jeudi, mars 27, 2008

Pâques polaire

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Pâques polaire

Polar Easter

Fêter Pâques par -15 degrés et sous 5 mètres de neige, c’est tout un programme! Cacher des oeufs dans une cabane de neige. Greloter dans la nuit éclairée d'une lumineuse pleine lune. Mon ado de Clo m'aide à la tâche. Les lapins que nous sommes nous gelons les doigts à creuser des trous dans la neige. Nous y installons des nids colorés. Nous y déposons des jouets et des confiseries. Chut! Les histoires de lapins des neiges sont secrètes, les enfants ne doivent rien soupçonner. Les étoiles sont glaciales. L’atmosphère est congelée. Je me transforme en glaçon.

Ma Clo de sœur pour qui j’ai tant de fois fait travailler l’imaginaire durant sa petite enfance, prend le relais pour motiver mon âme blasée. Alors que je grognasse et peste sur ce froid arctique me fait frissonner sur place, Clo m’explique combien tout cela est important pour la petite. Je souris en pensant à ces moments précieux où je m'appliquai à édulcorer les réalités de ma petite soeur. Une petite soeur devenue tantine qui me rappelle à la raison du coeur. M’zelle Soleil roupille dans la chaleur de notre cocon, elle ne semble se douter de rien. Pourtant la demoiselle en question est un vrai détective sur pattes! Elle absorbe avec attention chacune de nos conversations, elle s’exclame « Moua? Moua? » à chaque fois qu’elle entends dire « la petite », elle remarque tous les détails de son quotidien. Je nous sens sur écoute…

Mon petit poussin devient fillette. Elle bavarde à bâtons rompus. Elle n’en finit plus de construire ces longues phrases qui m’impressionnent. Attentive, je suis à l’écoute. Je me dévoue à l'épanouissement de ce petit bout de nous. Avec elle, je deviens louve. Durant cette occasion pascale, elle se bâfre de chocolat en compagnie de sa tante et de son paternel. Moitié parce-que j’ai l’envie de fondre plus vite que le banc de neige devant ma fenêtre et l’autre moitié marquée par un manque d’appétit relié à une petite maladie que j’ai du mal à éradiquer, c’est à peine si je mange trois chocolats. Je me contente de les observer se gaver les babines qui dégoulinent. Ils font naître des sourires amusés en mon horizon de fatigues antibiotiques. Douceur familiale...

L’hiver s’éternise en une symphonie monotone. Paysages monochromes. Juan se remet de son amygdalite. Il reprend du poil de la bête virile. M’zelle Soleil attrape le virus qui passe. Elle se transforme en une joyeuse fontaine de morve. La voilà elle aussi sous antibiotiques. Les chats se la coulent douce. Chanelle a un coup de blues. Juan profite du début de cette longue fin de semaine pour me faire grand plaisir en rénovant le plancher du salon. Exit le vieux tapis détesté et bienvenue à une nouvelle atmosphère chaleureuse. Pour ce faire, il travaille de ses bras musclés et nous passons un quarante huit heures juste les deux, comme avant d'être parents, cela nous fait un bien fou. Et toujours la neige accompagne le cours des jours...

Avec ce mois glacé qui se poursuit sur sa lancée blanche, nous approchons notre sixième mois d’exil arctique, c'est un hiver des plus coriaces! Le lac n'est plus qu'un désert blanc presque oublié des mémoires givrées. D'après ce que les experts en disent c'est l'un de ces hivers qui n'arrivent qu'une fois par siècle! Dans la salle d'attente de la clinique où nous prenons notre mal en patience, j'attrape des bribes de conversations voisines. M'Zelle Soleil charme tout ce qui bouge, je rencontre un bébé Isaac et son papa Patrick. Je remarque que ma fille peut faire fondre la plus endurcie des vieilles filles! La nouvelle passion de Lily est de savoir le prénom de tous ceux qu'elle croise et rencontre! Ceci engendre bien des sourires! Je sers souvent d'agent de liaison! Elle s'enquiert du nom puis elle répète le son qu'elle fait ensuite rouler entre ses lèvres mielleuses pour le plus grand plaisir de ses interlocuteurs. Lorsqu'on lui demande le sien elle répond: «Lily Zoyeille», je fais la traduction et je ne compte plus (depuis sa naissance) le nombre de ceux qui s'extasient sur sa sonorité. Je suis contente que son prénom particulier reçoive un si bel accueil. Il faut dire, qu'à date, vu comment elle rayonne, elle le porte à merveille. Un vieux monsieur qui l'entend papoter depuis un moment vient la saluer, il me dit «Quelle beau p'tit bout, une belle personnalité, elle n'est vraiment pas terne! C'est bien.». Surprise, je fais un sourire en acquiesçant de la tête. Je me dis qu'avec un nom pareil ce serait malheureux pour elle d'être terne! À deux chaises de ma pomme, j'entends s'exclamer une dame âgée aussi ridée qu'un parchemin ancien: « Ah Non! J’ai jamais vu un hiver pareil!!! J’ai jamais vu cela de toute ma vie!!! ». Yep, c'est un sacré hiver, de celui qui alimentera les futures légendes...

Mais la question que je me pose en ce moment est celle-ci: Est-ce que la balance des saisons finira enfin par se trouver un équilibre au dessus de zéro? J'ai besoin d'un bol d'air frais. Je suis en manque d'herbe verte. J'ai l'été comme fantasme! Si seulement on pouvait atteindre un gros dix degrés, cela suffirait pour que je ressente le besoin de sortir de mon hibernation présente. L'hiver est une saison morte disent certains. J'aurai donc l'impression de renaitre. Je sortirai en vitesse me faire bronzer la pomme à l’air libre. J'installerai ma chaise longue sur un mont de neige fondante et j'ouvrirai un livre. Les boucles libres, un crayon à la main, je scribouillerai mes idées sur papier. Je porterai une jupe pour sentir l'air glisser entre mes cuisses. Rêves et chimères. Pour l’instant, il faudra bien se contenter de ce -10 degrés qui a vu naitre un autre matin de cette semaine frigide…

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