Samedi soir au cœur de Tadoussak, dans le sous-sol de cette église moderne mais abîmée, une petite salle de spectacle. C’est là que nous y avions vu Stefie Shock se déchaîner la nuit précédente. Pourtant maintenant, les rockers ont laissé la place à un public sage, assis en silence sur des rangées de chaises. Ambiance intime, lumières tamisées, l’on est un peu en retard.
Lhasa l’était aussi. Juan et ma pomme avions décidé d'en profiter pour aller voir la première partie du spectacle d’Yves Desrosiers. De retour pour le show tant attendu, l’on se faufile au fond de la petite salle alors qu’elle débute la deuxième chanson. Alors commence la magie Lhasa de Sela...
Je ne crois pas avoir jamais autant vibrée par la musique, avoir jamais été autant transportée par une voix. Elle vient me chercher, c'est viscéral. Elle proméne sur ma peau moult frissons. Elle dégage une intensité qui me renverse l’être, une présence fascinante, grisante...
Mais reprenons au début de ma relation musicale avec cette femme si belle à la voix aussi chaude et brumeuse qu’une plage tropicale après une ondée tant désirée...
Juan m’a fait découvrir Lhasa à l'été 99. Sous les toits de Besançon, elle transportait nos émotions. Elle rapprochait nos corps et nos âmes. Notre amour germa dans le terreau de ses chansons. Sa musique accompagna nos premières caresses, enivra nos premiers émois...
Je me rappelle contempler, entre deux baisers, la pochette de son premier album, pour y trouver « enregistré à Morin Heigts » Réalisation interne que c’est une montréalaise qui vient me chercher en cette petite ville ancienne où je me perds. Reconnaissance de l’esprit. Découverte d’une perle...
Je ne l’avais jamais vue avant la sortie de son deuxième album où je découvris son visage pour la première fois, aussi beau que sa voix. Ce soir, je la regarde, là, à deux pas. Elle donne sur cette petite scène tant de son être, je voudrais me fondre en elle. Elle m’attire comme du miel, je voudrais devenir elle...
Il se dégage de ce petit bout de femme une telle beauté intérieure qu’elle en éclipse son physique agréable. Celui-ci disparaît entre les notes onctueuses pour laisser place à un feu intérieur qui se met à danser sous mes yeux. Un feu qui me réchauffe de l’intérieur. Une beauté sauvage incomparable qui s’empare de tous mes sens.
Impression de l’avoir, vivante, vibrante, dans mon salon, dans la chaude intimité de ma maison. Elle me possède, elle me transporte, elle me remue les entrailles et cela fait tant de bien de la laisser faire. Sa musique est un bateau sur lequel j'embarque, sur lequel je vogue. Capitaine Lhasa à la barre...
Jamais je n’avais ressenti une telle vague sentimentale, de telles sensations juste à écouter quelques chansons! Je sens les larmes inonder le fond de mon regard. Je suis la seule qui danse, tout le monde est assis. Je reste debout, au fond de ma minuscule salle, je me laisse tanguer. Je voudrais absorber tous ses moments, les tatouer sous ma peau, les garder au chaud dans mon cerveau.
Elle parle entre ses chansons. Elle les explique. Elle les humanise en quelques mots. Son accent à part est aussi envoutant que sa personne. Elle répand notre bonheur avec douceur. Instants de charme, instants de vie, partage d’émotions...
Avant d’interpréter « J’arrive en ville » extrait de son deuxième album, elle raconte comment cette chanson est née. Son arrière grand-père, enfant mal-aimé d’une grosse famille, quitta les siens au Liban à la fin du 19iéme. Il embarqua tout jeune sur un bateau pour débarquer dans le port de Marseille. Elle raconte qu’elle aussi avait débarqué un jour à Marseille, seule. Lorsqu’elle apprit cette histoire, elle composa cette chanson...
Pour « La confession », elle se remémore la petite fille de cinq ans qu’elle était. Ayant été prise sur le fait d’une bêtise par ses sœurs qui lui firent du chantage pour la faire accomplir tous leurs caprices de petites filles. Au bout de quinze jours, n'en pouvant plus de se plier en quatre, elle décide de confesser sa bêtise à sa mère. Elle découvre alors qu’elle est libre. Libérée du poids de la culpabilité, elle prend conscience du pouvoir que lui procure cet aveu. Ses sœurs ont perdu leur force, C'est elle est la plus forte! Elle explique que pour cette chanson, elle a imaginé toutes les pires choses qu’elle pourrait faire. Ainsi elle s’affranchit de toute culpabilité et se retrouve avec une liberté sans faille pour mener sa vie aux regards des gens qui la scrute.
Sa voix m'ensorcelle. Elle commente, elle développe, elle partage, généreuse, elle s’offre à travers chacune de ses chansons. Les anges sont parmi nous, là, dans les entrailles de cette église en rénovation...
Juan est plus chaud qu’une fournaise, il me dit au creux de l’oreille : « C’est incroyable, elle me donne la fièvre! » Il est si chaud que je dois m'échapper de ses bras pour ne pas bouillir avec lui...
Elle chante en tchétchène, en l’honneur d’enfants rencontrés un jour dans sa vie, une autre chanson qui embrase le cœur sans que l’on puisse rien y comprendre. Merveilleuse Lhasa...
Elle parle des maux de l’amour, traduit ses chansons en quelques mots. Elle parle de l’espoir, elle se souvient de l’aube de l’An 2000 qu’elle passa dans un port militaire, déchirée entre la peur et la fête, elle s’expose, elle subjugue. Je m’approche, retrouve Dee sur une chaise, je me perds en sa musique qui hypnotise chaque pore de mon être.
Mais toutes bonne chose à une fin et après un dernier rappel, elle reçoit une ultime « standing ovation ». Elle revient parmi nous. Elle sourit, chaleureuse. Elle semble heureuse. Elle m’émeut une dernière fois avant de s’effacer en coulisses. Elle laisse derrière elle toute la richesse de son spectacle qui continue de m'illuminer de l'intérieur, qui se grave dans un morceau de mon esprit déboussolé...
Encore sous le choc, à moitié en transe, l’on sort de la salle. Bouleversés par cette magie exercée par le biais de la musique. Juan nous dit : «Je suis tombé amoureux ». Dee s’exclame «Je voulais être comme elle, c’était incroyable! J’avais si chaud, comme de la fièvre» Juan réplique «Ouais, moi aussi, je me suis ébouillanté, c’était trop bizarre!» Je les regarde le coeur tout chaud : «Ben moi, j’ai eu la chair de poule comme pas possible!!!»
L’on se sourit, l’on laisse le silence nous prendre. L’on embarque dans l’auto et nous voilà repartis pour une autre aventure où il est question de planter quartier entre deux dunes de sable, dans la nuit noire, avant de repartir pour un autre tour de vie musical...
Ce billet se conjugue avec Blogue ta musique
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