samedi, mars 08, 2008

Entre deux tempêtes...

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Entre deux tempêtes...

WinteryLily in the snow

Alors que nous connaissons la énième tempête de neige, tout le monde ressent clairement les spleens d’hiver. La province se paralyse sous l’assaut. J'entends rugir les rafales dans la forêt. Les routes sont pratiquement impraticables. C’est la pagaille. Au village, tout est calme. Juan a attrapé une cochonnerie, il est fiévreux et grognon. Il a une mine de déterré. À bout de force, il ronfle bruyamment. La petite est « gripette », mais cela n'affecte guère son moral. Je ne suis pas épargnée avec une bonne affliction intime, de celles que l’on ne parle pas sur la place publique (même si c’est d’une banalité pour toutes les femmes du monde), de celles qui irritent le moral. J’ai Tchernobyl dans le corps, c’est subtil mais cela travaille fort. Passons donc les détails pour introduire quelques grandes lignes.

Jeudi matin j’emmène M’zelle Soleil à son dernier cours de « natation ». Sa grand-mère l’y a inscrite au début de l’hiver. Huit cours à raison de un par semaine. M’zelle Soleil y participe avec sa grand-mère et tout se passe magnifiquement bien. Durant les cinq premiers cours, elle fait des progrès fulgurants, elle apprivoise l’eau tout aussi bien que ceux qui y vont depuis plusieurs mois. Je suis fière d’elle et de la relation qu’elle développe avec ma mère, une relation qui m’est des plus étonnantes. Ceci me réconcilie avec certains aspects de ma propre enfance. La relation avec ma propre mère est relativement complexe, difficile et souvent douloureuse. Mais je dois avouer qu’elle fait présentement une très bonne job de grand-mère. Lily adore sa mamie. Tout se passe à merveille. Je découvre une douceur inconnue chez ma mère. Une douceur que j’aurai aimé percevoir dans ma propre relation avec elle mais en désespoir de cause, la voir ainsi avec ma fille me fait du bien à l’âme. Donc Lily-Soleil va tous les jeudis passer la journée chez sa grand-mère et ses matinées à la piscine. Tout va bien dans le meilleur de mondes. Pourtant, sans paraît-il, aucune explication rationnelle, le sixième cours se passe mal. Lily-Soleil ne veut plus rien savoir de rien, fait une crise, refuse de suivre les consignes et passe le cours à pleurer. Voilà qui me trouble. Comment a-t-elle pu avoir une réaction si extrême d’une semaine à l’autre? Comment a-t-elle pu passer d’adorer le concept et de désirer performer à complètement refuser d’y assister?

Sa grand-mère n’y comprend rien, elle la soupçonne simplement de ne plus vouloir obéir à Rebecca, la jeune fille qui donne les cours. Je sais que mon petit bout de soleil est dans cette phase « d’infernal deux ans », de ce que les anglais appelle le « Terrible Two » et de ce que les français compare à une crise d’adolescence version petite enfance. Affirmation de soi, refus de l’autorité, opposition, indépendance d’esprit, tous les ingrédients d'un cocktail qui peut se révéler atomique pour les parents. Des ingrédients qui se mélangent à notre soupe quotidienne. Cependant M’zelle Soleil n’a rien de terrible ou d’infernal, elle fait peu de crises, elle est plutôt du genre résistance passive ou elle travaille à l’usure! Elle est enjouée et rigolote. Elle chante tout le temps. Elle ne nous fait pas de violente séance de pleurs. Il est vrai qu’elle est plus effrontée, qu’elle teste plus savamment les limites mais d’un autre coté elle comprend tout ce qu’on lui explique, elle communique. Je remarque que depuis un petit mois, elle éprouve plus de peurs qu’auparavant, elle est plus craintive, j’en prends bonne note.

