Mercredi dernier, M’zelle Soleil sort à la maison cette petite cochonnerie qu’elle a attrapé ailleurs. Je me demande si c’est le contact avec les autres enfants chez la gardienne, tout le monde me répond que ce n'est pas grave, que c’est bien, qu'elle fait son système immunitaire, qu’il faut qu’elle le pratique avant l'école! Gnagnagna ragnagna! À l’intérieur de ma peau, la maman poule est en rogne, elle jacasse en mes entrailles. Il n’aura donc fallu que deux semaines de cette nouvelle routine enfantine pour qu’elle me ramène une cochonnerie! Il paraît que c’est normal, blablabla, cette normalité là m’énerve. C’est plus fort que moi. C’est un énervement intérieur qui ne cadre pas avec la mentalité de mes pairs, je le sais, je le contiens pour qu’il ne déborde pas comme le nez de ma puce qui ruissèle aux quatre vents.
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Les journées sont magnifiques, toutes plus belles les unes que les autres avec ce spectacle d’automne qui s’enclenche en beauté. Les feuilles translucides irradient leur couleur sous les rayons de soleil qui les transpercent. La forêt devient magique, féérique, elle me cajole de son paysage qui flamboie sous mes yeux en extase. Équilibre. Les températures réchauffent l’atmosphère musquée qui exulte ses odeurs de saison. Tout est calme. Zénitude. Les feuilles tombent sous le soleil qui les grille. J’oscille entre morve et automne.
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Lorsque l’enfant aura grandi, lorsqu’elle sera sorti de mes jupes, lorsqu'elle ne régira plus mes jours, lorsque l’école et ses camarades de classes seront son quotidien et que j’aurai repris les fils de ma vie individuelle en pantalon. Lorsqu’il faudra que je ramène de l’argent sur la table pour payer les frais de ses passions. Lorsque... Dans l'instant présent, je me contente de moucher à répétition son petit nez bloqué et de changer d’effrayantes couches "verdasses" dignes d’Halloween à venir. Après notre matinée à l'écurie en compagnie de Miss Dee et Ponyta, je dépose M'zelle Soleil chez sa Mère-Grand et je pars vaquer à mes affaires. La ville luit sous la superbe lumière d’automne en fête, il fait chaud, je monte le son, les fenêtres ouvertes, les cheveux dans le vent, je souris à l'air du temps…
Le temps d'aller rechercher l’enfant, de retrouver l’homme à sa sortie de bureau, de faire ces petites courses et de rentrer en nos pénates, la soirée est déjà bien entamée et la petite bien fatiguée. Nous attendons la visite d’amis pour le soir même, c’est le retour de Micah, un ami de longue date. Nous essayons de coucher Lily-Soleil qui couine. Elle tousse, elle geint, elle a le nez qui dégouline, bon c’est reparti pour un tour de cochonnerie! En même temps que je vois poindre la lumière des phares dans la rue obscure, j’entends l’homme s’exclamer de dégoût. Il sort de la chambre, la petite sur un bras et l’épaule de sa chemise imbibée de vomi! Il grimace de plaisir! Je ne peux m’empêcher de remercier en silence l’enfant qui vomit toujours sur Papa. Si je peux survivre à l’horreur des pires couches, je vis plus mal les régurgitations massives! Juan lui prend cela avec une résignation philosophe. Je récupère ma fille au teint laiteux que je pose sur ma hanche, elle dégage une petite odeur mais elle a retrouvé son sourire. Elle observe avec curiosité l’arrivée des nouveaux occupant du Retro-Loft. Bienvenue chez nous!
C’est bon de revoir Micah qui nous présente sa copine. Fraîchement débarqués du vieux continent, Micah et Iza sont en pleine aventure. Ils ont chacun quitté un bon emploi à Grenoble, liquidé leurs affaires courantes pour se lancer dans l’inconnu canadien. Après une semaine à Montréal où il en ont profité pour acheter une voiture qu’il ont baptisé la « Redford ». Ils se lancent dans une année d'exploration canadienne. Ils se posent quelques jours chez nous, avant d’aller découvrir la Gaspésie avec ensuite l’idée de redescendre sur New-York pour ensuite traverser le continent afin d’atteindre Vancouver avant l’hiver. De là, ils veulent se trouver un travail et s’installer quelques mois là-bas ou ailleurs, là où le destin les portera...
J’envie un peu cette liberté qu’ils dégagent. En hôtesse accueillante, je les laisse monopoliser mon ordi pour organiser les détails de leur périple, je leur montre des trucs pour organiser leurs photos, je partage mes connaissances virtuelles, la Toile deviendra ce fil qui le reliera aux autres, à leurs proches, à tous ceux qui les manqueront. J’envie le zeste d’aventure qui me pique le nez à leur contact. La nervosité palpable d’Iza me rappelle pourquoi j’aime bien présentement la sécurité de mes pénates. « Tout vient à point à qui sait attendre ma cocote » chuchote ma grand-mère disparue au creux de mon humeur. Je m’amuse à constater que je nourris mes pulsions d’aventures en recevant régulièrement des aventuriers de passage. Mais quand même, ils m’énervent tous avec cette fascination pour "Vancouver, la plus cool, Vancouver la plus belle de toutes", c’est pas l’Eldorado non plus Vancouver! Y'en a des masses qui en reviennent (et d'autres qui y restent)! Pfff! Y'a pas que l'ouest dans la vie! Un souffle beatnik me secoue les puces agitées. Hum! Moi, j’ai des envies de Mexique qui me gratouillent le sang, années après années, cela grouille...
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L’enfant reprend du poil de la bête en même temps que ses parents commencent à ressentir les effets de la cochonnerie qui les a rattrapés. Ils se lèvent le matin, l’un dit à l’autre :
- Ouais, ben ça y est j’ai le nez bouché! J'ai super mal dormi! Pis tu ronfles comme un sonneur, c'est l'enfer!!! La petite a bien dormi, on dirait...
- Mouais, je sais, moi aussi, j'ai le nez pogné! Pis t’as-tu aussi la gorge irritée?
- Yep, itou…
La semaine débute avec une autre de ses magnifiques journées qui font les merveilles de cette saison de transition, entre ciel de poudre d’azur et couleurs éclatantes, le jour se réchauffe. Je renifle un coup, attrape un kleenex pour me moucher bruyamment, racle ma gorge râpeuse. M’zelle Soleil est partie chez la gardienne un peu moins enjouée que les dernières fois. La goutte au nez, je ravale ces émotions qui me perturbent l’être maternel. Je pense à l’organisation des heures à venir. Je vois virevolter Shni le petit génie du ménage dans un coin de cuisine. Je l’ignore un peu. J’éteins les nouvelles. Ils annoncent vingt cinq degrés cet après-midi. La journée sera belle…
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