vendredi, mars 11, 2005

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Déconnectée…

After-the-stormAt-the-end-of-my-street

Ce matin, Juan regarde flotter les flocons par la fenêtre, les vitres sont bien givrées, il se demande quelle peut bien être la température aujourd’hui et allume la télévision. Depuis des jours, cela tourne autour de –20. De quoi prendre un avion pour le Sud sur le champ! Ah! Si seulement nous avions quelques sous pour fuir cet hiver qui s’acharne sur nos jours! Cet hiver capricieux, qui à l’aube d’un printemps, décide ne nous geler le sang. Je suis proche de déclarer forfait! En phase avec la nature, mon corps souhaiterait hiberner jusqu’au retour de la verdure! Juan allume la télévision. Mais l’écran couvert de neige fonctionne étrangement. Il m’appelle :

-Dis Etol, ça marches-tu la TV dans la chambre?

Je rampe sur le lit pour tourner l’antique roulette et l’écran s’allume sur un écran noir bredouillant des spasmes d’images. Je change de chaîne et ne voit plus que des parasites bruyants et tordus.

- Nope, ça marche pas ici! T’as bien envoyé le chèque pour l’abonnement?

Je le rejoins dans la cuisine. Mal réveillé, il me répond :

- Oui, je suis certain, c’est parti y’a au moins 15 jours!
- Ah! Alors si on est pas coupé, y’a peut-être eu une panne d’électricité! Parfois ça fait sauter le câble!
- Pourtant tout marche correctement! Je suis en train de faire le café!

Je décroche le téléphone à coté de moi. Un silence pénétrant me répond. Plus de tonalité dans mon combiné! À cet instant présent, je commence à paniquer légèrement :

- Mais!!! Comment ça! Y’a plus de téléphone! Comment ça y’a plus de téléphone?!? Y’a jamais plus de téléphone!!! Oh! My God!

Juan me regarde pas vraiment bouleversé. J’allume son portable. Il me dit :

- Ben si y’a plus de téléphone, comme ça passe par la ligne, y’a sûrement plus d’Internet non plus!
- Ben, on a pas le câble?
- Non, on est DSL, ça passe par la ligne téléphonique!
- Ben là! On est complètement déconnecté! Pas de tv, pas de téléphone, pas d’Internet! Si ça se trouve la planète a explosé et on le sait même pas!

Il me regarde en souriant.

- Ben, au moins on a toujours l’électricité!
- True! Mais c’est ce qui est le plus étrange! D’habitude c’est des coupures d’électricité pas de téléphone et de câble! Tu veux pas aller demander au voisin, si c’est pareil pour lui?

Il tergiverse deux minutes, mais bon mari qu’il est, il finit par braver le froid pinçant pour rassurer son épouse irritée. Il revient dix minutes plus tard et confirme que toute la rue semble dans la même situation! C’est étrange de se retrouver sans téléphone dans ce monde moderne auquel nous ne faisons plus attention! Ce n’est pas aussi stressant que de se retrouver sans électricité, mais cela reste quand même perturbant…

Juan plus dépité qu’autre chose de ne pas savoir la température extérieure se prépare à partir en ville. Au moment où il sort dehors, Mademoiselle Chanelle apparaît sur le perron! Elle rigole en me montrant ses petites dents de devant, cela faisait au moins quatre jours que je ne l’avais pas vue! Chanelle entre, Juan s’en va…

J’essaie d’oublier que je suis déconnectée mais le mystère de la chose n’arrête pas de me hanter. Troublée, je n’arrive guère à me concentrer. J’en profite pour lire ce livre que je voulais finir. J’entends frapper à la porte. Vivi, maîtresse officielle de Chanelle vient voir si sa chienne est là. Elle s’assure que j’ai bien enregistré que j’en avais la garde légale pour toute la fin de semaine car la petite famille part en voyage. Comme elle habite sur la rue d’en face, j’en profite pour me renseigner sur cette situation de câble et téléphone absents:

- Pis, t’as-tu le câble chez toi?
- Non, ni câble ni téléphone! C’est à cause de l’autre bizarre à l’autre bout du village!
- Le bizarre?
- Oui, tu sais la maison au coin de la rue du carrefour avant la côte! Celui qui a toujours des trucs à vendre devant chez lui!
- Oh! Lui! La maison qu’a l’air toujours en semi-construction. Celui qui a son propre tracteur pour déneiger son entrée!
- Ouais, celui qui se construit ses cabanons maison! Ben imagine-toi que l’un de ses cabanons a pris feu!
- Non!!!
- Ouais, pis je comprends pas pourquoi mais cela a fait sauter tout le truc, y’a 10 camions de Bell devant chez lui, personne sait trop bien comment cela s’est passé! Mais il a fait sauter toute la patente!
- Hein!?! J’en reviens pas, tout ça à cause de l’autre weirdo qui a fait flamber son cabanon???
- Oui, on est 3000 mille touchés! Nous autres et le village en bas!
- Ben voyons! C’est débile! Y savent-tu quand ça va repartir?
- Non, mais je te dis c’est plein de camions de Bell, je suis passée devant avant de venir, pis c’était la grosse foire!

Vivi repart chez elle. Je reste seule avec le chien et les chats. Rassurée de savoir l’origine du problème, impatiente de le voir réglé! Au bout de quelques heures, le câble renait sur les écrans de ma cabane ensevelie sous des montagnes d’hiver. Un soupçon de normalité retrouvé. Je finis ce livre que je ne suis vraiment pas sure d’avoir aimé. Tourner autour des imperfections humaines m’ennuie. Si c’est pour farfouiller comment nous sommes tous à moitié tordus, pervertis et avides de mensonges, pas besoin de lire 300 pages pour m’en rappeler! Le désespoir, la perversité, l’infidélité, le cul, l’astiquage de nombril, toutes ces notions à la mode me saoulent dès que je dois les avaler par phrases entières couchées sur papier. Tant et si bien que j’en viens parfois à me dire que je suis tout à fait archaïque ou complètement hors série! Au moins, ce petit carnet de discipline et de vents me tient un peu à la page! Un aspect que je n’avais jamais réalisé jusque là. Ce qui peut paraître étonnant c’est que je peux être la première à choquer les oreilles prudes dans les discussions qui tournent autour de ces tons de société. Mais les explorer par l’écriture ne me tente pas pour trois milliards de sous! Je préfère encore m’enivrer avec une bonne dose de surréalisme, ou mieux encore, me perdre aux frontières de la quatrième dimension…

Les images défilent dans le petit écran de nouveau vivant. La tonalité du combiné, elle, se fait toujours attendre. Le génie du ménage me fait la grimace. Les mauvais anges se fendent la gueule. Je prends l’un des pains qui traînent sur ma planche de travail et l’envoie avec force dans la face démoniaque de celui qui se marre le plus. Il couine et répond avec la force d’une rafale de doutes enrobés de malaises qui me transpercent les émotions. Je lui tire la langue et réplique en permettant au petit génie rose de se glisser sur mon épaule nue. Je le caresse de ma joue et agrippe un chiffon sous le regard indifférent de Pimprenelle qui sommeille.

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