jeudi, novembre 02, 2006

Chroniques de village

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Chroniques de village

Les citoyens se rassemblent en un petit groupe sensible désireux d’unir leurs forces pour sauver et protéger ce lac que nous aimons tous. Nous voici donc réunis dans cette petite église de bois qui se cache entre lac et forêt. Dans la nuit noire, une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel. Une association pour protéger le lac en danger est en train de renaître de ses cendres. Les impressions fusent, les commentaires s’enchaînent, la roue tourne. Comme d’habitude, je prends le pouls de l’assemblée avant de me lever pour discuter de ce sujet qui me tient à cœur. J’ai une bonne expérience associative et des idées qui, je crois, méritent d’être écoutées.


Réunion-association

L’ignorance est souvent à la base de la bêtise humaine. Il y a aussi le problème des excès mais cela semble malheureusement aussi faire partie de la nature humaine. Un peu estomaquée, j’écoute un ingénieur sérieux poser des questions stupides du genre : « Mais les cyanobactéries on ne peut pas les ramasser avec un filet? ». Heureusement un biologiste dans la salle lui explique patiemment le problème. Ces algues sont de nature microscopiques et il n’y aura pas de solutions faciles pour éradiquer la chose. Il faudra penser à des changements à long terme, les anciennes mentalités devront s’adapter à cette nouvelle réalité, l’insouciance n’est plus de mise. Il faut désormais réagir...

Parfois les vieux m’énervent monumentalement. J’ai beau avoir en moi un grand respect pour les aînés, il y a des moments où j’ai du mal à me retenir de ne pas les décapiter sur place. Il est de ces cas où l’on dirait que parce que leur vie est faite, bien exploitée, bien emballée, plus rien ne compte. C’est la mentalité : « Après moi le déluge! » qui me rend folle. Il y a celui que je rencontre à la source (où tout le village s’alimente en eau potable) et qui m’explique comment il n’y a rien de dramatique à cette situation désagréable! Dans ces moments là je ne peux m’empêcher de penser : « Évidement toi il te reste quoi comme espérance de vie 15-25 ans,? Mais as-tu pensé à ceux qui te suivent, à ceux qui devront réparer les dégâts de ton inconscience, à cet héritage que tu laisses aux générations futures???? » Arrrghhh….

À la fin de la réunion, une dame, que je connais de loin, en tête de l’association, me félicite des remarques pertinentes que je soulève depuis quelques semaines, de mon élocution posée, de la justesse de mon phrasé, je m’efforce de ne pas rougir sous la cascade de compliments. C’est drôle comment par moments l’on perçoit mal la réalité des autres. Lorsque je l’ai vu à la dernière réunion municipale, j’ai eu l’impression qu’elle me snobait. Je l’ai trouvée froide et distante alors qu’en fait elle se retenait de venir me voir pour me dire combien elle appréciait que je m’implique dans cette cause! Je la remercie et lui explique que je ne peux rester les bras croisés devant une telle situation. J’aime tant ce lac, je me sens responsable de mes pairs et je désire que ma fille puisse profiter d’une nature pure. Je suis heureuse que les choses avancent dans une autre direction et je ferai mon possible pour être un membre actif dans cette cause qui me tient à cœur.

J’ai donc une nouvelle implication sociale qui va me sortir de mes quatre murs, cela ne fera pas de mal à mon moral même si le combat s'annonce féroce! Suite à la prochaine réunion municipale…


TransparenceFeuille-d'eau-II

En face de ma maison, un petit chalet bleu se cache derrière de grands arbres. Ce chalet est la résidence de Yolande, vieille dame coquette de 77 ans, en pleine forme pour son âge. Elle est capable de faire un aller-retour à Montréal juste pour se changer les idées! Yolande, ancienne hôtesse de l’air en Californie, pétillante, généreuse, vive, bavarde, grande amie des animaux et de la nature. Yolande qui connaît le lac depuis sa petite enfance, qui en parle avec affection et bonheur, qui se baigne encore avec ardeur. Elle a vécu à Québec (ville) plusieurs années. Elle a beaucoup voyagé mais est toujours restée attachée à ce petit coin de brousse. Depuis qu’elle est en retraite, elle a décidé de s’installer au lac à l’année longue dans ce petit chalet entouré d'arbres indomptés. Son mari, lui, passe la moitié de la semaine en ville. Rigolote, elle m’explique comment elle trouve cet arrangement on ne peut plus pratique!

