Épisode cinq :
La nuit commençait à tomber. L’île était lugubre mais ne semblait pas habitée. Goom traîna sa barque sur le sable et s’aventura en grognant entre les arbres…
Durant son voyage, il s’était sentit changer sans y penser. Il était triste. Il sentait en lui multiples transformations mais son cerveau était trop petit pour les analyser. Alors il avait regardé l’eau couler. Il avait attrapé quelques poissons qu’il avait croqué et avalé en trois coups de dents. Son palais avait à peine réagi, son estomac s’était un peu calmé. Il avait ensuite repris sa contemplation inerte et silencieuse. Assis comme un gros balourd au fond de sa barque, il avait ressenti à l’intérieur de lui toutes sorte d’émotions bizarres. Il s’était sentit perdu et rejeté, il avait encore envie de pleurer…
Les Ogres étaient de nature simple et brutale. Leur petit cerveau s’accommodait bien de cet état et leur cœur minuscule ne battait qu’au gré de leur palais satisfait. Seule la nourriture les faisaient vibrer et seul le goût si particulier de la chair humaine faisait palpiter quelques émotions en leur petit cœur si peu utilisé !
Goom ne pouvait plus compter sur la chair humaine pour se nourrir l’estomac, le cœur ou l’esprit. Il se rappelait du plaisir qu’il avait si souvent ressenti en croquant la cuisse tendre et juteuse d’un bébé à peine grillé. Mais ce souvenir encore agréable s’accompagnait désormais d’un malaise qu’il ne pouvait contrôler. Et il savait que plus jamais il ne se mettrait sous la dent un autre humain cuit ou cru !
Son corps se transformait de l’intérieur sans autres douleurs que ce malheur qui envahissait ses rares idées. Il fit le tour de l’île en quelques enjambées et décida d’y passer la nuit. Il s’installa une couche et alluma un feu pour se réchauffer…
L’atmosphère était humide, la brume semblait ne jamais vouloir se dissiper. La nuit noire avalait le peu de paysage visible et Goom bien vite caché sous ses couvertures ouvrait ses gros yeux vitreux à chaque petit bruit nocturne. Pour la première fois de sa vie,il sentait monter en lui toutes sortes de petites frayeurs qui lui faisaient grincer les dents et serrer des poings.
La nuit semblait habitée de toutes sortes de créatures étranges, inconnues à ses sens. Il ne reconnaissait pas la majorité des bruits qu’il entendait et frissonnait de tout son corps à chaque instant. L’esprit torturé d’incompréhensions, il échappait un grognement et fermait de toutes ses forces ses gros yeux fatigués. Le sommeil vint finalement l’emporter au petit matin. Il rêva d’enfants sanglants, de cervelle écrabouillée, de marmites fumantes, de brouillard hanté et de cercles oubliés…
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