mais, alors que le temps se fige, je me sens triste pour ma pomme des bois. Et en mon spleen intérieur, je vogue...
En soi, le spleen n'affecte pas vraiment l'extérieur. À peine s'il ralentit le rythme de ces traductions qui me font voyager de la cervelle. Il m'aspire l'inspiration mais la traduction ne demande pas d'être inspirée. La traduction muscle et entraine les neurones. Elle fait du bien à l'intelligence. La traduction est discipline. Et cette discipline me plait particulièrement lorsqu'il s'agit de textes cools. Et franchement, cet hiver, je n'ai pas à me plaindre, mes traductions peuvent difficilement être plus cools! J'entre dans la tête d'un chroniqueur-voyageur et je fais le tour du monde en sa compagnie. Et puis, ma fonction de journaliste web (pour ce gros portail que j'ai apprivoisé) est une expérience stimulante. Tout va bien madame la Marquise. Alors pourquoi elle boude la Marquise? Elle ne boude pas, elle spleene...
Cette année, en même temps que je capte avec philosophie ce spleen hivernal que je connais trop bien. Je me rends compte que je le comprends assez bien pour le contrôler, l'observer, le canaliser. Ce faisant, je médite sur l'Amour qui porte notre vie quotidienne. Cet amour que je ressens pour lui et en lui. Cet amour qui fait que l'on peut se contenter d'eau fraiche et vivre avec le sourire. Ensemble, l'on s'équilibre les maux. Lorsque je tangue, il le sent, s'en inquiète et fait ces petits efforts qui m'aident à me tenir de nouveau droite. Et lorsqu'il se perd en ses propres méandres intérieurs, je vais le chercher, je lui tends la main et je le ramène en ce plateau de réel que l'on partage au jour le jour.
Cette année, reconnaissant lui aussi mon spleen annuel, il fait ces petits efforts qui font le romantisme de ces sentiments que nous cultivons en un même champ. Cette année, Juan a trouvé
Élisapie qui passait par là. Cette fille du nord qui a toujours le don de me requinquer les idées...
J'adore
Élisapie. Je la trouve belle en dedans comme en dehors. Je craque pour cette vibration humaine qu'elle dégage.
Cela date d'une entrevue que j'avais fait avec elle pour la sortie de son premier album. Son essence humaine m'avait fascinée, charmée. Il y avait en elle un souffle d'inconnu qui m'avait fait chavirer. Elle m'est entrée dans le cœur. L'on s'est ensuite croisée plusieurs fois durant ma grossesse. Et à chaque fois, elle me faisait vibrer de l'intérieur. Élisapie et ses mélodies sont, en effet, le remède parfait à mon état présent. Et d'un coup, je reprends pieds, un peu moins perdue sur mon iceberg à la dérive...

Cette année, je réalise aussi que ma fonction parentale me rend plus forte face aux spleens qui m'accrochent l'être.
L'arrivée en nos vies de M'zelle Soleil a érigé un puissant garde fou qui protège mon coeur (et mon âme). Comme une solide rambarde que je ne dépasse plus.
J'ai conscience de ma responsabilité de maman. Je n'ai pas peur même si parfois je crains le pire. Je suis reconnaissante d'avoir reçu en mon ventre une jolie petite fille avec un bon potentiel à exploiter. Une petite fille qui me donne espoir en un futur lumineux. Consciente des défis adultes qu'implique son éducation, je me plie à cet instinct maternel qui m'habite. Et je réfléchis...
La fusion de nos deux êtres compose cette petite personne. Fruit de nous mais unique en son genre. Le processus d'évolution humaine me fascine. Être à la source de son humanité me captive. Je comprends la fragilité (et la force) de l'enfance, ainsi que les implications que comporte toute forme d'éducation. Le tout me plonge en d'intenses réflexions...
Dans les élans de mon spleen hivernal, je réalise à quel point être parent est une sacré tâche existentielle. À quel point j'adore cette fillette qui m'élève le coeur. À quel point cette famille que l'on construit me fait du bien à l'intérieur.
Je médite aussi sur le deuil d'un deuxième bébé qui ne pourrait qu'entrainer davantage d'attention maternelle pour M'zelle Soleil. Une petite fille qui se fout pas mal des spleens de sa mère car ils n'affectent pas sa réalité enfantine. Une petite fille qui grandit joliment et que je chéris passionnément...
En mes spleens qui méditent, je chasse toutes ombres qui pourraient entacher son futur. Je positivise. Souvent, je prends du recul. Je l'étudie pour mieux l'accompagner durant ce long périple qui la rendra femme. Et je prie les étoiles de toujours nous guider du bon coté de la vie...