mardi, novembre 14, 2006

Mardi pluie…

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Mardi pluie…

Entre deux ondées, une petite excursion extérieure avec ma demoiselle Soleil. Accrochée à mon doigt, elle marche sur la rue, comme une grande, un peu plus loin chaque semaine. L’on s’arrête devant notre chalet d’antan, devant cette cabane où elle fut fécondée et couvée au creux de ma chair. Elle veut s’en approcher. Intuition? Reconnaissance? Curiosité? Nous avançons dans notre ancienne allée avant de faire demi-tour pour retrouver l’asphalte mouillé.

C’est étrange d’être à quatre pas de son ancien chez soi. Ce n’est plus chez nous et pourtant nous y avons tellement vécu qu'il se cache beaucoup de nous entre ses lattes de bois. Nous y avons pas mal grandi, un peu vieilli. Je ne regrette pas ses 30 mètres carrés d’espace, sa salle de bain microscopique, son toit qui coule. Notre nouvelle maison est beaucoup plus fonctionnelle pour l’embryon de famille que nous sommes. Mais, il m'arrive parfois, de regarder les fenêtres du chalet avec une tendre nostalgie…

Je voudrais pouvoir étirer le temps pour arriver à faire tout ce que j’ai sur mon agenda de tâches. Je n’y arrive pas. Je dois faire avec ces quelques plages de siestes pour m’occuper des miettes de ma vie active. Et me voilà officiellement rédactrice du nouveau blogue de l’association pour la protection du lac! En parallèle du comité, je me retrouve avec une certaine responsabilité au sein de l’association, quelques réunions, quelques obligations. Le téléphone sonne, des visiteurs trouvent ma porte alors que je suis encore en liquette crasseuse, le chignon à moitié défait! Heu? Je fais comment pour étirer le temps (et me laver!)?

Hier fut une journée particulièrement intense pour la mère en apprentissage que je suis. Mademoiselle Soleil en pratique de rébellion avait décidé de tester mes limites. En une journée, elle m’a avalée le temps tout entier pour le transformer en une longue rengaine de discipline! Yerk! Pas cool la mère! Après s’être couchée tard samedi pour avoir passée la soirée avec son parrain, Mademoiselle a explosé ma routine bien huilée. Plus question de dormir! Les siestes? J’en veux pas de tes siestes! Un rythme? Ça sert à rien! Et je mangerais des croquettes des chats si je veux!!!

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Je vois avec sa nouvelle année, un nouvel éveil qui m’émerveille, ce n’est plus tant un bébé qu’une petite personne qui se dessine. De plus en plus consciente de son environnement, de plus en plus volontaire, de plus en plus automne, elle tâtonne les bases que notre éducation. Éducation plus ou moins pensée, en principe élaborée, mais pas vraiment rodée. Le but ultime étant l'équilibre de l'être aimé...

Mademoiselle Soleil cherche de plus en plus à interagir avec ce tout qu’il l’entoure. Elle cherche à comprendre. Elle assimile. Je vois les prémices de son langage se mettre en place. Elle cherche à imiter les mots, son babillage empli d’intonations et de pauses ressemble de plus en plus à de véritable conversation. Sa langue un peu chinoise sur les bords avec des touches d’Inuit et de latin primitif m’amuse. C’est une curiosité pour mes oreilles ouvertes.

C’est une enfant plutôt calme, souriante, marrante, pas vraiment difficile, mais avec une tendance manifeste à lutter contre le sommeil. Depuis sa naissance, elle est vive et curieuse avec un intérêt minime pour le repos. Par la force des choses, c’est donc là que se bâtissent les fondations de notre éducation. L’éducation parentale! Ouf! En voilà une autre montagne à gravir! Dire que je n’en suis que sur les premiers plateaux, à peine consciente, sûrement naïve…

Étant de service à la maison, c’est sur mes épaules que repose, à la semaine, le bon fonctionnement de la chose. J’ai le rôle d’éducatrice à temps plein. Heureusement, les années passées à donner des cours aux enfants en difficulté m'offrent une certaine expérience du concept. Je sais les limites de ma patience, les degrés de ma fermeté et où se cachent les foyers de mon autorité. Je suis une main de fer dans un gant de velours dotée d’un cœur tendre et d’une cervelle tournée vers la compréhension et l’empathie. Dans le meilleur des mondes, l’on est tous parfait, sur Terre, nous sommes tous des humains inachevés en quête de l’insaisissable perfection.

