Méchante tempête!
Quelques rayons de soleil se profilent sur le coup de midi. La tempête est terminée, la pire de la saison disent les médias. Murs effondrés, voitures enlisées sur l’autoroute, l'on ne compte plus les sorties de route. Des centaines de voitures prisonnières de dunes d'hiver un peu partout dans la province. Des coupures d’électricité, peu de blessés mais beaucoup de trouble, quelques dégâts matériels et de la débrouillardise humaine.
Les quantités de neige sont phénoménales, il y a des places où même les chasse-neige s'enlisent! Les policiers à motoneige se retrouvent en mauvaise situation. Cela fait jaser les voisins qui nous régalent d'anecdotes marrantes. Les conditions sont si critiques que les motoneiges sont le derniers recours pour porter secours. Les sorties d'autoroutes deviennent des culs de sacs où les gens doivent abandonner leurs autos. Non loin de chez nous, à une quinzaine de kilomètres en contrebas, une centaine d’automobilistes a été pris sur un tronçon qui mène à l'autoroute, cet endroit est un couloir de vent qui se transforme vite en enfer blanc. C'est une place où je n'aime pas m'aventurer lorsque se déchaine la nature. Les nouvelles en montrent les images, des dizaines de voitures submergées dans des bancs de neige immaculés.
Nous avons nous même perdu l’électricité dans la nuit. J’ai à peine dormi. Je me suis mise en mode de veille. J’ai écouté d’infernales rafales tourmenter la maison. Pour rien au monde je n’aurai mis un cheveu dehors! J'ai remercié le ciel de ma maison solide. Au fil des heures la maison s’est refroidie. Juan malade a dormi comme une masse. La petite, a senti qu'il se passait quelque chose, elle m’a un peu fait tourner en bourrique. J’ai fini par la ramener dans notre lit. Au petit matin la seule chaleur générée dans la maison était celle de notre cocon fait de couettes et d’oreillers! Un petit vent de panique me souffle. L’homme sort de sa torpeur fiévreuse, il semble aller mieux, il me fait revenir à la raison. Je m'endors une grosse heure durant. En milieu de matinée, tout est fini, la rue est ensevelie une nouvelle fois, rien de nouveau sous nos latitudes! Dehors, les souffleuses rugissent par dizaines. Le village revient à la vie mais le chasse neige n'est même pas encore passé dans notre coin de bois. Tout est blanc poudre. Juan découvre que le coffre de l’auto était mal fermé, résultat la batterie est à plat! Manquait juste cela! Rendu là, je suis hypra philosophe, rendu là, il enrage en silence. Il est facile de trouver de l’aide parmi les voisins qui voguent dans le même bateau. Les conversations amicales réchauffent les esprits. La voiture ronronne vite et l’on va faire ripaille au village d’à coté qui a gardé son courant malgré les tourments. L’on a changé d’heure, le temps m'échappe.
Le paysage devient surréaliste, à quelques jours du printemps, il prend un petit air lunaire. Les murs de neige n'en finissent plus de m'épater. En revenant de manger, l’on croise le camion d’Hydro, cette vision me remplit d’espoir. On va peut-être retrouver l’électricité à notre retour. À peine avons-nous le temps de papoter avec les voisins d'en face et de rentrer à la maison bien fraîche qu’enfin revient la chaleur électrique. Ouf! Soulagée je suis! Je couche la petite pour sa sieste, Juan s’en va déneiger. Il emprunte la souffleuse d’un voisin du bout de la rue pour passer au travers de ces accumulations d'hiver qui nous engloutissent. Il rentre parfois pour boire un verre d'eau, dégoulinant de sueur, il n'est pas de meilleure humeur. Je vois qu’il creuse un chemin pour aller à l’étage du bas, je lui demande comment ça va. Il me répond :
- Ostie d’pays d’c…! J’casse à la hache les couches pis je souffle. J’casse à la hache, je souffle, j’casse à la hache, je souffle… Ostie, qu’y’en a!!!! J'suis pus capable!
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