lundi, février 05, 2007

Doit-on tolérer l’intolérable?

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Doit-on tolérer l’intolérable?

C’est la question que je me pose en cette polémique qui fait rage autour des accommodements raisonnables. Doit-on pousser l’idée de la tolérance jusqu’à tolérer les intolérants?

Je crois au multiculturalisme tout en me demandant soudainement s’il ne faut pas poser certaines limites. Le multiculturalisme doit se fondre dans une subtile intégration cohérente pour la société en son entier. Une intégration qui repose sur l’adaptation de fond que doit effectuer le nouvel immigré qui décide refaire sa vie en nos contrées. En tant qu’immigrée, je sais bien qu’il est impossible d’expatrier la mentalité du pays qui m’a vu naître en ma réalité présente. Et c'est tant mieux! Si ce n'était pas le cas, à quoi bon immigrer? Mon origine n’est pas « pure laine » mais je tisse la toile de ma vie en ce pays qui m’a adoptée et je suis fière de m'y sentir intégrée. Le secret de la facilité de mon expérience personnelle se trouve évidemment dans le fait d’avoir pu immigrer à un âge où il est facile de s’adapter. À l’aube de l’adolescence, l’on est encore à se construire, l’on se cherche, l’on se découvre, l’on se forme, tout est possible…

Avant de devenir canadienne, j’ai d’abord été montréalaise, ce fut la première étape de mon intégration. À 20 ans, j’ai été déclarée citoyenne. J’ai profité d’un passeport canadien pour voyager, j’ai commencé à mieux comprendre ma peau. Je suis devenue hybride...

C’est durant mon processus d’intégration montréalais que j’ai découvert les richesses du multiculturalisme. Je me suis toujours baignée dans ses eaux avec bonheur. Découvrir les saveurs, les essences d’autres communautés m’a ouvert grand l’esprit et a effacé toute trace de racisme que mes aînés auraient pu inconsciemment essayer de m’inculquer. Parce-qu’il ne faut pas charrier, si l’on considère le Québec raciste que dire de la France? De toutes façons est-ce que le racisme ne fait pas partie de ce lot de bêtises qui affaiblit l’humanité? Un lot qui recèle les dizaines de défauts (l’avarice, la méchanceté, la cupidité, la jalousie, l’égoïsme, l’ignorance, l’indifférence, la violence etc.) que trimballe l'humanité sur son dos. Le Québec n’est pas le paradis sur Terre et si l’humain était capable de perfection cela se saurait!!! Nous sommes tous des êtres imparfaits. Cependant vivre au sein d’une société capable d’accepter, d’apprécier et de respecter les différences d'autrui est, à mon avis, une sacrée chance…

Cependant, ce n'est qu'une décennie après mon arrivée (en choisissant d’aller vivre dans le bois) que j'ai découvert le coeur du Québec, que je l'ai entendu battre sous ma peau. À l’époque mes amis québécois étaient plus montréalais que québécois, lorsque nous allions tous ensemble dans des chalets, je ne voyais que des grands espaces, des lacs et de la forêt! En quittant Montréal, j’ai découvert la « québécitude ». Une nouvelle étape dans l’évolution de mon identité d’immigrée. Je n’ai pas vraiment trouvé ce passage difficile puisque j’étais déjà bien habituée aux us et coutumes de ma terre d’adoption. En m’installant les jours dans un petit village (bordé d’un grand lac) aux alentours de la vieille capitale, j’ai enclenché la phase terminale de cette intégration qui me fait québécoise de cœur sinon de sang! Je n'ai pas l'accent pointu, j'ai le parlé et la culture mixés d'influences diverses, malgré le fait que je me place dans une certaine minorité auditive, je me fonds avec plaisir dans la masse bigarée...

Tout au long de mon parcours qui se déroule sur deux décennies, il est vrai que j’ai parfois vu ou ressenti quelques bribes de racisme modéré, rien d'insupportable, de la bêtise qui glisse sans heurts. Je n'ai jamais souffert d'intolérance. Il faut avouer qu’en étant blanche, pas trop laide et francophone, il m'a toujours été facile de désamorcer les grenades désobligeantes. J'aime vivre ici et je ne regrette pas l'hexagone. Il y a, ici, une liberté d’exister et une qualité de vie qui m’enracinent. Vivre et laisser vivre. Il se dégage de ce principe un subtil équilibre fondé sur des règles invisibles. Chaque liberté s’arrête aux frontières de celles qu’elle rencontre. Malheureusement ces frontières abstraites, subjectives, impossibles à clairement définir, où s'entremêlent perceptions, passions et traditions, incitent aux discordes. Il y a de l'huile sur le feu! En principe je suis tout à fait pour les accommodements raisonnables mais en pratique il semble qu’il faille poser certaines limites. Ne doit-on pas raisonner le raisonnable pour ne pas tomber dans la déraison qui entraîne la dérision comme c’est le cas à Herouxville?

Subsiste le fond de ma question doit-on tolérer les idées de ceux qui sont intolérants? Doit-on tolérer chez les autres ce qui est intolérable chez nous? Si les autres sont chez eux, la question ne se pose pas vraiment. Mais si chez eux c’est chez nous maintenant? Si c'est ici, terre de tolérances où l'on vit et l'on laisse vivre, doit-on faire des courbettes si basses qu’elles nous font glisser et tomber sur les fesses? Ou ne doivent-ils pas plutôt apprendre les coutumes de leur pays d'accueil, les respecter, les assimiler à leur culture, les diluer dans ces traditions qu'ils importent en leurs bagages émotionnels pour se reconstruire une meilleure vie? La tolérance et l’intégration font généralement bon ménage mais comme dans tout couple, rien ne va sans équilibre…

Atteindre l’équilibre lorsque l’on est humain, c’est tout un défi. Pourtant je crois fermement que la société québécoise est assez bien équilibrée pour être à la hauteur de relever un tel défi. À suivre…

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