C’est vrai qu’à partir de deux ans l’enfance commence sa longue route qui l’amènera vers l’état adulte. Le petit ange tombé du ciel devient personne humaine. La magie du nouveau né laisse place à autre chose. Quelque chose que je trouve beaucoup plus enrichissant sur le plan de la relation parent-enfant. Je n’ai définitivement plus l’impression de pouponner, maintenant j’élève, c’est une autre partie du jeu. Un jeu dont j’ai l’impression de comprendre les grandes règles. Mais une fois les règles comprises encore faut-il réussir à les appliquer sur une longue durée. C’est là, je crois, que réside la plus grosse difficulté de « l’Être parent ». Au quotidien, je n’ai pas de troubles à gérer ma petite dynamite bambine. L’enfant a des conditions de vie relativement privilégiées, elle vit peu de traumatismes, elle n’est pas pourrie gâtée mais reçoit énormément d’attention, elle est choyée. Elle est cette petite bouture de nous que je m’affaire à cultiver. J’ai conscience des sacrifices que je fais pour colorer de rose le cours de ses jours. En retour, elle teinte mes émotions de douceur. Je crois que je m’y oublie un peu, j’en perds quelques ambitions, ou alors je les mets en suspension pour me consacrer à ces années premières. Constance, c’est à mon avis la clé de l’expérience parentale. La constance. Ce n’est pas une denrée des plus répandues. C’est une attitude à travailler. Tout un programme…

En ce mois de mars qui tempête, la cerise sur le gâteau de Juan c’est lorsque la gardienne lui explique qu’ils sont si tannés de l’hiver, qu’ils doivent partir dix jours dans le Sud en avril, tout cela après lui avoir expliqué la semaine précédente comment elle ne pouvait plus prendre sa fille comme convenu puisque leurs finances étaient trop justes et qu’ils étaient trop pauvres! Elle devait faire plus d’argent. L’homme était vert. Parfois les gens ne font pas attention lorsqu'ils s’épanchent. Ils n'essaie pas de se mettre à la place de l'autre. Vu que nos moyens sont plus minimes que les leurs, il a eu du mal à ne pas trouver ses raisons bien futiles. Je le comprends même si de mon coté je prends la chose avec beaucoup plus de philosophie. Il faut dire que si j’avais un salaire notre niveau de vie matériel serait autre. Je suis donc plus ou moins responsable de notre situation. J'ai du mal à ne pas me sentir coupable de cette situation. J’ai choisi de rester avec ma fille, je dois en assumer les conséquences. Ma mère me dit : « Mais voyons Etolane, tu sais bien que c’est cela le modèle nord-américain, tu dois avoir la grosse maison, les deux voitures, le 4X4, la motoneige et les vacances dans le sud, si tu n’y arrives pas, tu es pauvre! » Ouais, je traduis dans ma tête, si tu y arrives pas tu passes pour un raté! Pffff! Je me tais pour ne pas entraîner la conversation dans des zones marécageuses mais je réalise que je ne me sens plus honteuse de ne pas adhérer à ce modèle là. J’ai vieilli. Je m’accepte mieux. Ce modèle matériel m’est contre nature! Il y a tant de degrés de richesse et de pauvreté dans le monde, comment ne pas y perdre le nord? Et l’esprit dans tous cela? Et la qualité humaine bordel!?! Je peux comprendre l'épanouissement personnel, je suis à 100% pour la liberté de choix. Je suis heureuse de vivre dans un société où la femme est libre de travailler à sa guise dans tous les domaines qui l'inspirent. Je n'ai pas non plus l'ambition de rester mère au foyer toute ma vie. Je n'ai pas fait des études juste pour le plaisir de chanter des comptines à longueur de journée! Ce choix que j'ai fait de rester avec ma fille comporte maints sacrifices personnels. C'est une étape de vie qui n'est pas finale. La traduction me semble si loin présentement. Il ne me reste que des bribes d'écriture pour maintenir mes neurones à flot. Malgré tout je n'arrive toujours pas à croire aux mirages matériels. Pourquoi toujours en vouloir plus? Est-on jamais satisfait en notre société de consommation? Elle se place où la qualité humaine entre la motoneige et le 4X4?

