Mega chantier d’Action de Grâce
Cette fin de semaine de l’action de grâce restera dans nos mémoires. Un fin de semaine entière à refaire le plancher de la cuisine. Cela faisait seize mois que j’attendais cela. Depuis le moment où nous avons emménagé en cette maison. Maison d’une cinquantaine d’années avec une saveur toute kitch puisque le décor intérieur n'a guère changé depuis son époque glorieuse des années 70! Tout un étage à rénover que nous avons accommodé en Rétro-Loft, une version particulière de la chambre d’ami. Cet étage avec une décoration qui n’a pas évolué depuis au moins trente ans, preuve à l’appui des témoignages enthousiaste d’un proche voisin, ancien ami d’enfance de la famille qui s'abrita en ces murs durant quelques décennies. Celui-ci semble être transporté en une machine à remonter le temps à chaque fois qu’il y pénètre. D’ailleurs la majorité de nos amis ont cette même impression! Bref, la cuisine…
L’étage que nous habitons est assez vaste pour nous trois, deux chambres, un salon, une grande cuisine et une salle de bain de taille agréable. De grandes fenêtres, une rue des plus tranquilles à l’orée de la forêt, un potentiel de petit nid coquet. En y emménageant nous avons repeint le salon, notre chambre et la salle de bain. Juan a refait le plancher de la chambre de M’zelle Soleil. C’est tout ce que nos moyens nous permettaient, le reste devait attendre. Notamment le plancher de la cuisine, ce prélart antique qui n’avait l’air de rien et qui me détournait l'estomac. Après seize mois à vivre dessus, sur cette horreur, ce vieux plancher dégeu qui s’effritait, qui se désagrégeait, qui n’avait jamais l’air propre et me foutait le moral à terre, ma patience fut enfin récompensée par un superbe plancher de céramique tout neuf…
Un plancher de céramique qui aura mis un bordel monstre dans la maison, qui nous aura envoyé dormir deux nuits dans le Rétro-Loft, qui aura mis l’homme dans tous ses états pour finalement émerger de ses mains en un produit fini très satisfaisant. Durant cette fin de semaine Juan a travaillé comme un bœuf, il a enlevé le vieux plancher de m…, non sans effort, chaque carreau se faisait difficile, il a sué comme un esclave. Pour la première fois de ma vie, je me suis consciemment soumise pour participer à l’effort en me transformant en une assistante dévouée. Étant d’un naturel cruche dans tout ce qui concerne les travaux manuels, j’ai compensé ce travers en lui offrant une soumission totale : « Oui Juan ». Il n’a pas abusé de ma docilité. Il s’est contenté d’en savourer la facilité. Durant trois jours j’ai donc acquiescé, obéi et il m’a écouté sans jamais me contrarier. Vu comment il travaillait fort, il méritait bien un peu de soumission féminine. Il faut dire que je le trouve bien sexy dans l’effort, lorsque la sueur lui dégouline sur le visage, lorsque les muscles bandés, il utilise tout son corps pour écharper ce maudit plancher à m… C’est plus fort que moi, je craque. Le mâle en puissance fait se trémousser la femelle conquise. Ah! Que la chair est faible! Et que mon homme est sexy lorsqu’il se met à l’ouvrage. Bon, j’ai quand même du forcer mon mental à cette totale soumission. Une soumission qui était presque divertissante pour l’homme en pleine bataille. Je l’ai encouragé lorsque je l’ai vu faiblir, je l’ai rassuré lorsque je l’ai vu douter, je l’ai conforté lorsque je l’ai senti souffrir. Je lui ai rappelé les heures où manger. Je l’ai épaulé de mon mieux. Je me suis même tapée le « Home dépôt », le magasin le moins drôle au monde…
- Etolane, tu me passes le marteau là
- Oui Juan.
- Etolane j’ai plus de vis, tu descends m’en chercher à la Coop?
- Oui, Juan, tout de suite.
- Etolane, faut que tu ailles me chercher la scie à découper la céramique. Pis aussi changer le coulis?
- Oui, Juan.
La petite en « vacances » chez sa mère-grand, nous nous sommes retrouvés seuls durant autre jours et trois nuits pour la première fois depuis sa naissance. Nous avions cependant l’esprit tellement implanté dans le plancher que nous n’avons pas eu le temps de nous lamenter. Même si au troisième jour un certain baby blues se faisait ressentir en nos pensées. Quatre jours à refaire le plancher avec à chaque jour son lot d’épreuves. Juan a trimé, j’ai plié et j'ai assisté à la moindre de ses demandes.
