mardi, octobre 23, 2007
Lac de paradis
Hier il a fait vingt cinq degrés sous mes latitudes nordiques. Mon amie Marie en a profité pour venir passer la journée en notre compagnie. L’on en a profité pour savourer ces dernières douceurs de lac. L’enfant rayonne sous le ciel bleu. Marie observe ma mamamitude en pleine action.
Nous discutons de toutes ces choses de la vie qui nous préoccupent, pendant que l’on échange à droite et à gauche je réalise la solitude de mon quotidien maternel. Légèrement décalée du monde des adultes, je suis. Présentement en pleine évolution dans une dimension enfantine qui m’éloigne de mes pairs. J’en suis consciente. Je l’assume pour mieux apprécier ces instants précieux, ces instants bambins si fugaces. Je vois déjà se profiler sous ses traits de chérubin la petite fille qui deviendra femme.
Marie travaille dans un centre qui accueille les femmes en détresse, les femmes battues, les femmes perdues. Elle me parle de ce nouveau programme qu’elle met en place. Un programme qui utilise l’art comme thérapie. Cela m'intrigue, je cherche à en savoir plus. Je trouve que c'est un concept des plus pertinents. L'art pour soigner les maux qui nous rongent de l'intérieur. L'on mange dehors tellement il fait beau et chaud. Elle me parle de son célibat qui s’étire. Elle me confie ses soucis. Je ne peux m’empêcher d’être contente de ne pas avoir à chercher l’âme soeur. Je me sens gâtée.Vivre ce couple que je forme avec mon homme est une chance que d'autres n'ont pas. Je le conçois. Un couple qui n’est pas Venise tous les jours mais qui n’est jamais Kandahar...
L’on se fait griller au soleil durant la sieste de l’enfant qui nous cloue à demeure. La lumière est féérique. lle transperce les quelques feuilles translucides qui s'accrochent aux branches dénudées. La journée est si belle que Marie me dit : « Mmmm, c'est tellement bon que c’est presque péché! ». Je ne peux qu’acquiescer le sourire au lèvres. La caresse du soleil sur mon visage est divine. L'on fait le plein de vitamine B.
L'on se balade entre lac et maison. L’on rencontre quelques villageois que je connais pour la plupart, aucun ne s’effarouche pas de voir Chanelle se faire bronzer sur la plage. Je rencontre une voisine qui s’en étonne. Je lui explique :
- Quand même Chanelle est un star de village, cela lui donne quelques libertés. Vous ne l’avez pas encore vu ce mois-ci en couverture du Journal? Il faut avouer qu’elle est photogénique…
En effet, ce mois-ci encore l’une de mes photos a fait la couverture du mois. Chanelle si belle en premier plan d’automne, Chanelle sans laisse à deux pas du panneau qui montre bien le règlement municipal. Le mois dernier, Chanelle sur le sable qui regarde un kayak dans le coucher du soleil avec à l’intérieur du même Journal une annonce bien claire de l’interdiction de chien sur la plage. J’ai eu vents que celle-ci avait générée quelques remous au village. Cela ne me déplait pas. Mais puisque le village exploite joyeusement son image, il va de soi que Chanelle la douce rebelle mérite bien cette petite gloire pour accompagner ses vieux jours. Elle qui blanchit de plus en plus rapidement, elle qui a toute une histoire à conter. Je rencontre sur la plage un homme qui me fait la causette :
- Ah! C’est votre chien en photo dans le Journal?
- Oui.
- Ah! Ben alors c'est fou! Moi c’est mon kayak! Mon voisin a fait agrandir la photo pour me la montrer, c’est lui qui m’a reconnu!
- Ah! Ben, alors c’est vous le kayak…
- Oui, et j’en reviens pas que c’est votre chien! Mais comment ils ont fait le montage? Je comprends pas comment ils sont arrivés à mettre le chien dans la photo?
Moment d’incompréhension surréaliste, est-ce que je comprends bien ce qu’il croit? Je lui réponds.
- Heu parce-que c’est ma photo…
- Mais, comment ils ont fait à la mucipalité pour faire un si bon montage?
- Heu, parce que c’est ma photo, c’est moi qui ai pris la photo!
- C’est pas un montage?
- Heu, non...
- C'est une vraie photo! Alors vous avez envoyé votre photo à la municipalité?
- Heu non, c’est eux qui m’ont demandé la permission d'utiliser mes photos. Je leur ai donné libre accès à mes archives. J’ai des centaines de photos de lac mais je ne sais pas pourquoi ils choisissent si souvent une avec Chanelle dessus!
- Ah! Alors c’est votre chien et votre photo!?!?
- Oui c'est mon chien dans ma photo et c’est vous en kayak…
La conversation dérive un peu avant de couler dans l’air du temps. M’zelle Soleil s’accroche à ma jambe : « Mammmaaannnnnn ». C'est le temps de pêcher des poissons. Je m'attèle à la tâche d'enfance. Le soleil décline à l'horizon. Je suis mon amie et mon brin de fille sous la qazeebo où nous nous asseyons. Le jour s’achève mais on a du mal à le laisser partir. Autour de la qazeebo, M’zelle Soleil fait son clown de service. Elle accoste tout passant. Elle aborde une dame timide qui finit par nous faire la conversation et qui lui lui offre un bonbon. Alors que je vais ramasser ses jouets en plastique éparpillés sur le sable. J’entends "l’homme kayak" parler au téléphone. Confortablement installé dans sa chaise, il discute sans avoir l’air de se rendre compte que j’entends les moindres miettes de sa conversation.
Le voilà qui parle de moi. Il explique toute l’histoire, les yeux dans le lac, son téléphone collé à l’oreille pour dire qu’il est à coté de la fameuse fille qui a pris la photo qui n’était pas un montage! Cette photo du journal municipal qui le pose en vedette du mois! J’écoute en souriant malicieusement alors qu’il explose de fierté et qu’il se gonfle comme un coq en pâte. Ma foi, tant mieux s'il en a retiré autant de plaisir, après tout il a joliment agrémenté l'atmosphère de cette image volée au fil du temps. Chanelle se prélasse sur le sable après quelques bons bains de lac. La nuit commence à tomber, l’on reprend le chemin de la maison. Marie est surprise du nombre de « maman, maman, maman » que M’zelle Soleil lance aux vents d’une petite journée. Marie se sent ravigotée, prête à affronter sa semaine à venir, semaine de pluie et de grisaille. Je suis contente d’avoir partagé avec elle quelques instants de ma zénitude quotidienne. Comme une brèche dans ma solitude qui m’aura aussi ressourcée d’une autre façon. Juan rentre du bureau.
La nuit installe ses étoiles et avale cette magnifique journée. Une journée aussi bonne qu’un péché qui ne risque pas de se reproduire de sitôt. L’automne tire à sa fin. La pluie ramène la grisaille. Les températures dégringolent. L’hiver se rapproche inexorablement…
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