mercredi, novembre 08, 2006

À ma petite échelle

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À ma petite échelle

Mirroir-d'eau-II

Hier, réunion municipale, je décide de me rendre à pieds à l’Hôtel de Ville. J’ai déjà mentionné ici que mon petit village de bord de lac a des rêves de grandeur, il se prend pour une ville. Avec trois cent habitants à l’année et un peu moins de cinq mille l’été, l’ex-montréalaise en moi trouve ce concept légèrement exagéré! Il y a quelques semaines, j’ai osé parler de "village" durant une réunion municipale pour aussitôt me faire reprendre :

- … est une ville.
- Ah! Heu, oui, j’avais oublié!!!

Il fait nuit noire, je suis la piste cyclable qui traverse le cœur du village. L’atmosphère humide laisse flotter des mirages de brume dans l’air frais. La neige tombée en début de semaine fond doucement. Je ne rencontre absolument personne sur mon chemin. Le village assoupi n’est que silence dans la nuit.

J’arrive en avance dans la salle à peine éclairée. Deux minutes plus tard un couple entre et me demande :

- C’était 8hres ou 7hres30 la réunion?
- Je croyais 7hres 30 comme à l’habitude, mais il n’y a personne je me suis peut-être trompée!!!

Le couple part investiguer la chose dans les bureaux en arrière et revient avec la confirmation que c’est à 8hres! D’autres personnes arrivent dont Kate, mon acolyte de croisade, c’est pas mal la seule dans ma tranche d’âge même si elle n’a que 25 ans. Je la connais depuis plusieurs années, nos destins se sont plusieurs fois intercroisés. Anglophone, d’origine montréalaise, la vie l’a conduit ici pour quelques temps depuis que la mort à emporté Peter, son père, Kate finit de rénover sa maison de bord de lac. Au sein de la nouvelle association, Kate se rapproche de la dame qui l’a fait renaître de ses cendres. La dame en question, anglophone de son état, fait pas mal bouger les choses. L’association a déjà rassemblé plus d’une centaine de membres, j’admire sa ténacité et son travail. L’on ne s’était encore jamais parlé. Kate fait le lien et je m’offre rédactrice d’un nouveau blogue pour l’association. La dame, Linda, de son petit nom est extatique, elle s’exclame :

- C’est un miracle! Merci, justement je n’arrêtais pas d’en parler, il nous faut un site.

Je suis un peu intimidée par sa réaction! Je lui explique mon idée du blogue pour l'asso et de ses possibilités, elle approuve et me donne le feu vert! Bon voilà, je me suis embarquée, j’ai encore trouvé le moyen de faire du bénévolat! Et je n’arrive pas toujours pas à remettre les pieds sur le marché de la traduction! M'enfin...

Je dois donc cette semaine m’occuper de cette nouvelle tâche. Après mes excursions sur MediaTic, les images du photoblog de Magic-Moments, je me lance dans "l’associatif écologique blogosphèrique"!!! Vais-je jamais avoir le temps de répondre à mes courriels et d’écrire plus professionnellement sur tous ces sujets qui me chatouillent l’esprit? Hum, c’est mal parti. Enfin, c’est le début d’une autre aventure humaine, je pense que cela risque d’être intéressant.

Commence la réunion avec la remise de médaille pour les jeunes athlètes du village qui se sont illustrés dans leur sport respectif. C’est touchant, l’on sent le maire très ému, fier de cette relève. C’est mignon comme tout. Si mignon que je ne peux m’empêcher d’en voler deux minutes digitales (live).

Arrive l’ordre du jour, plutôt décevant en ce qui concerne la préoccupation des élus pour ce qui a trait à la bonne santé du lac. Beaucoup de questions administratives, bien peu d’écologie. L’on apprend que l’interdiction de boire l’eau du robinet est levée. Les élus sont contents. Les cyanobactéries ont disparu des tests effectués sur l’eau du lac. Le danger est passé. Malheureusement l’on sait tous que le problème sera de retour l’année prochaine, et que si aucune mesure n’est prise d’ici là, cela sera certainement pire! Heureusement la nouvelle association pour la protection du lac est en bonne marche, il est permis d’espérer le meilleur.

C’est le temps de la séance de questions. Fidèle à mes habitudes, j’écoute, j’observe, je soupèse l'atmosphère avant de m’ouvrir la trappe. Alors que tout le monde semble avoir posé ses questions, alors que l’on s’apprête à passer à autre chose, je me lève et dépose ma grenade verbale :

- Lors de la première réunion, vous nous avez dit qu’il y aurait une réunion spéciale en ce qui concerne les bateaux, j’aimerais savoir où cela en est et quand est-ce que l’on peut s’attendre à ce que cette réunion ait lieu?

Cela grince des dents chez les élus, cela balbutie, cela se remue sur ses chaises. J’insiste :

- En effet, lorsque j’ai posé la question la dernière fois, Mr Untel, ici présent, avait bien dit qu’il était question d’une réunion spéciale au sujet des bateaux, peut-on s’attendre à ce qu’elle ait lieu avant le printemps? C’est un sujet qui inquiète beaucoup de citoyens…

Mr Untel essaie de se défiler mais ne trouve pas de porte de sortie. Finalement l’on me dit que l’on doit attendre le rapport qui est en étude sur le lac pour ce faire. L’atmosphère est glacée. Je me rassois et vois l’un des hommes que je connais plus ou moins bien, appelons-le Mr Cool, presque voisin, vivant dans le même "quartier" que ma pomme, poursuivre sur la même lancée:

- Oui, c’est pour quand cette réunion? Parce que c’est bien beau de dire l’on attend tel rapport, quand cela trois ans que je viens ici et que vous dites toujours la même chose, on remet à plus tard. pourtant on sait bien tous que les bateaux sont un probléme...

J’hoche du bonnet prête à me relever lorsque je vois d’autres mains se lever, d’autres questions essayer d’approfondir le sujet. Mr Cool me sourit et me fait un clin d’œil complice. Ma question fait boule de neige et entraîne le débat. Je souris doucement alors que Kate se retourne pour me souffler : « T’as vu comme ils se sont tortillés sur leur chaise quand tu leur as demandé pour les bateaux! ». En effet, j’ai mis le doigt là où cela fait mal, mis en lumière le tabou, je lui murmure : « Je viens quand même pas me faire chi… à toutes les put… de réunions si c’est pas pour faire un peu de vagues! » Parce-que les réunions municipales, avouons le, c’est pas mal barbant, je n’y viens pas pour y perdre mon temps, j’y viens avec une stratégie…

Malgré une terrible migraine, je m’accroche à mes neurones pour écouter la fin de la réunion. Une fois celle-ci terminée, j’ai l’impression que ma cervelle se fait hacher menue, je discute au minimum, j’entraîne vers la sortie Kate qui me ramène chez moi. Une dame que je ne connais point m’accoste, je lui souris en me montrant pressée, elle me dit : « C’était une bonne intervention. Merci. ». Je ne peux que sourire, trop mal à la caboche pour engager la conversation. Mon cerveau est à l’agonie, tout ce que je désire, c’est un cachet miracle et mon lit….

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