- Etolane, on va faire les lignes prends un bout…
Une heure à faire des lignes sur le plancher remis à neuf pour y aligner tous ces trucs que je cherche même pas à comprendre car en ce contexte-ci être cruche ne me dérange pas du tout. Trois jours à faire le ménage derrière lui, autour de lui, devant lui. Mes efforts furent définitivement plus intérieurs que physiques, même si quelques courbatures se firent sentir dès le troisième jour où je me sentis moins cruche que la veille. Une envie soudaine qui me met au commande de l’application finale du coulis, une tâche qui fait travailler les bras mais qui est presque plaisante finalement. Si l’on oublie que c’est plus corrosif que l’on y prend garde et que l’on se retrouve le lendemain avec tous les deux les mains bien sensibles.
Le cinquième jour l’on peut enfin profiter d’un nouveau plancher en céramique bien propre. Fatigués mais heureux. J’y décore un coin de cette plante tropicale dénichée au « Home Depot » car même si je médis sur ce magasin trop masculin à mon goût, ce magasin qui m’ennuie viscéralement, à chaque fois que j'ouvre l'oeil j’y déniche quand même une trouvaille. Trouvaille qui se fait généralement du coté des plantes. Cette fois après deux voyages, j’y découvre une superbe plante exotique à moins de 10$, une trouvaille parfaite pour le nouveau plancher que je n’hésite pas à ramener en notre cuisine régénérée!
Dans le creux de la vague, dans l’un de ces moments où l’on en voit plus le bout, je vais voir mes courriels . Je reçois des nouvelles de Micah et Iza qui sont rendus à New-York. Je regarde leurs photos. Ils sont si beaux et l’on est tous crottés! Je me transforme en gélatine visqueuse d’envie, je suinte de jalousie, l’homme sait les mots qui me ramène à la raison. Dans une autre vie, j’en suis sûre, c’était un moine bouddhiste! Mais ce qui me torture c’est de savoir que nous avons consciemment fait le choix de nous retrouver dans ce méga chantier.
Nous avions soupesé dans notre balance New-York avec Micah et Iza versus nouveau plancher de cuisine? Vu l’horreur du plancher, l’on a pas soupesé trop longtemps. Il y a des raisons auxquelles l’on ne peut que se rendre! Cependant alors que là juste là, j’en ai par dessus la tête de la céramique, du bordel, du ménage à la chaîne, du « oui-oui maître», je tombe sur des photos ensoleillés de la grosse pomme toute enrobée d’un exotisme qui me fait baver de dépaysement! Mon esprit grelotte un coup avant de se reprendre en main! L’homme me réchauffe le cœur et c’est reparti pour un tour de manivelle, tire la bobinette chera! L’on commence à être pas mal épuisés. Le chantier prend forme. Le chantier redonne espoir en un avenir meilleur.
Alors que le chantier est presque terminé, l’on est heureux de retrouver notre chipette qui grandit à la vitesse de la lumière. Elle parle, de plus en plus elle parle. En découvrant le fruit de nos efforts, elle s'exclame: « Oh! C'est bô!!! ». Elle répète ce nouveau mot sur une base régulière en nous montrant du doigt le plancher refait.. Elle comprend, elle analyse, elle m’allège l’esprit. Elle dit «voui, vi (oui oui)» maintenant. Ce n'est donc plus ma petite poupée qui dit non, non, non! Nous nous installons pour dormir en bas, c'est étrange d’investir cet espace en suspension. M’zelle Soleil trouve l’aventure à son goût. L'on se souvient avec émotions de ses premiers mois où elle dormait dans la même chambre que nous. L'enfant roupille et l’on finit nos choses aux petites heures de la nuit.
Le cinquième jour, l’on se réveille avec une nouvelle impression de cuisine. Je suis pas mal fière de mon homme qui est pas mal satisfait de ses efforts. Exténués mais contents du résultat nous sommes. Prochaine étape, les vieux tapis du salon et de notre chambre mais cela sera du pipi de chat comparé à ce que l’on vient de traverser en cette belle fin de semaine de l'Action de Grâce où il est de bon ton de remercier l'univers de ses bontés. J'en profite pour remercier le ciel ombrageux de cette unité harmonieuse que nous formons. Pendant ce temps la saison revêt ses habits d’Halloween. Elle étire ses couleurs et m’entraîne en une féerie automnale qui n’en finit plus de m’enivrer la vision. Je me saoule de couleurs champêtres. Je n'en perds pas un regard.
La semaine est déjà bien entamée, je ne l'ai pas vu passer! La petite est grippée. Il reste encore quelques petits détails à terminer, je retrouve mes repères avec ce petit bonheur de voir mon intérieur transformé. Dehors, le temps se ternit et une monotonie d'entre deux saisons s'installe. Bientôt toutes les feuilles seront tombées. Je n'en ai cure, j'ai les yeux plein de couleurs et ce plancher neuf fait briller mes humeurs d'intérieurs...
1 commentaires:
Qu'est-ce qu'un post-Nice. J'aime beaucoup la lecture de ces types ou des articles. Je peux t attendre de voir ce que les autres ont à dire.
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