mardi, novembre 04, 2003

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Les foules éclairs, tendance à suivre ou à oublier ?

Le phénomène des flashmobs ou foules éclairs a commencé l’été dernier à New-York. Cette idée, concocté par un mystérieux « Bill », a permis la formation spontanée de foules en des lieux donnés. Le concept remporte à ses débuts un franc succès. Depuis, le phénomène a fait le tour de la planète via Internet pour aboutir le 25 octobre dernier à un Flahmob d’envergure mondiale, le Global Flash Mob…

Comment cela fonctionne ?

Les internautes s’inscrivent à une liste et reçoivent les instructions pour participer à une manifestation éclair qui consiste à effectuer un scénario loufoque durant un temps chronométré devant les passants interloqués et perplexes. Le premier flashmob se déroula à Manhattan, au nez et à la barbe du grand magasin Macy’s. Ensuite, des foules éclairs matérialisèrent dans multiples villes, Paris, Amsterdam, Rome, Montréal, Moscou... Mais est-ce que la sauce continuera de prendre ?

Les foules éclairs dans la francophonie…

Le 14 septembre eu lieu le plus réussi des flashmobs montréalais. Une centaine de personnes se retrouvèrent sur la rue Prince-Arthur pour y dessiner des flèches à la craie avant de se disperser calmement sous les regards médusés des piétons. En France, de Paris à Marseille, la mode des foules éclairs a explosé cet été. Pourtant, seule la ville de Toulouse a participé au Global Flash Mob du 25 octobre. À Paris, après un début remarqué au musée du Louvres, où quelques 200 personnes se sont rassemblées pour une manifestation de 3 minutes qui se déroula comme suit : les participants parlaient à leurs téléphones portables une minute avant de s’écrouler par terre comme pris d’un malaise. D’autres villes ont suivi la tendance un peu partout en France. Cependant, le concept semble s’essouffler. À moins que quelques scénarios n’aient un peu trop pris les participants pour des cons et en aient agacés plusieurs (ex à Toulouse : au centre de la place, tournez autour les uns des autres tout continuant à battre des ailes, à bouger la tête d'avant en arrière et à pousser des « COT COT »). Foules intelligentes comme le voudraient les adeptes du genre ou foules de moutons stupides, la question se pose devant l’absurdité de certaines de ces manifestations…

Ce qu'en pensent les experts...

J’ai contacté Houssein, rédacteur du carnet montréalais Hou-Hou Blog et Jean-Luc, créateur du populaire MediaTic à Paris, pour en comprendre davantage à ce sujet...

Le phénomène des flashmobs semble s’essouffler sur Paris et la France, pourtant le dernier rassemblement du Global Flah Mob du 25 octobre montre que l’idée a encore du souffle. Quel est votre avis sur le sujet Jean-Luc ?

Il est évident que le phénomène s'essouffle et qu'il perd son intérêt car les flash mobs n'ont pas de but en eux-mêmes. Il est donc sympa pour quelqu'un d'y aller une ou deux fois... Mais les gens s'attachent ensuite a la qualité du scénario et sont très attentifs a la récupération commerciale ou marketing qui peut s'opérer. la méfiance est donc de mise. A ce titre, il est marquant qu'en France, les derniers flash mobs organisés en France en Province n'aient réunis, tout au plus, qu'a peine une poignée de personnes... L'effet surprise n'existe plus et les flash mobs ont été surmediatises. Même Bill, organisateur des flash mobs New Yorkais a annonce qu'il cessait d'organiser des flash mobs a NYC car il n'y voyait plus d'intérêt.

Aussi, le phénomène des flash mobs a du mal a tenir le coup dans l'hémisphère pour des raisons climatiques (automne et hiver). on sait que la plupart des flash mobs se passent à l’extérieur. il est donc plus difficile de mobiliser les gens avec des températures moins clémentes.


Que représente d’après vous ce genre de phénomène qui jaillit de l’Internet pour se matérialiser au grand jour avant de s’évaporer subtilement ?

Le flash mob a l'origine est un rassemblement éclair (on dit foule éclair), les gens sont prévenus par des outils mobiles (SMS) voire par courriel quelques heures voire quelques minutes auparavant et doivent se rendre a un
endroit précis pour y suivre un scénario minute qui dure tout au plus quelques minutes. Ce scénario est souvent absurde et sans fondement. Il n'y a pas d'objectif : les gens ne doivent pas se parler ni répondre aux médias présents. Ce qui est intéressant avec les flash mobs, c'est que c'est un rassemblement a un moment donné de personnes ne se connaissant pas, une sorte d'organisation collective même si la personne est seule avec un scénario a faire : ce scénario est individuel...

Avant Internet et les outils mobiles, il aurait été impossible de réunir de 300 (Paris) a 2000 personnes (Londres) en quelques minutes en un endroit précis. C'est donc assez troublant...

