Processus de fonte
Ma grossesse, en plus de gentiment me montrer la grande faucheuse, m'a méchamment déformée la peau. Tant et si bien que je défie quiconque de me battre sur ce terrain glissant...
Ceci m'a donné l'occasion de mieux comprendre mon corps et les dommages que je lui ai infligé durant plusieurs années de privation (ou j'étais si mince et si dysfonctionnelle). Prendre conscience des conséquences de mes actes alimentaires et de mon métabolisme débilitant. Okay, j'ai compris la leçon! J'ai assimilé une nouvelle considération pour ma chair! J'ai acquis certaines sagesses. Merci la vie.
Une fois ma santé plus ou moins rétablie, j'ai donc commencé l'étape de restructuration corporelle. En dix-huit mois d'efforts, de pleurs, de colères, de résignations et d'exercices j'ai finalement perdu soixante livres. J'ai senti cet état dans mes muscles plus que je ne l'ai vu dans le miroir. Cette leçon là est si difficile à apprendre. Être femme et ne jamais être satisfaite de ses formes. Un mauvais sort qui fait des ravages féminins. À vingt livres de mon poids d'avant bébé, je revoyais pourtant la lumière au bout du tunnel. J'y étais presque. J'avais des mollets d'acier et des fesses fermes qui faisait saliver mon homme coquin. Je retrouvai ma taille et le plaisir de m'habiller! Et puis je me suis pétée les chevilles! Coup sur coup, plus de trois mois d'inactivité complète.
Un automne de mer.... avec un seul mantra: patience et volonté. Le retour à la forme ne se fit pas sans peine. Après une suite de petites maladies, ma santé finit par se stabiliser. Je pus reprendre une routine d'entraînement. Entre temps, j'avais eu la bonne idée de monter sur une balance! Ainsi j'avais pu constater que ces mois d'inactivité forcée avait entraîné une nouveau gain de poids! Merci métabolisme rancunier, bonjour la vingtaine de livres gagnés! J'étais franchement écœurée.
Découragée, affaiblie, je mis quelques semaines à avaler l'amère pilule. L'impression d'avoir tant reculé tout en ayant encore tant souffert m'était intolérable. J'avais la hargne. Une rage sourde aveuglait ma raison. Finalement, à force de réflexions, j'ai réalisé que je ne pouvais pas capituler et que c'était en capitulant que je perdrai totalement la partie. J'avais perdu une bataille mais je n'avais pas encore perdu la guerre! J'étais bien consciente que de là où ma grossesse m'avait emmenée peu en étaient revenues. Certaines âmes charitables avaient d'ailleurs essayé de me le faire comprendre. Mais c'était sans compter sur la sale bête que je suis. J'ai le gras mauvais. Je l'admets. Certains ont l'alcool mauvais, moi c'est le gras! Dans ce cas, être grosse devient un calvaire intérieur, un enfer personnel. Comme je ne souhaite pas devenir conne et méchante, ma seule issue était donc de reprendre le chemin de la salle de gym. J'y suis allée avec crainte et sans entrain. Sur mes oreilles mon casque, le soutien de la musique enfermée dans ma petite boite magique. Redémarrer la machine à muscles. En une bulle de musique, j'ai recommencé à suer...
Aujourd'hui, je suis presque revenue au niveau que j'avais atteint avant de me blesser. Un niveau qui consiste en un entraînement d'une cinquantaine de minutes cardio accompagnées d'une cinquantaine de minutes composées de musculation et d'abdos: des machines et des poids, un peu de pilates, un tour de ballon, un zeste de yoga. Le cardio fut le plus difficile à retrouver. Mes chevilles si douloureuses, raides comme du bois, ne voulaient plus avancer. « Y'en aura pas de facile! » me suis-je dit. Petit à petit, j'ai dû recommencer à marcher, pas après pas, de plus en plus rapidement. Je me suis obstinée malgré la souffrance engendrée. Et non, je n'ai que rarement envie d'y aller! À chaque fois, le processus commence par un bon bottage de fesses molles, puis il faut m'organiser avec le quotidien pas toujours enclin à m'arranger puis, une fois sur place, la véritable torture commence. Enchainer les efforts. Surmonter les faiblesses. Pousser la chair récalcitrante. Heureusement que la musique existe en ma petite boite magique!