Elle se dissipe. C’est mon avis personnel, dans ce modèle précis, à moins d’avoir des rentrées faramineuses, la qualité humaine prend souvent le large. Alors arrive tout le tralala de mal-être qui fait perdre la boule aux âmes plus sensibles et qui fait avaler à une bonne partie de la population active toutes sortes de petites pilules magiques. Des petites pilules pour oublier que l’on existe plus qu’à travers le monde matériel. Individuelle tristesse. Tout cela ressemble trop au monde parfait d’Aldous Huxley. Nope, désolée, je n’y arrive pas. Le spleen d’hiver se paie la tête de nous tous ensevelis sous des montagnes de neige. Il ne m'épargne pas. Immatérielle, je m'évanouis dans l'air du temps. Le spleen poudreux d’hiver s’amuse de ma pomme. L’homme bouillonne. Il m’explique qu’il a perdu un certain respect pour la gardienne qui lui avait auparavant expliqué en long et en large comment elle se mettait partiellement à son compte pour profiter de ses enfants et passer plus de temps avec eux. Je soupire devant le spleen qui l’aspire. J'imagine que la gardienne a fini par céder à la pression sociale qui l'entoure. Je ne lui en veux pas. Je peux en comprendre les tourments. Je me demande si Lily ne ressent tout simplement pas ces mélancolies hivernales qui font partie des courants de la vie. Elle se fait plus de films de peur. Elle se tanne comme nous autres d’être encabanée, à sa manière, elle s’exprime.

Mais revenons-en à la piscine. Son prochain cours tombe durant la semaine de relâche, Clo décide de l’emmener à son cours. Et c’est reparti la tragédie. M’zelle Soleil ne veut rien savoir. Elle pleure et refuse toute coopération. De retour à la maison, je la grille sur le sujet, je crois comprendre qu’elle ne veut plus obéir à la dame. Elle perçoit mon mécontentement et fait mine basse. C’est pourtant un charme chez sa gardienne. Une petite fille si bien élevée d’après Manon. J’y perds ma boussole maternelle. Je décide donc d’aller avec elle pour son dernier cours. Mon petit brin de fille fait moins la maligne lorsque je lui explique que je vais aller avec elle, je la vois qui soupèse la situation. Comme je dois aussi aller chez le docteur, je ferai d’une pierre deux coups. Me voilà donc dans la piscine avec une demie douzaine d’enfants accompagnés de leur maman qui connaissent tous ma fille. Je fais connaissance de Rebecca. M’zelle Soleil essaie de refuser les consignes, mais on refuse pas aussi facilement avec la mère qui vous élève et qui y met du zèle! Je me transforme en un mélange de fermeté douce et je la force à suivre les consignes. J’y applique toute ma discipline. Elle s’y plie avec quelques grimaces mais sans comédie. Je la félicite, elle se détend un peu même si elle reste scotchée à ma peau comme une petite sangsue. Je discute avec Rebecca qui m’explique qu’elle ne comprend pas ce retournement de situation, qu’elle était si excellente à ses premiers cours et que d’un coup, le blocage complet! Comme Lily est plus détendue, Rebecca essaie de la prendre pour effectuer un exercice, c’est la panique, l’enfant se crispe et s’apprête à rugir. Je reprends mon petit lionceau en main et je la fais nager à la place de la jeune femme. Je soupçonne ma fille d’avoir une petite dent de lait contre la dame! Une jeune femme presque gênée de la réaction de l’enfant et qui ose à peine l’approcher.

La bulle d’innocence commence à se fissurer au contact des autres. Mon petit bébé deviendra fille. J’en déduis que Rebecca sûrement par inadvertance s’est mis ma puce à dos. L’enfant a eu un coup de spleen. La jeune femme n’y est pour rien, elle fait sa job comme il faut. Mais je suppose que si Lily était si bonne durant les premiers cours, elle ne l’aura pas ménagée, elle l’aura peut-être poussée une fois de trop. Lily n’a peut-être même pas compris ce qu’elle ressentait. Elle s’est juste figée tandis que la fissure faisait craqueler sa petite bulle. C’est la vie. En ma qualité de mère je ne peux empêcher l’innocence de se fissurer. Je peux juste surveiller le processus. Être présente.

