samedi, mars 19, 2005

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Âpre réalité

Last-Pictures-of-Tenzin-andLast-Pictures-of-Tenzin-III

C’est le cœur gros que j’écris ces mots. La mort a frappé notre routine quotidienne. Un autre de mes chats est parti. Alors qu’hier encore j’écrivais dans les commentaires que Tenzin se portait bien (c’est ce que je croyais), alors qu’hier encore je volais des images de sa petite mine féline. Cet après-midi, le voilà qui n’est plus! Toute vie ne tient qu’à un fil…

Ce matin, à mon réveil, je ne vis pas comme à l’habitude Monsieur Tenzin venir me quémander sa nourriture fraîche ou m’ordonner de lui ouvrir la fenêtre. En quelques minutes mon regard se posa sous la table. Je sens une vague d'inquiètude m'effleurer. Je remarque Tenzin couché prés de son gros jouet à gratter. En quelques secondes, je me rends compte qu’il ne va pas bien. Je connais son handicap, je reconnais ses symptômes, je le caresse tendrement. Il semble mal en point, il lève la tête et la souffrance cachée dans son regard alerta mon cœur sur-le-champ. Petite Clo se réveille, elle vient voir ce que je fais à quatre pattes sous la table. Je lui montre Petit Tenzin et lui explique mes craintes. Je lui donne un peu d'eau dans un bol. Il boit tout d’un coup. Il se lève avec difficulté, fait quelques pas et vomit toute l’eau ingérée. Mon cœur se fend davantage. Comment pouvait-il paraître si bien hier? Comment peut-il avoir l’air si mal ce matin!?!

Je réveille Juan. Il vient constater de lui-même la gravité de son état. Nous décidons de l’emmener à l’hôpital vétérinaire. Petite Clo s’interroge : « Mais comment cela y existe des ‘hopitals’ pour les chats!?! » Sur le trajet, alors que la pauvre bête repose au creux de mon bras, Juan me dit :

- Mais tu sais, on connaît son problème, on savait qu’il risquait de ne pas aller bien. On va surement devoir peut-être prendre une grosse décision sur place…
- Tu veux dire de le faire piquer?
- Ben oui, on devrait peut-être en parler avant!
- Non! On en parlera quand ce sera le temps que l’on en parle! Je peux pas penser à sa mort alors qu’il est là vivant dans mes bras!


Clo de sa petite voix d’enfant s'exprime : « Mais c’est quand même une vie!!! ». Tenzin est sage comme une image. Son bassin est parcouru de spasmes réguliers. Il est un peu amorphe et la douleur jaillit de tout son corps. Cela me semble bien plus grave que sa dernière infection urinaire. Cela ressemble à cette fois étrange durant l’automne: Cela faisait quelques jours seulement que nous l’avions récupéré. Il devait avoir à peine un mois. Nous venions à peine de découvrir que sa petite sœur avait pris son minuscule pénis pour une tétine et que celui-ci n’était pas beau à voir. Un matin, comme celui là, je le découvris à moitié mort dans un coin. Son pénis était enflé de façon démesurée et manifestement il ne pouvait plus uriner et s’empoissonnait lentement. Sylvie était certaine qu’il ne passerait pas la journée, elle m’avait dit : « Essaie de l’emmailloter comme un bébé, il est tout petit, prends le contre ta poitrine et masse lui le ventre, cela lui donnera peut-être une chance!» C’est ce que je fis! Durant deux heures, sous le soleil de ma terrasse, logé au creux de mes seins, le petit être erra entre la vie et la mort. Il s’accrocha à la vie, et à force de lui masser sa petite vessie, elle se vida complètement. Son pénis n’était pas joli à voir mais Tenzin retrouva la joie de vivre du petit chaton en forme. Quelques semaines plus tard, il fit une infection urinaire. Une fois chez le vétérinaire, l’on constata le piteux état de son pénis et comme nous n’avons pas les moyens de financer une chirurgie, nous optâmes pour les antibiotiques. Il finit par guérir. Un bon chat, affectueux, comique, vif. Les semaines passèrent et je m’attachai à cette petite boule de poil. Je repris espoir en ses chances de survie jusqu’à ce matin…

Une fois arrivés en cet hôpital qui me rappela plusieurs des mauvais souvenirs. Je me préparai au pire tout en gardant une goutte d’espoir pour le meilleur. La clinique où nous allons habituellement n’avait plus de place, celle-ci nous transfera à l’hôpital pour les urgences. Petite Clo entre tristesse et étonnement : « Mais il ont des urgences pour les animaux! ». Nous n’étions pas venus là depuis Bamboo. Je n’y vis pas un bon présage…

