jeudi, octobre 25, 2007

Chroniques d’enfance

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Chroniques d’enfance

Lily-So

M’zelle Soleil n’est plus un bébé même si elle encore “pepipte”! Elle sait désormais imiter à merveille les bébés. Elle joue avec "ses bébés" de plus en plus passionnément même si elle ne se considère pas du tout leur maman! Elle se sent grande devant eux même si elle se sent encore petite devant tout le reste du monde. Depuis quelques semaines M’zelle Soleil dit « voui, oui, oui ». Une fois sur deux, ce petit mot sorti de sa petit bouche me fait fondre. C’est un signe de compréhension qui me réjouit. Elle sait dire « oui » tout comme elle sait bien dire « non » mais les deux contraires se balancent facilement pour le moment. Chaque jour, elle parle un peu mieux, un peu plus. Elle commence à comprendre les conjugaisons, elle fait de plus en plus de phrases. Elle commence à raconter des histoires. Aujourd'hui elle m'a contée tout un truc de « badames » (madames) et de lune. Je ne suis pas certaine d'en avoir capté tous les détails. Elle a un instinct féminin qui me surprend souvent. Elle adore se promener avec un sac à l'épaule, elle est fascinée par les bagues et les colliers. Elle me rappelle à ma propre féminité. Lorsque je me "poupoune" elle s'exclame si joliment « Oh! Maman belle! È belle maman». Elle commence à avoir une bonne tignasse de boucles douces, je ne la coiffe pas vraiment, je la laisse évoluer les boucles dans le vent...

Depuis que nous avons refait le plancher de la cuisine : « C’est bô » est entré de plein fouet dans la profusion de son vocabulaire. Lorsqu’elle trouve quelque chose à son goût elle m’en fait part et, je fonds sur place. Je me mielle de sourires. Je la couvre de baisers. Je ne suis qu’amour. Elle sait dire « c’est bon » et trouve les choses de moins en moins « beurk » au fur et à mesure que se développe son langage. Elle sait très bien compter jusqu'à deux! Elle sait qu'elle va avoir « deuzans » en un seul mot. Elle a bien hâte de faire la fête et il suffit que l’on parle d’anniversaire pour qu’elle chante et qu’elle danse les mains dans les airs! Elle imite, elle répéte à gogo, plus elle répète, plus elle enregistre et mieux elle s'exprime. Elle veut tout faire toute seule mais elle veut aussi tout faire comme nous.

En ce moment lorsqu’elle a de la difficulté à faire quelque chose, elle dit: «c'est lourd! » . Je lui réponds lorsqu'elle se trompe de concept «C'est dur, tu trouves cela dur ma lilou? ». Elle me regarde en cherchant à comprendre cette subtilité qu'elle n'accroche pas. Elle me rétorque inévitablement: «Non, c'est lourd maman! C'est lourrrr ». Dans le fond je comprends sa logique car ce qui est lourd est aussi dur à porter! Elle aime chanter, contester, rire, elle aime beaucoup rire. Elle relationne avec les félins de la maison, elle adore les nourrir une croquette à la fois mais elle s'énerve un peu lorsqu'ils ne se plient pas à ses idées. Elle apprécie son chien qu’elle a renommé « Wouaff wouafff » parce que Chanelle c’est « trop lourd » à sortir d'une bouche apprentie. Elle aime beaucoup les « pessons et les papillons ». Elle connait peu de frustrations. C'est une petite fille souriante. Une petite acrobate qui déborde d'énergie. Elle saute, elle coure, elle danse...

La responsabilité adulte que je ressens envers elle est phénoménale. Parfois cela me coupe le souffle tant cela hante mes angoisses. Nous sommes ses premiers repères, ses guides, nous sommes ses parents et nous construisons son univers humain. Nous possédons le pouvoir de l’influence. Nous sommes ses premières influences. Dans mes coins de silence, je médite beaucoup à ce propos. Nous sommes à la base de ses jours. Tout est pareil mais plus rien n’est comme avant. Nous sommes les parents de ce petit être qui rayonne d’innocence. L’amour infini et l’imposante responsabilité se conjuguent en un tout qui me transforme subtilement. Je suis maman.