Winter Spleen

Ouais c’est pas le tout de pondre un bébé encore faut-il élever la personne qui éclot de l’œuf! Élever l’enfant selon un modèle qui nous sied. Je crains de ne pas élever ma fille dans un modèle courant. Je ne pense pas avoir envie de l’élever selon ce modèle qui consomme et exploite la planète. J’ai le cœur et la tête qui font des heures supplémentaires à réfléchir à leurs fonctions maternelles. Déchirée entre multiples sentiments, je réfléchis. Alors que la neige engloutit tout le paysage, je me laisse accrocher par quelques spleens personnels. Je les combats dans le banc de neige devant chez moi.

Mais j’en reviens à la piscine où nous suivons le dernier cours sans anicroches. M’zelle Soleil accepte de coopérer. Je me vois passer dans un cerceau en plastique avec Lily, rendu là je ne me sens plus à un dévouement prés! Rendu là l’enfant est décontractée. Je la sens même contente d’être là. Elle commence à me montrer ce qu’elle sait faire, je suis fière de la voir patauger sans peur. Je constate qu’en effet lorsqu’elle le décide elle surpasse le niveau de quelques uns de ses camarades! Arrive le temps de recevoir le carnet qui atteste de la participation aux cours et qui donne le droit de passage au niveau suivant. Rebecca m’explique que Lily était bonne et même si elle a passé tous les niveaux, sa performance lors des trois derniers cours ne lui permet pas de passer du stade de tortue au stade de grenouille! Je retiens un certain cynisme. Yep! La vie est ainsi faite. Lily s’en fout comme de l’an quarante, elle est juste contente de recevoir un autocollant et d’être une tortue! Elle a bien raison, elle aura tout le temps de devenir grenouille. Je la félicite. Elle a appris à nager comme un petit chien, à faire la planche, à avancer en battant des pieds, à mettre la tête sous l’eau, c’est assez pour ma satisfaction maternelle! Elle est désormais plus à l’aise dans l’eau et je continuerai personnellement son éducation aquatique cet été. À moins que je ne l’inscrive aux cours du village qui se déroulent quelques matinées par semaine en bord de plage. Ce qui lui permettrait de socialiser et moi de m’isoler pour travailler tranquille. Je pourrais m’installer non loin et reprendre mes habitudes d’écriture sur le sable. C’est à voir.

Je la dépose chez sa grand-mère qui a peine à croire qu’elle n’a pas pleuré de la matinée. Comme je l’ai déjà mentionné, elle ne me fait guère de comédie. Ma mère depuis sa naissance refuse de la discipliner, à elle de s’arranger avec! Comme elle n’a pas à l’élever, cela ne m’inquiète guère, si ma fille décide de faire tourner en bourrique sa mamie, ce n’est pas vraiment mon problème. Au contraire, je trouve cela presque mignon, c’est comme dans les contes où les grand-mères gâteaux sont des havres de plaisir pour les enfants qui doivent filer le reste du temps. Ma grand-mère éteinte s’est retrouvée dans une position où elle a du aussi m’élever mais elle n’en a pas moins été bien gâteau avec ma pomme et c’est sûrement ce qui m’a sauvé le cœur. Cela dit si ma fille passe deux jours de suite chez ma mère, inutile de dire comment je dois serrer la vis au retour! Cela fait partie du jeu j’imagine…

L’autre jour, je suis présente lorsque Lily prend une douche avec ma petite sœur sous le regard gaga de ma mère. L’enfant commence à pousser les limites, s’amuse à ouvrir et fermer les portes, fait la coquine. Au bout de dix minutes, je lui dis que cela suffit. Comme je suis sur place ma mère est dans l’obligation de respecter ma volonté. Elle demande à Lily d’arrêter. La demoiselle éclate alors en pleurs. Je lève les yeux au plafond. L’enfant se réfugie dans les bras de sa tantine qui la console. La grand-mère essaie de la consoler mais l’enfant s’exclame : « Tu m’as fait de la peine Mamie! Ouuuoooiiinnnnn ». J’en reste bouche bée, c’est une première pour moi, je savais pas qu’elle connaissait ce mot et encore moins le concept qui se cachait derrière. Cet enfant me sidère! Je fais mon possible pour ne pas sourire. Je vais voir ailleurs si j’y suis. S’en suit le moment de manger. Je la récupère au vol, elle essaie de se désister mais fermement je l’attrape. Ma mère s’exclame « Alors toi tu peux la disputer et cela ne lui fait pas de peine! ». En effet, avec moi, elle sait les limites à ne pas dépasser et ne s’avise pas d’essayer. J’ai parfois l’impression de jouer à la police mais je me vois dans l’obligation d’utiliser une certaine autorité. Je suis sa mère, depuis sa naissance je me dévoue à son développement, il faut bien que je réussisse quelque part! Je m’en fous d’avoir une maison plus petite que mon « standing », (je m’en fous un peu moins de ne pas aller dans le sud par exemple!), tout ce qui compte c’est que je sois en phase dans ma relation avec ma fille. Et présentement cela roule…