Hier, Mademoiselle Soleil m’a entraînée dans un tourbillon de remises en questions parentales. Seule dans ma maison, à affronter mon petit monstre en action, je me suis sortie plutôt gagnante de l’épreuve mais passablement vidée! J’ai dû faire quelques compromis. Elle a finit par plier. Aujourd’hui, le rythme semble être de nouveau accepté, l’après-midi commence et elle dort comme un ange. Je crois qu’il est bon de respecter un rythme de sommeil pour son développement (et pour l’équilibre de mon esprit), lorsqu’elle est reposée, elle est souriante, douce. Lorsqu’elle est en mode adrénaline c’est: « Je dépasse ma fatigue, je croque à pleine dents dans la vie, je ne fais que ce que je veux!». Alors elle devient plus « chouineuse », une petite pelote de nerfs qui demande six bras et trois de yeux. Je ne veux pas devenir une mère cyclope avec un petit monstre accrochée à mes jupes! Alors mon éducation maternelle passe par la sieste obligatoire! Elle tourne autour de ce sujet, l’inscrit dans un style de vie, l’ordonne.

Par contre, je suis plutôt permissive sur ces petites choses de rien qui n’ont pas de conséquences. Je la laisse jouer avec le téléphone et la télécommande, je la laisse ouvrir certains tiroirs, fouiller leur ventre inoffensif et y foutre le bordel. Je la laisse mettre les journaux en miettes (tant qu’elle ne mange pas de papier). Sous ma supervision constante, je la laisse expérimenter différentes sensations, escalader, tirer, traîner, défaire. Puis je range, je ramasse et je me fais gober par le ménage…

Cependant malgré toutes les petites difficultés courantes, malgré un certain isolement, malgré une douce monotonie et malgré cette impression de nager à contre-courant, j’aime bien étudier sa progression, assister au cours de ses jours, accompagner ses premiers pas. J’aime être le guide de ses premières connaissances. J’aime apprendre à la connaître en profondeur au fur et à mesure qu’elle s’ouvre au monde. Je me compte chanceuse de profiter de la magie de ses secondes. C’est un chemin à deux voies. Semaines après semaines, je dois évoluer avec elle, m’adapter. Je crois qu’à long terme je regretterai moins les opportunités avortées de ma carrière professionnelle plutôt que de n’avoir pu partager cette période cruciale de son existence.

Deux grosses heures de siestes sereines pour une tranquillité d’esprit, pour une liberté momentanée de femme atrophiée, c’est peu demandé! Pour pouvoir tisser un cocon personnel où faire repousser mes ailes. Pour me rappeler qui je suis...

Un jour, Mademoiselle Soleil volera de ses propres ailes et d’ici là j’aimerais garder les miennes intactes. La dernière année les a, cependant, passablement abîmée. Je suis en mode organique. Je me reconstruis la vie. Mais il y danger. Le danger est de se couper du monde, de se couper des autres. Je sens la bulle m’enfermer. J’y ouvre des petites fenêtres. J’y respire l’air d’ailleurs. La blogosphère est une petite fenêtre pour ce faire.

Cette façon de vivre est un choix personnel que j’assume même durant les heures périlleuses où je rêverai d’être ailleurs pour ne pas vivre la minute difficile de discipline et de rigueur. Car malgré toutes les petites difficultés de la vie courante, j’aime bien m’accomplir de ce rôle précieux de mère à temps plein. J’aime la voir évoluer, progresser, s’affirmer. J’aime apprendre à la connaître au fil des jours qui s’effacent. J’avoue être réfractaire à l’idée de l’envoyer en garderie, même si une partie de moi désire retrouver les rennes de sa vie individuelle.

J’ai l’âme trop bohème. Je suis incapable d’accrocher à ce rythme matériel qui est l’essence même de notre monde moderne. J’ai la cervelle rebelle et je veux discipliner ma fille! Pour qui je me prends!?! Cette idée est souvent d’actualité dans mes remises en questions maternelles. Celle-ci et plein d’autres qui s’enchaînent, s’entremêlent, se lient et se délient autour du noyau de ma conscience raisonnée.

Mais voilà déjà presque une heure de passée! Le libre silence de la sieste de l’enfant n’en a plus pour longtemps et j’ai, sur ma planche, une liste de pains divers à enfourner. Je file pétrir un peu de pâte avant de reprendre en main mon rôle actif de mère au foyer!!!

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