Ce genre de phénomène et d'organisation collective tend a se développer grâce a des reseaux Wifi notamment, aux téléphones portables pour des revendications cette fois-ci politiques, sociales. C'est notamment le cas via des réseaux alter mondialistes comme par exemple les moblogues (blogues où sont postés des photos en direct via des téléphones-photos) qui ont été créés lors d'une manifestation anti-mondialisation lors du sommet du G8 a Evian (France) au printemps dernier. Cette organisation collective spontanée tend a constituer un contrepouvoir efficace et ordonne.


Vous avez déjà participé à une telle manifestation. Quelles en furent vos impressions personnelles?

J'ai participe a 2 flash mobs a Paris, fin août et début septembre. Avec un point de vue différent : la première fois, j'étais acteur (je suivais les instructions), la deuxième fois comme spectateur (mobloguant des cliches). La vision est extrêmement différente dans ces 2 positions : acteur, l'on se sent pris dans un flot collectif assez indescriptible, c'est plaisant et amusant. Je n'avais ressenti cette impression de mouvement graduel auparavant. Spectateur, on trouve ça quelque peu affligeant et même bête... Vu de l'extérieur le flash mob est caractérisé par l'impression d'une bulle individuelle que l'on inscrit dans un acte collectif... il y a quelque chose de très tribal là-dedans.

Est-ce le début d’une tendance qui continuera d’évoluer sous une forme ou une autre ou juste une mode passagère qui s’éteindra d’elle même ?

Il existe des évolutions aux phénomènes de flash mobs comme la tendance revendicative (qui ne date pas d'hier). un autre aspect est intéressant : le flash mob a tendance culturel ou l'individu s'exprime. cela a été dernièrement le cas en septembre d'abord a Montréal puis a Paris ou les personnes devaient sur le sol a l'aide de craies effectuer un acte créatif : dessiner des flèches à Montréal, et a Paris devant Notre Dame, s'accaparer une dalle au sol et y dessiner quelque chose ou y mentionne un prénom, une citation, un texte... c'était très réussi a Paris et cela a constitue une oeuvre d'art collective éphémère.

Merci Jean-Luc! ;)

Houssein vous avez participé au flashmob du 14 septembre, qu’est-ce que vous en retenez avec le recul ?

C'était une belle expérience. Participer à une activité courte qui n'a pas d'objectif précis, à part s'amuser et créer l'événement, est une expérience unique. Dans le monde où nous vivons, où toutes nos activités sont guidées par l'utilité de l'action (travailler, étudier, gagner de l'argent, consommer, s'informer, dormir, faire du sport, etc.), quelques minutes d'actions inutiles, absurdes et superflues font beaucoup de bien...

Le phénomène semble en perte de vitesse, quelles sont vos impressions à ce sujet ?

C'était prévisible. Le phénomène des flash mobs ne pouvait être qu'un flash phénomène. Ce n'est pas un effet de mode, on ne peut pas parler d'effet de mode car il n'y a pas de vrais "promoteurs" derrière. Ce qu'il faut retenir desflash mobs c'est la démonstration de l'efficacité de l'utilisation des technologies de l'information pour l'organisation d'activités de groupes. Ce mode de fonctionnement va être récupéré par les militants de tous bords. On a d'ailleurs vu dernièrement quelques manifestations politiques éclairs organisées à la manière des FM. Il faut aussi être réaliste, on ne peut pas demander aux gens de faire des choses absurdes pendant longtemps, ils se lassent.

Que pensez vous de la réussite du Gobal Flash mob qui se déroula le 25 octobre dernier ?

Je pense que ca aurait du être organisé il y a 1 ou 2 mois, lorsque le phénomène était à son apogée. Ca aurait eu un impact plus important. Mais bon, la réussite du global mob montre qu'il est possible d'organiser des actions éclairs à l'échelle planétaire. Ceci peut donner des idées aux activistes du monde entier pour coordonner leurs actions militantes, et donner ainsi plus d'impact et d'ampleurs à leur manifestations.

D’après vous, est-ce que ce sont des foules intelligentes ou « bêtes », une forme d’art ou un reflet stupide de notre société frivole ?

Je n'irai pas jusqu'a dire que ce sont des foules intelligentes selon la définition de Howard Rheingold des Smart Mobs. Mais ce ne sont pas non plus des foules bêtes, ou comme aiment le crier les détracteurs des flash mobs : des foules de moutons. Pour moi c'est une forme de manifestation artistique. Une activité de groupe qui suscite des émotions, de la perplexité, de l'étonnement, et tout autre sentiments chez les autres est quelque part une forme d'art. Pour moi, l'absurde est art, et inversement.

Il y a aussi une idée qui me fascine dans les flash mobs, c'est de les voir comme une manifestation du désir de réappropriation de l'espace public. Les participants montrent que l'espace public leur appartient, et non pas à l'État, ni aux compagnies de marketing. Les flashmobeurs réaffirment leur droit à se réapprprier l'espace public en y effectuant une activité de groupe inutile et absurde. Je fais le parallèle dans ce sens avec d'autres phénomènes plus militants qui sont les Street Parties qui bloquent les rues importantes d'une grande ville pour organiser des fetes derue, ou les mouvement de masse critique qui organisent des grands regroupements en vélos dans le but de bloquer la circulation des voitures...


Merci Houssein! ;)

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