Lorsque je remonte sur le tapis, les premières vingt minutes sont infernales, l'envie de pleurer est contenue en mes entrailles. L'envie de hurler est réfrénée par les élans de musique qui entraînent mes jambes à suivre la cadence. Je prends un rythme et je souffre en silence. Je grimace et je persévère. Je me dis « Okay, tu pourras prendre de l'eau après quinze minutes. Arrête de regarder passer les secondes! » Lorsque les minutes me semblent vraiment trop longues, je prends des chansons comme repères de courage. « Après celle-là, tu ralentis un peu. Garde le rythme on se fait un loop sur celle-ci ensuite tu t'arrêtes pour boire de l'eau! ». Les vingt premières minutes ne sont que misères. Se concentrer sur un point, s'y accrocher et laisser le rythme me porter. Tout est dans l'endurance, l'important est de ne pas lâcher...
Sur la tapis la texture du temps s'étire, elle devient presque infinie « Mais cela finira donc un jour!!! ». Les minutes ralentissent, elles se font interminables. Dire qu'elles passent si vite lorsque l’on est assis devant l'ordi! Mes chevilles me font cruellement souffrir, je grimace et j’avance. Par miracle, le temps se consomme malgré tout. Autour de la trentième minute, je commence à percevoir un second souffle qui vient sauver mon moral en berne. Les cinq dernières minutes sont toujours les plus faciles. Allez comprendre! Les cinq dernières minutes sont comme du beurre sur un gâteau!
Lorsque le tapis s'arrête enfin, je suis en eaux, rouge comme une tomate bien mûre. J’étire mes muscles qui pétillent comme du Perrier. Le processus de fonte est en marche. Tout comme la flaque devant le banc de neige qui rétrécit sous les assauts du soleil. J'aspire durant quelques secondes la profonde satisfaction d'être passée au travers de l'épreuve, d'avoir traversé l'effort, d'avoir conquis mes douleurs. La satisfaction d'avoir fait un pied de nez au royaume de l'impossible. Malgré les courbatures qui viendront me punir, je prends conscience de ces sensations agréables. Mes cuisses se redéfinissent et mes fesses rebondissent sous mes pas musclés. Je reprends le contrôle de mon corps. Au loin, j'aperçois une lueur, c'est le bout du tunnel qui m'appelle...
Ma grossesse, en plus de gentiment me montrer la grande faucheuse, m'a méchamment déformée la peau. Tant et si bien que je défie quiconque de me battre sur ce terrain glissant...
Ceci m'a donné l'occasion de mieux comprendre mon corps et les dommages que je lui ai infligé durant plusieurs années de privation (ou j'étais si mince et si dysfonctionnelle). Prendre conscience des conséquences de mes actes alimentaires et de mon métabolisme débilitant. Okay, j'ai compris la leçon! J'ai assimilé une nouvelle considération pour ma chair! J'ai acquis certaines sagesses. Merci la vie.
Une fois ma santé plus ou moins rétablie, j'ai donc commencé l'étape de restructuration corporelle. En dix-huit mois d'efforts, de pleurs, de colères, de résignations et d'exercices j'ai finalement perdu soixante livres. J'ai senti cet état dans mes muscles plus que je ne l'ai vu dans le miroir. Cette leçon là est si difficile à apprendre. Être femme et ne jamais être satisfaite de ses formes. Un mauvais sort qui fait des ravages féminins. À vingt livres de mon poids d'avant bébé, je revoyais pourtant la lumière au bout du tunnel. J'y étais presque. J'avais des mollets d'acier et des fesses fermes qui faisait saliver mon homme coquin. Je retrouvai ma taille et le plaisir de m'habiller! Et puis je me suis pétée les chevilles! Coup sur coup, plus de trois mois d'inactivité complète.
Un automne de mer.... avec un seul mantra: patience et volonté. Le retour à la forme ne se fit pas sans peine. Après une suite de petites maladies, ma santé finit par se stabiliser. Je pus reprendre une routine d'entraînement. Entre temps, j'avais eu la bonne idée de monter sur une balance! Ainsi j'avais pu constater que ces mois d'inactivité forcée avait entraîné une nouveau gain de poids! Merci métabolisme rancunier, bonjour la vingtaine de livres gagnés! J'étais franchement écœurée.
