Avec cette semaine qui s’achève, commence le véritable cirque universitaire, deux examens la semaine prochaine, travaux pesants à l’horizon et des centaines de pages à ingurgiter jusqu'à Noël. Mon cours d’histoire du français en Amérique du Nord me « fait tripper au bout’ » tandis que les traductions commerciales m’usent la cervelle. Se taper le « guide et savoir » des entreprises ainsi que toute la terminologie attenante, dans les deux langues, n’est pas des plus palpitants, mais Dieu que je me cultive les neurones! Mon cours de socio est, à date, excellent et j’adore l’idée de devoir regarder Citizen Kane et autres petits bijoux du même genre dans ma charge de travail! J’ai déjà vu Kane, mais il ne me déplaira pas de le revoir une autre fois. Je ne mentionnerais pas ce cours qui faillit bien me faire exploser les nerfs durant la première séance, comme me le dit Natou après coup: « Ah! Ben, Etol, tu fulminais tellement que je pensais que d’la fumée allait te sortir des oreilles! » Nous en rirent même si je crus quand même attraper une petite jaunisse! Nath avait mis le doigt dans le mille car c’est en effet l’impression que j’ai eue sur le moment! Sans que je n’y puisse rien, mon sang se transformait doucement en fumée liquide, une heure de plus et je m’atomisais sur place! M’enfin je n’aborderais pas ce sujet brûlant sur la place publique…
Revenons-en plutôt à mon enquête sur le tueur en série de la rue…
Voilà une semaine qu’Obsidien a disparu et je sais très bien qu’il ne reviendra plus. Écœurée je suis, révoltée je me sens, déterminée je resterai…
La venue de la police aura, comme de prévu, remuer les consciences. Mon voisin le plus proche, que j’aime bien, mais qui était malgré tout en bonne place sur ma liste, est venu me trouver sans que j’ai à retourner l’interroger. Sur la pelouse mitoyenne de nos bulles d’existences, nous avons discuté sous un ciel sombre et menaçant. En me regardant droit dans les yeux, il m’a certifié son innocence, sans assurer que ce n’était pas lui le coupable, même s’il était reconnu qu’il n’aimait pas les chats. Il m’a expliqué être un existentialiste et non un exterminateur, comment ne pas croire et succomber à cette sincérité dégoulinante entre deux brins d’herbe? D’ailleurs si c’était lui, comme je lui ai expliqué, j’en aurais le cœur brisé. C’est que je l’aime bien ce p’tit monsieur, cela me ferait vraiment beaucoup de peine de le savoir aussi barbare et malhonnête en son cœur, c'est un vieux hippie recyclé, l’hypocrisie de cette situation me semble un peu trop surréaliste. Je l’ai donc effacé de ma liste noire. Je suis retournée le voir, plus tard dans la journée, pour lui montrer ma Datura qu’il désirait examiner de prés depuis le début de l’été et lui prêter un livre sur le sujet, enterrant avec ces gestes la hache du doute de ce coté ci de mes soupçons.
Cette fin de semaine, j’attaque le plus gros poisson, ceux d’en face! Suspect numéro un sur ma liste, le gros bonhomme pas sympathique qui ne parle à personne sur la rue serait le coupable idéal, pour cette raison, je n’ose y croire trop. J’ai déjà en place un informateur, j’espère qu’il aura réussi à tâter un peu le terrain avant que je n’arrive avec mes gros sabots! Affaire en cours de développement…
Ma rue si paisible, rue du crime inavoué...