Par dessus tout, Yolande aime dépanner et rendre service. Ses passions sont animales, elle nourrit tout ce qui vit autour de sa maison. Elle fait aussi office de concierge. Avec elle, on est certain que personne ne peut venir rôder autour de chez nous sans être surveillé! Elle est marrante sans être trop envahissante. L’autre jour, je lui demande si je peux descendre au IGA avec elle faire quelques courses. Je n’ai plus de lessive et une montagne de linge qui me nargue. Toute heureuse, elle m’embarque dans sa voiture pour une petite excursion. En chemin, l’on s’arrête derrière le restaurant du village, fermé pour l’hiver, afin de nourrir une maman féline abandonnée à son triste sort. Yolande ne se déplace jamais sans sa nourriture pour chats. Elle ouvre une boite, appelle et caresse la jolie bête craintive. Bientôt une petite bouille de chaton se distingue derrière les grosses barriques. Adorables minous. Yolande est déterminée à sauver cette couvée des rudesses de l’hiver à venir. Tous les jours, elle vient les nourrir, elle les apprivoise doucement tout en leur cherchant des familles humaines. C'est tout un personnage!!!


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Un autre jour comme les autres, le soleil éclaire un ciel d’azur, j’emmène Lily-Soleil jouer sur la plage. Évidemment Chanelle nous accompagne. Chanelle la rebelle que j’emmène au lac malgré le panneau où il est bien écrit en gros : « Interdit à tous les animaux » seulement voilà, Chanelle est une vieille fille d’une dizaine d’années, toute douce, qui adore se tremper les pattes. Sa race est de celle qui se mouille sans gêne, elle adore se baigner, ne fait pas ses besoins dans le sable et j’estime qu’elle ne fait aucun mal au lac. Elle profite de l'endroit avec plus d'innocence que bien des humains qui se pensent tout permis! De plus lorsqu’il n’y a pas un chat, je vois pas vraiment pas où est le problème. Bref, la brave chienne s’amuse à rogner un vieux morceau de bois tandis que Lily-Soleil joue avec sa poussette. Arrive un couple de retraités en promenade, la dame me sourit, l’homme me dit :

- Les animaux c’est défendu…

Je lui réponds :

- Oui, et vu l’état du lac, il y a bien d’autres choses qui devraient aussi être défendues!!!
- Qu’est ce qu’il a le lac???

Je manque de m’étrangler et me retiens de l’étrangler. Je lui réponds quand même gentiment :

- Vous ne savez pas les problèmes que l’on a en ce moment???
- Ah! Heu, oui, heu si…

Je garde mon calme malgré ce subtil énervement qui m’emporte, je poursuis:

- Alors vous savez sûrement qu’il y aurait beaucoup de mesures à prendre pour le protéger. À votre avis pourquoi on en est arrivé là???

Le vieux croûton a l’audace de pointer Chanelle du doigt et de me répondre :

- C’est à cause de ça!!!

Je respire un bon coup de ne pas l’étriper sur place. D’un ton neutre et posé je continue :

-Ah! Non, là, je ne pense pas, si le lac va mal c’est à cause des engrais, des bateaux, du déboisement des rives et de plein d’autres choses humaines mais c’est certainement pas à cause de Chanelle qui s’y trempe les pattes lorsqu’il n’y a personne sur la plage!!! Il y a bien des choses plus importantes qui devraient être défendues pour que le lac aille mieux….

Non, mais oh!!! Faut quand même pas trop se foutre de la gueule du chien!!! Il lit dans mon regard toute ma détermination sur le sujet et clôt son bec d’imbécile fripé. Il s’éloigne en haussant les épaules. Je regarde ma puce, je respire profondément l’air pur qui m’entoure, heureuse d’être restée calme et polie, je bouillonne de l’intérieur. En voilà un qui aurait passé un bien mauvais quart d’heure s’il avait rencontré sur son chemin ma Yolande locale!!!


October-Lake-II

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