Nous prenons la route ce matin, conscients de la difficulté mais inconscients des frissons que celle-ci nous donnera. Ces frissons d’hiver qui font palpiter les veines d’émotions et de danger mélangés qui se combinent en trajet irréel pour les sens chamboulés par l'hiver qui attaque…
Première constatation au bout d’une dizaine de kilomètres. Je m'exclame:
- Dis, tu trouves pas que c’est désert ? Me semble qu’on a voit personne sur la route ! Faut dire, je comprends vu comment c’est mauvais, on se croirait dans un désert de neige…
- C’est vrai, à part une police et deux autos prés du village, on a vu personne ! Faut dire, c’est à peine si je distingue la route, tout est blanc du ciel à la route! Ajoute Juan concentré sur sa conduite d'escargot...
L’on avance péniblement dans la tempête, un essuie-glace, celui de Juan décide de partir en vrille. L’aventure embarque à mesure que la voiture ralentit sa course dans le désert blanc et poudreux qui tourbillonne et avale tout ce que le regard cherche à percevoir…
L’adrénaline se fond dans le sang qui se glace à chaque tournant. Quatre yeux cherchent désespérément la route qui s’évapore dans le nuage de flocons qui nous emporte en une autre dimension…
Une dimension où la visibilité est si réduite que l’on y voit rien d’autre que du blanc, envahissant, omniprésent. Un "4 roues" et des tracteurs s’activent à déneiger les entrées, des voitures embourbées ou ensevelies sous ce tapis blanc qui se dépose subtilement et fait disparaître tout ce qu’il touche. Des lumières de Noël qui brillent, scintillent et éclairent les sapins qui s’affaissent sous les amas de neige, les maisons qui disparaissent dans la brume…
Pause avant de prendre l’autoroute qui mène à la ville. L'on sort de la voiture et l’on respire à grande bouffées cette vie qui semble prête à s’envoler en un coup de volant avec les roues qui patinent, s’enlisent, dérivent en cet univers si blanc…
L’énorme machinerie qui compose l’armada d’engins « déneigeurs » sillonnent les voies de communications. Elle semble pourtant en perte de vitesse. L’on a vu qu’un de ces monstres en une heure. Ce qui laisse présager que l’armada est sous violente attaque !!!
Cela sent le danger à plein nez, mais dans la sécurité de la voiture armée de ses valeureux pneus d’hiver tous neufs, cela sent l’aventure à pleines veines…
L’on prend l’autoroute noyés dans le nuage virevoltant des flocons en folie. Vitesse de pointe 50km/h ! L’on comprend au bout de quelques kilomètres l'intensité de cette aventure qui fait palpiter le cœur et serrer les fesses. Un énorme camion passe en trombe et durant vingt longues secondes, l’univers disparaît en un monde de coton et de poudre. L’essuie glace est près de la mort, la visibilité est nulle et nos regards se perdent à chercher la route évanouie en ce gigantesque spasme d’hiver…
A bout d’une toute petite heure à grincer des dents apparaît le panneau de la sortie Duplessis. L’on se prépare à échapper à l’enfer de neige. L’on commence à distinguer des panneaux puis un énorme camion bouchee la voie, embourbé dans une montagne de poudre, il bloque irrémidiablement la sortie. L’on se résigne à aller à la prochaine, trois longs kilomètres nous en séparent…
Arrive enfin la sortie Henri IV, une voiture loin devant s’engage sur la voie, l’espoir au cœur, l’on se faufile entre deux bancs de neige. L’on glisse sur un manteau de neige pour se retrouver une centaine de mètres plus loin, bloqué par un autre camion "pogné" en début de côte. Une dizaine de voitures sont arrêtées elles aussi, l’on fait la queue, l’on respire un peu mieux durant cette pause inopinée, les minutes défilent…
Soudain une voiture en début de queue commence à effectuer une manœuvre pour se retourner, une autre suit, puis une troisième… Médusée, je dis :
- Mais là on va aller à contre sens sur la voie unique qui conduit à l’autoroute ! Remarque suffit que les autres le fassent pour qu’on suive! Pis c’est ceux de devant qui sont en première ligne…
- Mais si on retourne jusqu'à l’autoroute, ça marche pas, on sera aussi à contre-sens, remarque l’homme concentré…
Juan est tout rire, tout sourire, en plein trip d’aventure. Notre tour arrive et nous voilà dans cette file de voitures qui remonte à contre sens la voie d’autoroute. Plusieurs gros 4X4 sont de la partie et tracent dans la neige un chemin facile à suivre. L’on rencontre quelques voitures qui arrivent de face et se poussent sur les cotés…
Un gros 4X4 en début de file se fraye un passage à travers la montagne de poudre qui s’essouffle sous ses énormes roues. Ce gros "char" nous conduit telle une caravane en un désert d’hiver, l'on se retrouve sur la route parallèle qui rejoint l’autoroute dans le bon sens !
Nous revoilà donc sur l’autoroute mais dans la direction qui nous ramène chez nous ! Recommence alors le dur périple dans l’enfer blanc de la tempête qui s'énerve au dessus de nous…
20 minutes plus tard l’on finit par arriver en vue de Ste-Foy. L’on s’arrête pour manger et changer le maudit essuie-glace qui est mort en chemin !!!
Après d’autres minuscules aventures dans la ville enneigée, l’on achève nos achats des fêtes. C’est parti pour l’hostéo dans la nuit où scintille mille lumières sous la blanche neige qui continue de tomber !
Une ambiance féerique transforme le paysage quotidien et fait oublier la rudesse de l’hiver qui s’acharne…
Avec l’hostéo, le corps retrouve toute son importance et ma fragilité est exposée au grand jour. Le regard perçant de la gentille dame me rappelle tous ces moments passés à retrouver mes pas ! Je suis toute « poquée » comme une vieille tôle désolée, l’arthrose comme la rouille enraye cette mécanique qui est mienne…
Les massages qui détendent les muscles noués. L’aveu des années passées à oublier l’état de la machine. Les douces paroles qui expliquent qu’il faut écouter le corps avant qu’il ne décide de s’arrêter pour expliquer ses souffrances reniées…
Mais cela est une autre histoire, d’autres jours, d’autres mots, d'autres phrases…
La tempête de chez Magellan...
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