Dans la même dimension, je n’ai pas encore parlé de ces deux petites créatures que j’ai recueilli dimanche dernier. N’en pouvant plus du vide félin de la maison, il se trouva que nous rencontrâmes au tournoi de tennis local, un p’tit monsieur qui me raconta une drôle d’histoire…
Je vais essayer de la restituer le plus prés possible de la réalité en cet endroit de mots variés. Attention francophonie mondiale, on plonge "icitte" dans les couleurs locales. Donc il me dit :
« Ben, l’aut’ jour, j’rentrais chez nous, pis tsé là, chez nous, c’est la forêt pire qu’icitte! Toué, c’est l’downtown où tu restes, c’est pour ça qu’t’as du trouble de même! Ben par chez nous, le souér, y fait nouér! C’était le jour où y’avait tant mouillé à cause de l’ouragan! Pis là, y’a juste un stop pour aller jusque chez nous, pis j’vois au loin, deux p’tites choses sur la ligne jaune! Tsé lâ, la ligne jaune qu’est dans l’milieu d’la route! Qui fait que là, j’sors de mon char, pis j’vas voir…
Pis j’me rends compte qu’c’est deux p’tits mines, tout p’tits là, genre trois semaines à peine, imagine don’, y marchait sur la ligne jaune! J’en attrape un, pis l’autre se sauve derrière mes "tires", j’fais l’tour du char, j’finis par l’avoir lui avec. Pov' p’tits, z’étaient pas beau à voir! J’ai montré ça à ma femme en rentrant. Y z’étaient crottés, ça avait pas d’sens! Elle les a lavés, ça lui a pris trois fois pour arriver à les décrotter! Y sont mieux, mais c’était vraiment pas fort! Pis en parlant avec du monde par chez nous, j’me suis rappelé qu’y’avait une minoune qui s’était faite frapper quet’ jours plus tôt. Ça d’vait ête leu' mère, ça fait ben du bon sens! Regarde lâ, si t’as pu d’chats, t’as qu’a prendre eux, ils ont besoin d’un foyer, nous on a déjà cinq!»
Voilà une histoire qui n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde! Comment résister à l’appel de la nature lorsqu’un barbare a détruit, sans vergogne, ma famille féline! Nous voilà donc en route, dimanche nuit, pour aller voir ces fameuses p’tites choses, rescapées de la ligne jaune…
Il nous donne rendez-vous sur le parking du IGA abandonné, vroom,vroom, nous voilà partis pour la brousse. En effet, ce coin là de bois, on connaissait pas! Je reconnais le stop, y’en a un seul sur les quelques kilomètres de forêt, qui nous sépare de ce gros village qui borde la rivière (voisin de notre village), en dessous du grand lac. Juan s’exclame en rigolant, « Tu m’étonnes qu’il trouve que ce soit le centre ville par chez nous, là on est perdu dans le trou de nulle part! » Dans le noir, on longe un étang avant d’arriver à quelques maisons isolées au milieu de rien, si ce n’est des arbres, des arbres et des arbres…
Les minous sont dans le cabanon, le p’tit couple sans enfants aura adapté l’espace à leur mesure d’orphelins, c’est tout mignon. Évidemment, je reste touchée par le destin de ces deux p’tites choses toutes minuscules qui s’accrochent si désespérément à la vie! Vroom, vroom, on repart avec deux p’tits minous dans la poche…
Depuis c’est toute une autre histoire, il y a un mâle et une femelle, la femelle semble bien s’en tirer mais le mâle a bien de la difficulté, il a des problémes de digestion et le pénis tout irrité! Sa sœur passe son temps à le têter! Cela pourrait être très comique si cela n’était pas si pathétique. Elle veut tellement téter qu’elle est en train d’émasculer son frère! P'tit Jay trouve cela "crampant" (trés drôle). Moi je trouve cela plus problématique! Ils doivent avoir à peu près un mois et des poussières . C’est évident qu’il devraient être encore à la tétée même le destin en a décidé autrement. En tout cas, je les soigne, les nourris au lait pour chatons spécialisé et doit parfois materner étrangement, c’est l’aventure animale qui se poursuit. Je les nommerais lorsque je serais certaine de leurs chances de survie. Mais là c’est encore d’autres histoires! Je commence à me tanner la peau! C’est bien assez d’histoires pour aujourd’hui, bien assez de mots évaporés pour une seule journée...
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