Au lever du jour, il mangea avec appétit son énorme plat. Le ventre plein, il alla se coucher enfin satisfait et repu. Son sommeil se peupla de songes tourmentés où les Hommes et les Ogres dansaient en une ronde infernale et terrifiante…
Épisode trois :
À la nuit tombée, Goom se sentit tout ravigoté. Son humeur était légère, la lune brillait en des cieux étoilés, pas un nuage n’obscurcissait l’horizon…
L’ogre rassasié décida d’aller à la cueillette. Il avait utilisé tous les ingrédients présents dans sa cabane. Il avait tant apprécié manger son sanglier mariné, qu’il avait élaboré, durant sa préparation, toutes sortes de nouvelles recettes à essayer. La forêt regorgeait de sangliers. Ceux-ci n’étaient pas chassés pas les Ogres. Au mieux on en faisait des animaux domestiques. Certaines Ogresses auraient été extrêmement choquées de savoir que Goom s’apprêtait à incorporer le sanglier à son alimentation !
Les Ogres, réputés pour leurs tempéraments gourmands et étonnement gourmets, considérant la taille de leur cerveau, étaient gastronomes et fiers de l’être. Toute leur activité cérébrale tournait autour de leur palais. Si la chair humaine était leur aliment de base, ils n’hésitaient pas à l’agrémenter d’herbes, de fruits et de plantes de tous genres…
Les Ogres les plus respectés du pays étaient ceux qui savaient le mieux cuisiner. C’était des artistes qui ne chassaient guère et qui possédaient le seul savoir connu en Ogronum : la gastronomie !
Jamais un ogre ne s’abaissait à manger un autre animal que l’humain. Depuis des siècles et des siècles, les Ogres se nourrissaient d’humains et s’en délectaient les babines. Toute la culture Ogre reposait sur cette nourriture issue d’une dimension parallèle, dont ils étaient les seuls à avoir la clé ! Tout en longeant le cours de la rivière, Goom réfléchissait à tout cela...
Les Ogres n’ayant pas une grande capacité de réflexion, Goom laissait défiler les images dans sa tête. Il les associait ensuite à un concept qu’il comprenait. Il s’en faisait une idée, relevait drôlement le coin supérieur de son énorme gueule et attendait patiemment l’image suivante…
Ce faisant, il arrachait des branches, ramassait des herbes, récoltait des plantes. Il bourrait en sifflotant son gigantesque sac de toile qui se remplissait petit à petit. Il se promena ainsi un long moment. Lorsque soudain, il vit apparaître au loin les lueurs d’un village entre les arbres…
Il secoua sa grosse tête, fronça ses sourcils épais et se frotta la patate qui lui servait de nez ! Il cacha son sac derrière un buisson et s’approcha discrètement des feux qui brillaient et l’attiraient. Il se creusa un instant la cervelle avant de décider que cela devait être Bhtyk, un village à l’Ouest de chez lui, au bord de la rivière damnée.
Goom, planté entre deux arbres, ne savait s’il devait avancer ou fuir. Un bruit dans les broussailles le fit tressaillir. Il effectua un mouvement de recul pour se retrouver nez à nez avec un vieil Ogre, la bouche sanglante et l’œil sournois…
- Ohhgh ! Toi ! Je te connais pas !!!
Goom regarda la proie humaine qui se débattait dans l'énorme main. L’odeur le révulsait et un frisson horrible lui traversa l’échine, il répondit en un hoquet :
- Ohgh ! Mon nom est Goom. Je dois partir…
À peine Goom avait-il fini sa phrase, que le vieil Ogre fracassa la tête du garçon suppliant, d’un coup violent contre le sol. Goom renifla avec horreur l’odeur fraîche de la cervelle fumante qui se répandait à ses pieds. Une colère monstrueuse s’empara de lui. Un incroyable tourbillon d’émotions et de sensations conjuguées prit d’assaut sa petite raison. Cette subite colère l’anima d’une rage inconnue, l’aveugla de haine et de douleurs, lui fit mousser les babines et perdre la tête…
Avant même que l’autre ne puisse réagir, Goom leva son vieux gourdin et commença à frapper. Il frappa, frappa et frappa encore. Sous l’effet de surprise, l’autre s’effondra sans un cri avant de se transformer en pâtée sous la foudre de Goom…
Lorsqu’il n’en put plus de frapper, Goom retrouva ses idées. Il constata, dépité, le désastre accompli. Il prit peur aussi vite qu’il comprit son erreur et s’enfuit en courant de la scène maudite...
Écrasant buissons, arbustes et champignons, il faisait vibrer la terre et les arbres sur son passage. Il courut ainsi, gros balourd terrifié, jusqu’au lit de la rivière damnée. Il pénétra l’eau glacée jusqu'à sentir le flot tumultueux le déstabiliser. Il sortit alors ses épaules massives de l’eau et retourna à sa cabane par la voie maritime. Il arriva en terrain connu au petit matin transi de froid et de peines…
Peter Scanlan
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