En début de semaine, je suis allée chercher ma zénitude de lac. J’y ai trouvé une nature paisible, des chalets désertés, des feuilles jaunies qui s’envolent à chaque souffle de vent. J’y trouvé le lac redevenu tranquille, j’y ai aussi trouvé quelques inquiétudes…
J’y ai même découvert un nouveau malaise. Une sensation troublante qui m'a un peu déstabilisée. En m’approchant d’un vieux quai abandonné, j’ai regardé d’un coté, tout était beau. L’eau était transparente, tout était serein, tout allait bien. Je me suis assise sur une vieille chaise de bois. J'ai aspiré la quiétude qui se dégageait de cet instant. J’ai admiré le paysage. J'ai inspiré l'air riche de toutes ces subtiles nuances d'automne. Puis je me suis rapprochée de l’eau, sans y penser, sans trop me poser de questions, juste pour observer quelques feuilles noyées au fond. Et c’est à ce moment là que je suis tombée sur une étrange soupe responsable de bien des tourments…
Voilà, je les avais trouvées! Les fameuses algues bleues dont tout le monde a parlé cet été au Québec. Voici donc les "poétiques" fleurs d'eau qui se livrent à mon regard dépité. Les célèbres algues bleues qui ont défrayé toutes les manchettes, juste là sous mon nez, je me suis approchée pour mieux les découvrir. Je les savais présentes cette année encore, depuis plusieurs semaines je savais qu’elles faisaient partie intégrante de « mon lac ». Je savais tout mais je n’avais encore rien vu. Je les avais aperçues l’automne dernier sans trop savoir ni comprendre ce qu’elles étaient. Là, ici, pour la première fois, je les regardais de près en toute connaissance de cause. Mon cœur a gémi, douloureuse notion que de comprendre les causes et les conséquences de nos existences humaines sur la nature qui nous entoure.
Hypnotisée, j’observe dans la transparence de l’eau ces minuscules particules que je sais toxiques à grosses doses. Je m’approche de plus près. J’étudie avec un regard acéré le phénomène tant décrié. Par endroit c’est comme une poudre qui glisse à la surface, mais entre les roches, c’est une véritable soupe qui oscille au fil des clapotis de l’eau. À certains endroits l’eau est plus trouble, ces concentrés de particules, minuscules mais bien visibles à l'oeil nu, la perturbent perceptiblement. Alors voilà, c’est comme cela que l’on affecte la nature? En la déséquilibrant assez pour qu’elle se détraque juste un petit peu, un petit peu comme cette poudre nocive qui se fait soupe de lac...
Depuis la prise de conscience de l’année passée où soudainement l’épidémie d’algues bleues dans les lacs de la province est entrée dans l’actualité, nous nous sommes maintenus sous les feux des projecteurs. L’association défunte des années 80 a ressuscité de ses cendres pour atteindre plus de 400 membres en un an. Une association à laquelle je m'implique activement depuis cette première réunion qui me chauffa le sang. Par la force des choses, la municipalité a dû mettre sur pied un plan d’action, les médias sont régulièrement venus prendre le pouls de l’affaire, même la ministre est passée par la plage....
« Chaque lac est comme une planète avec son propre écosystème. »
Line Beauchamp, ministre de l’Environnement (6 août 2007)
Line Beauchamp, ministre de l’Environnement (6 août 2007)
L’association fait un gros travail de conscientisation et de révégetalisation qui, conjointement avec les efforts de la mairie, aura permis la renaturalisation de plus d’une centaine de terrains en bordure du lac. Le problème pénètre petit à petit les esprits mais la bataille ne fait que commencer. Ceci n'est qu'un symptôme. Le malaise est profond. En regardant cette soupe de lac, j'ai peur, j'ai mal, j'ai honte, je ressens un vif malaise. Mes sombres pensées me détraquent le moral. Ma zénitude s'évade sous le poids soudain de cet écologique chagrin. Je sais bien qu'il faudra des années de travail pour arriver à changer de direction, pour arriver à changer les mentalités et la façon dont le grand public perçoit ses lacs. Arrivera-t-on à préserver ces joyaux pour les offrir en héritage aux générations futures? L'on ne pourra certainement pas défaire en un coup de baguette magique l'insouciance de plusieurs décennies...
En attendant des jours meilleurs (ou tout du moins pas pires!), il faudra s’attendre à voir apparaître chaque automne ces petites particules vertes, témoins de nos excès de société. J’ai l’âme amère alors que je regarde de très près cette soupe d’algues bleues qui ne sont même pas des algues et qui sont à peine bleues. Par contre, je sens bien les bleus qui se forment dans mon cœur alors que ma conscience matraque mon esprit limpide.
Assise au bout de ce quai abandonné, pensive, un zeste désabusée, je regarde l'horizon bleuté. Le lac est silence, lisse comme un miroir, il reflète le monde qui l'entoure.
D'un coté de ce vieux quai de bois, rien ne vient perturber l'inconscience de mes pairs, rien qu'une eau claire et cristalline. De l'autre coté de ce même quai où j'ai posé mes fesses, une triste vérité se dessine sous la forme d'une étrange poudre qui transforme l'eau en une soupe de pois peu ragoutante. Comme la vie se joue de ma cervelle! Je regarde ce triste coté tout en sachant très bien que si je ne regardais que l'autre, je n'aurais point à m'en faire et encore moins à souffrir ainsi. Je regarde ce triste coté tout en sachant très bien que la majorité de mes pairs ne veulent voir que celui qui brille au soleil, que celui qui scintille dans toute sa transparence de saine nature, que celui qui ne dénonce pas les excès de nos modes de vie modernes sur notre fragile environnement...
2 commentaires:
J en ai entendu parler des algues bleus dans ton coin. Meme la rencontre de la ministre qui passait par la. J espere bien que vous le sauverez votre lac. Car ca semble bien beau votre coin :)
Oui, c'est un petit paradis. J'ai discuté avec la ministre dans le cadre de cette rencontre, c'était assez surréaliste! ;) Et puis les caméras à toutes les deux minutes, parait que j'étais souvent dans le background. J'espère que tout cela fera avancer les choses mais il y reste encore bien du chemin...
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