Découragée, affaiblie, je mis quelques semaines à avaler l'amère pilule. L'impression d'avoir tant reculé tout en ayant encore tant souffert m'était intolérable. J'avais la hargne. Une rage sourde aveuglait ma raison. Finalement, à force de réflexions, j'ai réalisé que je ne pouvais pas capituler et que c'était en capitulant que je perdrai totalement la partie. J'avais perdu une bataille mais je n'avais pas encore perdu la guerre! J'étais bien consciente que de là où ma grossesse m'avait emmenée peu en étaient revenues. Certaines âmes charitables avaient d'ailleurs essayé de me le faire comprendre. Mais c'était sans compter sur la sale bête que je suis. J'ai le gras mauvais. Je l'admets. Certains ont l'alcool mauvais, moi c'est le gras! Dans ce cas, être grosse devient un calvaire intérieur, un enfer personnel. Comme je ne souhaite pas devenir conne et méchante, ma seule issue était donc de reprendre le chemin de la salle de gym. J'y suis allée avec crainte et sans entrain. Sur mes oreilles mon casque, le soutien de la musique enfermée dans ma petite boite magique. Redémarrer la machine à muscles. En une bulle de musique, j'ai recommencé à suer...
Aujourd'hui, je suis presque revenue au niveau que j'avais atteint avant de me blesser. Un niveau qui consiste en un entraînement d'une cinquantaine de minutes cardio accompagnées d'une cinquantaine de minutes composées de musculation et d'abdos: des machines et des poids, un peu de pilates, un tour de ballon, un zeste de yoga. Le cardio fut le plus difficile à retrouver. Mes chevilles si douloureuses, raides comme du bois, ne voulaient plus avancer. « Y'en aura pas de facile! » me suis-je dit. Petit à petit, j'ai dû recommencer à marcher, pas après pas, de plus en plus rapidement. Je me suis obstinée malgré la souffrance engendrée. Et non, je n'ai que rarement envie d'y aller! À chaque fois, le processus commence par un bon bottage de fesses molles, puis il faut m'organiser avec le quotidien pas toujours enclin à m'arranger puis, une fois sur place, la véritable torture commence. Enchainer les efforts. Surmonter les faiblesses. Pousser la chair récalcitrante. Heureusement que la musique existe en ma petite boite magique!
Lorsque je remonte sur le tapis, les premières vingt minutes sont infernales, l'envie de pleurer est contenue en mes entrailles. L'envie de hurler est réfrénée par les élans de musique qui entraînent mes jambes à suivre la cadence. Je prends un rythme et je souffre en silence. Je grimace et je persévère. Je me dis « Okay, tu pourras prendre de l'eau après quinze minutes. Arrête de regarder passer les secondes! » Lorsque les minutes me semblent vraiment trop longues, je prends des chansons comme repères de courage. « Après celle-là, tu ralentis un peu. Garde le rythme on se fait un loop sur celle-ci ensuite tu t'arrêtes pour boire de l'eau! ». Les vingt premières minutes ne sont que misères. Se concentrer sur un point, s'y accrocher et laisser le rythme me porter. Tout est dans l'endurance, l'important est de ne pas lâcher...
Sur la tapis la texture du temps s'étire, elle devient presque infinie « Mais cela finira donc un jour!!! ». Les minutes ralentissent, elles se font interminables. Dire qu'elles passent si vite lorsque l’on est assis devant l'ordi! Mes chevilles me font cruellement souffrir, je grimace et j’avance. Par miracle, le temps se consomme malgré tout. Autour de la trentième minute, je commence à percevoir un second souffle qui vient sauver mon moral en berne. Les cinq dernières minutes sont toujours les plus faciles. Allez comprendre! Les cinq dernières minutes sont comme du beurre sur un gâteau!
Lorsque le tapis s'arrête enfin, je suis en eaux, rouge comme une tomate bien mûre. J’étire mes muscles qui pétillent comme du Perrier. Le processus de fonte est en marche. Tout comme la flaque devant le banc de neige qui rétrécit sous les assauts du soleil. J'aspire durant quelques secondes la profonde satisfaction d'être passée au travers de l'épreuve, d'avoir traversé l'effort, d'avoir conquis mes douleurs. La satisfaction d'avoir fait un pied de nez au royaume de l'impossible. Malgré les courbatures qui viendront me punir, je prends conscience de ces sensations agréables. Mes cuisses se redéfinissent et mes fesses rebondissent sous mes pas musclés. Je reprends le contrôle de mon corps. Au loin, j'aperçois une lueur, c'est le bout du tunnel qui m'appelle...