M’zelle Soleil est fille de diabétique. Son père se pique plusieurs fois par jour. Depuis sept ans que je vis avec lui, c’est à peine si j’y fais encore attention, et pourtant… M’zelle Soleil, très observatrice de sa petite personne, nous fait remarquer depuis plusieurs semaines qu’elle a assimilé le concept de la « pique ». Lorsqu’elle était plus petite qu’elle ne l’est aujourd’hui, le kit de diabétique, qui consiste à un testeur de glycémie et un crayon d’insuline, représentait papa. Lorsqu’elle tombait dessus, elle me l’amenait d’une démarche prudente et me disait : « Papa, maman, c’est à papa... ». Maintenant lorsqu’elle voit le même kit, elle me dit toute fière : « Pik, maman, pik. C’est pik à papa! ». J’acquiesce, un peu inquiète du jour où nous devrons lui expliquer la maladie de son père. Un jour qui se rapproche de plus en plus rapidement. Une angoisse nouvelle me traverse, une angoisse de mère. L’homme a du mal à comprendre les subtilités de mon tourment. Je le comprends. Je ne commence que moi même à comprendre…

L’autre jour, M’zelle Soleil découvre une trousse de docteur dans son coffre de jouets. Une trousse usagée que l’on m’a donnée il y a plusieurs mois de cela. Pour la première fois, elle la remarque, elle me demande de l’ouvrir. L’on explore ensemble cette nouvelle chose. J’ouvre la trousse, à l’intérieur, un stéthoscope qui ne l’intéresse guère, elle n’a aucun repère à ce sujet. Vient ensuite un thermomètre pour enfants, elle le regarde, cherche le bip. « Maman, bip maman, il est où le bip maman ? ». Je lui explique la différence entre le modèle pour grands et celui pour enfants. Elle se désintéresse de l’objet. Elle plonge la main dans le fond du sac pour en ressortir une chose qui lui fait écarquiller les yeux de surprise, elle s’exclame : « Maman, c’est pik, maman, c’est pik! ». Du même élan, elle lève son pull, découvre son ventre et se plante le jouet exactement au même endroit que son père se pique d’habitude. Elle réfléchit deux minutes, tourne l'objet dans ses mains et me dit :

- Bousson, yé où le bousson maman?
- Le bouchon? Ah! oui! Heu, y'a pas de bouchon sur celle-ci, c'est pour les enfants. La pique à papa c'est juste pour les grands, c'est pour papa, mais celle là c'est pour jouer, alors y'a pas de bouchon...

Elle fronce des sourcils tout en continuant d'être perplexe sur l'absence de bouchon. En effet, le stylo d'insuline de Juan vient sans l'aiguille ultra fine. L'aiguille est emballée individuellement sous une forme qui peut faire penser à un bouchon. Au printemps dernier, elle avait d'ailleurs profité d'un moment d'inattention de ma part pour chiper l'un de ses emballages, enlever la protection et se piquer le doigt (tout comme son père le fait lorsqu'il teste son taux de sucre.)! Je m'étais retournée en l'entendant hurler. Elle ne parlait pas vraiment à l'époque. Elle m'avait montrée son doigt en criant bobo. Une minuscule tâche de sang mais pas de plaie. Elle hurlait en me mettant son doigt sous le nez et je n’y voyais rien! C'est en remarquant du coin de l'œil l'aiguille ouverte que j'ai compris le malaise de l’instant! Mais l'aiguille est si fine qu'elle ne s'était pas bien fait mal, plus de surprise que de douleur! Depuis, elle n'a plus jamais voulu retoucher à l'un des bouchons pour pique d'insuline. Je crois que ce fut l'un de ces premiers questionnements à ce sujet. Son premier contact réel avec le diabète paternel, elle devait avoir quinze mois...

Elle en a aujourd'hui presque 24. Deux ans le 10 novembre. Cela passe si vite. L’enfance accélère la perception du temps des adultes. M’zelle Soleil joue avec la piqûre en plastique alors que je cogite. Elle fait comme papa, elle est toute contente de sa découverte. J’avale mes sensations mitigées. Je ne laisse rien paraître du trouble qui se fraie un chemin dans mon sang. Elle triture la piqûre modèle grossi, sécuritaire. Avec une joie non contenue, elle se picouille le ventre en rigolant. Je souris jaune sur les bords. Je constate une fois de plus le pouvoir d’influence que nous possédons. À travers ses yeux, je nous vois, de l’autre coté du miroir. Son père est un junkie d’insuline sans laquelle il ne pourrait vivre. Son père se pique plusieurs fois par jour, comme il mange, comme il boit, comme il pi… Pour elle, se piquer le ventre comme le fait son père depuis sa naissance est aussi naturel que de manger, boire, faire pipi. C’est ainsi que se forme sa vie. Pas malheureuse pour deux sous, elle s’épanouit, elle me charme. Je fonds dans les vagues de cet amour maternel qui me submerge. Je me ramollis. Elle dit « maissi » (merci ) de plus en plus poliment. Elle dit « peuplait » (s’il te plait) lorsque l’on en lui fait la demande. Elle cherche en plus en plus les limites de l’obéissance que nous lui imposons, cette discipline que nous devons apprivoiser nous aussi. Le défi de la fermeté. C'est une petite maligne qui nous rappelle à nos malices enfantines. Elle grandit vite et parfois il me semble que je n’en finis plus de vieillir…