Une fois dans la salle de consultation, nous expliquâmes le problème à la vétérinaire. Notre clinique avait déjà faxé le dossier ouvert lors de sa dernière infection. Il ne lui prit pas longtemps pour mettre le doigt sur le bobo. Tenzin n’avait plus d’urètre! La cicatrisation finale avait complètement fermé son petit organe qui enfermait son pénis qui mûrissait à mesure qu'il grandissait. Sa vessie était dangereusement gonflée. Il n’avait plus de trou pour évacuer les toxines de son urine! Alors que la gentille dame massait sa petite chose, à peine quelques gouttes s’échappaient. Le doux minou se plaignait à peine. Les larmes mouillaient les joues de Petite Clo. La vétérinaire nous expliqua que son cas était réparable. Il fallait le faire opérer d’urgence, une chirurgie de reconstruction pouvait le sauver! L’on se doute bien que c'est une opération délicate et méticuleuse. Il faudra s’attendre à un minimum de 1000 $ de frais! Sinon, la cicatrisation a si bien refermée sa chair que son pénis est définitivement obstrué et vu son état présent, il n’en a plus que pour quelques jours de souffrance avant que son cœur ne succombe à la souffrance toxique de son état misérable! Je sens mes yeux prendre l’eau. Je m’exclame pour ne pas me noyer :

- Mais c’est un si bon chat! Et il avait tant grandi! Il allait encore bien hier!!!
- Oui, je sais, c’est souvent les meilleurs qui partent les premiers!

Surprise, je plonge mes yeux dans les siens. Elle poursuit :

- C’est vrai, je le vois, ceux qui ont mauvais caractères, on finit souvent par les sauver et les chats gentils comme lui, cela se voit ceux qui sont bons car un chat qui souffre et reste doux est un très bon chat! Ceux-là on les voit beaucoup partir...

Elle nous laisse quelques minutes pour prendre cette décision que nous ne voulons mais que nous devons prendre! Cette décision qui me peine tant. Du haut de ses douze ans, la petite pleure à chaudes larmes. Elle se rebelle devant l’injustice de la situation. La vie est injuste ma Petite Clo, ce n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres! Après avoir vécu la même chose avec Bamboo au même endroit, je ne me sens pas la force d’accompagner la mort une autre fois en ces lieux! Entre les disparitions, les causes naturelles et Atlantik, je crois que c’est le dixième chat que je perds depuis l’ouverture de ce jardin virtuel! Je n’en peux plus de voir mes chats s’envoler dans l’air du temps! Je commence par en avoir sacrément marre! Serais-je maudite?

Petite Clo vibre de cette tristesse de l’enfance devant la mort concrète. Je ne ressens que cette résignation d’adulte devant la vie qui se passe. Je console l’enfant devant moi, par ce fait, je console aussi celui qui survit en mes veines. Juan nous retrouve dehors. Les yeux rouges de pleurs, il nous prend dans ses bras. C’est fini. Tenzin est parti. Il nous dit que même la vétérinaire pleura devant la désolation de cet acte. La petite dit :

- Ben c'est normal, quand elle a voulu apprendre son métier, ce devait être pour soigner les animaux, pas pour les tuer!!!
- Oui, surtout lorsque qu’elle pourrait le sauver mais comprend aussi qu’un budget étudiant ne permet pas ce genre de chirurgie et que c’est alors la seule solution devant la souffrance évidente de l’animal.

L’on se raisonne en se disant qu’il n’est pas mort à trois semaines, abandonné dans le froid et effrayé au bord d’une route déserte. Qu’il n’est pas mort avec comme seule émotion, la difficulté de naître dans un monde hostile ! Qu’avant de disparaître, il aura été aimé, il aura mangé à sa faim, joué avec des copains, connu des moments de bonheur félin, de douceur humaine! Et comme me le rappelle Juan, il aura aussi sauvé sa soeur qui pète désormais la forme! Mais aujourd'hui ses petits yeux jaunes se sont fermés pour toujours. Un autre chat qui me manquera! Il reste cette peine amère que je ressens au fond de mon cœur tanné. Cette peine qui me gratouille la plaie de mes chats disparus. Une plaie qui n’est pas encore guérie de ses tendres maux. Aujourd'hui, une fine tristesse est tombée sur notre maison. Petit souffle de vie avalé par le temps. Espèrons que le spectacle de ce soir saura nous changer les idées sombres…

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