Entre-chien-et-Loup-III

Je constate que le modèle américain n’a pas de guide parental. S’il va de soi pour toutes les choses matérielles que l’on doit posséder. Être un parent compétent n’est pas aussi évident. Les petits monstres sont partout! L’enfant roi règne et se désagrège. La mode est aux émissions qui proposent des doses de réalité parentale dans un monde où les enfants font la loi. Je regarde ces émissions pour mieux comprendre comment ne pas me retrouver dans une telle situation. Au secours! Pas facile d’être un parent compétent de nos jours! Il faut y travailler dur, c’est un emploi du cœur et de l’esprit qui ne rapporte rien d’autre que de la paix et l’harmonie. Des valeurs totalement abstraites. J’ai eu personnellement une enfance comblée sur le plan matériel, je n’ai jamais manqué de rien et j’ai souvent eu plus que la norme. Cependant j’ai connue une enfance émotionnellement rock and roll. Je m’en suis sortie avec quelques séquelles invisibles. Enfin, si l’on devait voir toutes les cicatrices qui se cachent sous nos peaux à l’œil nu combien d’entre nous auraient l’air de frankeinstein? Dans le monde des abstractions humaines l’influence d’un parent est puissante…

Mais je m’égare. Je pose M’zelle Soleil pour sa sieste chez ma mère, je vais faire mes deux heures d’entraînement. Puis je vais chez le docteur faire examiner ce problème intime qui n’est pas grave mais qui demande médication. Au bout de deux heures d’attente à la clinique ma patience commence à s’amenuiser sérieusement. J’en viens à discuter avec mes deux voisines, l’on partage quelques spleens. L’une capitule et finit par s’en aller, égoïstement, je ne peux m’empêcher de penser que cela me fera passer plus rapidement. Dans le coin où je suis, il ne reste plus qu’une dame dans la cinquantaine qui est là depuis aussi longtemps que moi. L’on papote comme des poules dans une basse cour. Elle potine sur les docteurs de la clinique, je m’emporte sur les absurdités humaines! Rendu à sacrer après les milliards que dépense Bush à la guerre, je me dis qu’il est temps de fermer mon clapet. Je divertis la dame qui me dorlote la pomme. Finalement notre tour arrive. La dame est toute contente, c’est son docteur préféré, de celui qu’elle adore et qu’elle m’a raconté les potins, qu’elle a défendu avec verve lorsqu’il m’a un peu énervé à perdre du temps pour aller acheter des chocolats qu’il a offert à une tribu d’enfants. Lorsqu’elle sort de son bureau, elle m’offre un sourire plein de chaleur tout en me tapotant l’épaule. J’entre dans le bureau subtilement sur les nerfs. Déjà que je suis ne suis pas là pour jouer aux billes mais plutôt pour mettre les pieds dans les étriers, je suis un chouïa agacée! Le fameux docteur a une bonne tête, un certain charme. Si je me mets les pieds dans les chaussures de la dame que j’ai rencontrée, je perçois son charme qui au premier abord pourrait m’échapper. Je me fais douce-acide. Nous passons au travers l’expérience physique. Il me prescrit le remède miracle et je peux enfin aller récupérer l’homme et l’enfant!

Je vais chercher l’homme en premier, comme il est passé sept heures, nous décidons d’aller manger à la pyramide non loin de son bureau. Nous arrivons sur le parking complètement plein, tournons un peu en rond pour finalement repérer une femme qui s’apprête à partir, nous la suivons discrètement et attendons. Elle prend tout son temps. Arrive une voiture en face. J’ai un fort pressentiment. Je dis à Juan.