Ce matin, la fatigue m'emporte, il me semble que mon corps pèse deux tonnes, l'on s'est couchés trop tard. Alors que je somnole sur mon lit, complètement dévitalisée, la petite puce est en pleine forme. Elle n'en finit pas de papoter mais ce n'est pas facile de converser avec une maman zombie! Elle ouvre un tiroir et s'exclame: « Maman, zizi maman, mamaaaannnn! ». Je force ma paupière si lourde et j'ouvre un œil alors qu’elle me fourre sous le nez l’un des caleçons de son père! Hum! J’imagine que c’est un autre signe de ses apprentissages multiples. Elle assimile les concepts corporels. Elle fait aussi une légère fixation sur mes seins. Elle les cherche, elle les trouve, elle les tripote: « Son où seins à maman, ah! son là! C'est seins! ». Elle les cache : « Y'a plu! Pati seins à maman», puis elle demande: « Son où seins à Lily? ». Elle lève son pull et les trouve toute fière de savoir où ils sont. Je lui réponds qu'elle en aura des gros comme maman lorsqu'elle sera grande. Cela la fait rire. Je suis contente qu'elle ait appris le mot et qu'elle ne me parle plus de mes « ballons ». J’essaie de lui expliquer les principes de propreté. Elle ne semble pas encore bien disposée à s'y plier. J'insiste sans la braquer, je parle, j'explique. Mes conversations me semblent bien basiques. Ce n'est pas l'hyperstimulation des neurones pour la maman à la maison! Mais j'ai le coeur qui travaille à plein régime. Avec un peu de chance, l'on va bientôt pouvoir dire au-revoir aux couches. C'est une autre étape à franchir. J'ai les pensées qui dérivent, elle répète :

- Zizi à papa, c’est zizi maman.
- Oui, c’est un caleçon, c’est le caleçon de papa…
- Zizi, c’est zizi…
- Oui, c’est pour y mettre le zizi, c’est le caleçon de papa…

- Kasssoons? Non, ziiiiziiiiiiiiiiii…

Elle ouvre un autre tiroir et c’est au tour de mes « klotes» (culottes) de connaître un traitement de faveur bambine. je trouve comique que maman ait des seins mais pas de zizi! Je m'embarque une autre fois, la voix patiente, dans des explications qui ne font vibrer aucune fibre intellectuelle. Je baille. Elle fout un petit de bordel autour d’elle avant de disparaître dans la cuisine. Une minute passe avant que je n’entende quelque chose tomber sur le carrelage. Je me précipite pour la découvrir au milieu d’un joyeux bordel de sous éparpillés autour d'elle, bien assise, elle s'apprête à modeler le désordre selon ses envies ! Je maugrée. Pas de répit pour la mère couchée trop tard. Je secoue mes vieilles puces fripées.

Petit bout

Dehors le soleil brille. Dix heures est au coin de la demie heure, je m’ébouriffe. Le jour devrait s’être bien réchauffé même s’il a gelé la nuit passée. Le petit matin était d’humeur glaciale. Lorsque Juan a ouvert la porte pour partir au bureau, j'ai senti un petit spleen automnal qui n'a pas aidé mon coma matinal. Dehors, la lumière me réveille pour de bon, je prends mon courage à deux pieds et enfile mon habit maternel. J'accorde toute mon attention à ce petit "bout de nous" qui m’ensorcelle le quotidien. Je me secoue les puces qui grognassent. Je ferai mon possible pour tenir mon bout d'adulte devant ma petite scorpionne en plein tourbillon de vie. J'en suis d'ailleurs reconnaissante à tous les anges tant ces instants avec elle sont imprégnée de sacré. J'aimerais graver en mon coeur ces années de petite enfance, ces années d'innocence et de pureté. Encore faudrait-il que j'arrive à me réveiller! Je rêve de dormir. Je me secoue les puces une dernière fois. Me voilà prête pour une autre journée ensoleillée de mamamitude concentrée...

1 commentaires:

losarnos a dit…

Bonjour
je crée un site internet dédié à l'enfance: pour la raconter puis l'éditer (sous forme de journal ou roman). Je le fais pour mes enfants vace bcp de bonheur (quand je relis!) . je veux aussi reverser la motié des benefices à la rechreche contre l'IMC(infirmité Moetur cérébral): la fondation motrice.
Cela m'interesserait de publier ds le site votre très belle chronique, à côté d'autres chroniques (dont les miennes ...)
Pouvez-vous prendre contcat avec moi SVP ? mon mail: losarnos@hotmail.fr