samedi, février 03, 2007

Cinq minutes dans le noir

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Cinq minutes dans le noir (ou presque)

Inspirée par le questionnement de Samantdi sur ce sujet, je lève le voile sur notre petite expérience contestataire d'entre 19hres55 et 20hres…

Sur le coup, nous sommes plus ou moins sceptiques, mais bien décidés à participer au mouvement, (cela me fait un peu penser au principe des flashmobs). Juan donne le bain à la petite qui roucoule. Je l'interpelle:

- Juan, plus que 3 minutes!!!
- Je la sors, on va être prêt…

Je vois arriver ma petite lutine en pyjama. Elle gambade dans le salon. Je regarde par les fenêtres, la rue est tranquille, quasi désertée, les maisons sombres exultent le silence, les lumières de Noël du chalet d'en face qui se cache derrière les sapins glacés colore la nuit froide. Plus qu’une minute. 19h55. J’éteins la lumière dans la cuisine et le salon. La maison plonge dans la pénombre. Sur le sapin qui orne l’entrée de notre terrain brillent les couleurs de notre guirlande équipée d’un minuteur. L’on se regarde d’un air dubitatif. Je dis :

- Mmm, il reste le sapin, mais c’est dehors! Pis il fait au moins -20, j’suis en pyjama, je sors pas triturer le truc dans la neige!!!

Je l’observe du coin de l’œil, il est juste vêtu d'un caleçon, j’enchaîne :

- Est-ce que tu vas te rhabiller pour y aller?!?
- Heu, tu crois que c’est grave si on le laisse?
- Heu, ben, vu comment y fait frette je pense pas tant que cela, de toute façon, c’est un peu bizarre comme manifestation, non? Pis, on a tout éteind le reste…
- Mais, et si ils prennent des photos satellites?
- Hein?
- Ben oui, ils en ont parlé à la tv, p’têt qu’ils vont prendre des images satellites.

J’éclate de rire, Juan est un passionné de Google Earth. Amusée, je rétorque :

- Mais qui ça Ils??? J’crois pas que les satellites vont être de la partie sur ce coup là! Ou alors ce serait pour les grosses villes parce-que le village dans la brousse, j’penserais pas!!!

Lily-Soleil, imperturbable, se ballade de la cuisine au salon tout en bavardant à qui mieux mieux, pas déstabilisée pour deux sous, elle se repère facilement dans la noirceur ambiante. Les cinq minutes sont presque terminées. Le sapin coloré illumine la neige qui scintille. Sous le lampadaire qui éclaire la blancheur nocturne, la nuit expire. À huit heures pile, je rallume la cuisine. Juan s’exclame :

- Déjà?

Cela passe bien vite cinq minutes dans une vie! Voilà, nous l’avons fait (enfin plus ou moins bien si on oublie le sapin)! Personnellement j’apprécie toujours les ambiances sans électricité même si je ne peux m’en passer. Cette expérience aura été plutôt amusante. Et puis, j’aime bien l’idée de solidarité, l'idée que l’humanité se rallie autour des problèmes qui entourent le climat. En ce qui me concerne, le point était là! Exprimer à travers un petit geste anodin une inquiétude commune. C’est aussi un peu l’idée de méditer sur un sujet, de faire une prière à la raison, de se donner un temps de réflexion, d'engendrer cinq minutes de conscience avertie...

Le monde se réveille de cette douce léthargie générée par nos excès industriels. Les scientifiques se rassemblent pour sonner l'alarme. Leur diagnostic est inquiétant. Pourrons-nous limiter les dégâts à temps? Les générations futures ne devront-elles pas s'adapter à un monde de plus en plus éloigné de celui que l'on consomme présentement? Et si, d'ici une quarantaine d'années, les villes côtières disparaissaient sous une montée des eaux en même temps que quelques îles tropicales? Lorsque nous serons tous en danger serons nous plus prudents? Le fossé entre les populations du Nord et du Sud continuera-t-il de se creuser? À quoi ressemblera la planète au siècle prochain?

Souvent je me demande sérieusement dans quel monde vivra ce tout petit bout de fille qui fait le pitre sous mes yeux. Ce matin Mijo commente qu’une différence de 1% de la consommation habituelle aurait été observée et qu'à Paris, la Tour Eiffel s'est éteinte durant ces petites cinq minutes. Je trouve cela relativement fascinant, comme un éclair de conscience dans l'obscure ignorance.

Cela me donne une goutte d’espoir, l’espoir que les gens commencent (à grande échelle), à se demander sérieusement ce que l’on peut faire pour arriver à changer nos habitudes trop bien ancrées qui minent la planète et menacent le futur de nos enfants…

Winter-Smile-II

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