- Fais attention, elle, elle veut te voler ta place…

Il n’y croit pas trop, il me dit que c’est certain qu’elle nous voit et qu’il est évident que nous sommes là les premiers. À peine a-t-il fini de parler que la voiture en question s’engage si vite dans la place qui se libère qu’il en reste sur le c….!

- Tu vois j’tavais dit!!!
- Ben oui…

Je sors de mes gonds en même temps que je sors de l’auto. En flèche. Là c’est trop. Ma coupe commence à déborder. J’invective la dame furieusement tout en essayant de rester un tant soi peu cordiale :

- Oh!oh!Whoooo! Non mais oh! Cela fait dix minutes que l’on est là à attendre, l’on a klaxonné et fait des appels de phares, vous ne pouvez pas nous avoir pas vu!!! Non mais oh! Minute! Y’a quand même une limite de savoir vivre à respecter me semble!!!

La dame sent ma colère vibrer. Elle fait un pas en arrière et d’une petite voix me dit :

- Heu, je vais me reculer alors!
- Oui, c’est une bonne idée! Ne me dites quand même pas que vous nous avez pas vus!!!!

Elle fait mine de ne pas m’entendre et rembarque dans son char. Je suis presque surprise de la puissance de mes nerfs. Je m’exclame en rentrant dans l’auto : « Whooo, je crois que cela fait des années que j’ai pas engueulé quelqu’un de même!!! ». L’homme acquiesce en silence. Je respire profondément.

Le lendemain se lève avec le soleil qui fait une rare apparition entre deux tempêtes. Le temps est doux. Nous sortons faire un tour de banquise avec Lily-Soleil. Manque de bol, la corde de la luge est gelée dans une mare de glace! La petite est à pieds et je ne suis pas disposée à la porter. Nous partons pour une marche santé. Les murs de neige sont bien hauts. Quelques congères se forment, subtil signe de printemps, l’air ne pince pas la peau qui respire enfin. Je réalise à quel point l’hiver nous enferme. J’en profite pour faire à l’enfant une leçon des saisons. Elle sait bien que nous sommes en hiver mais ne sait pas exprimer les autres saisons même si elle en possède le souvenir. Nous arrivons proche du lac. Elle me dit :

- Le lac maman?
- Non pas encore, il faut attendre le printemps. Là c’est encore l’hiver. Mais il est où le lac Lily?
- Zou la neize!!!
- Oui, c’est ça ma puce, pis là tu vois y’a trop de neige on peut même pas s’approcher, il faut attendre que la neige fonde…

Winter Girl

Nous rentrons à la maison, M'zelle est fatiguée, je me sens un petit peu ragaillardie. La petite me demande :

- Pourquoi dodo maman?
- Pour te reposer…
- Pas fatiguée!
- Mais oui, tu te frottes tes petits yeux…
- Oh!

Depuis la veille elle toussote un petit peu. Elle se couche sans problème, elle s’endort sagement mais se réveille une petite heure plus tard en toussotant et en se plaignant de sa gorge. Elle me dit :

- J’atchoum maman
- Oui tu tousses, t’as du attraper une petite grippette. Tu l’as attrapé où don’ cette petite grippe?
- Ben deyors!!!

De plus en plus elle me répond dans le contexte, de plus en plus nous conversons, c’est une bonne sensation. M’zelle Soleil se définit joliment. Elle me fait du bien. Elle me permet de m’accomplir dans ce rôle de maman. Un rôle que j’apprécie pleinement pour l'avoir attendu durant de longues années…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je m'imagine être M'zelle Soleil, dans une vingtaine d'années. Attendant mon premier bébé. Et lisant ce que ma maman décrivait de mon monde.
Les larmes me montent aux yeux. Je suis encore elle. Et émue. Merci, maman, merci, vraiment.

*Qu'est-ce qu'elle en a de la chance de t'avoir !

Etolane a dit…

Merci Matoue, j'espère que nous arrivons à bien nous entendre malgré les épreuves de la vie. La vie est courte et longue à la fois! ;)