Chroniques de village
En cette superbe matinée d’automne, je prends mon courage à deux pieds pour enclencher sur le « beat » de cette routine maternelle qui est mienne. Routine matinale qui consiste à prendre un bol d’air pur pour se dégourdir les jambes de l’enfance. Je constate que le village retrouve de son naturel avec le départ des vacanciers. Les chalets se ferment, la rue principale se vide, les voitures se font de plus en plus rares.
M’zelle Soleil me suit avec sa petite poussette qu’elle abandonne inévitablement en chemin pour s’installer dans la grande que je pousse. Les employés municipaux s’affairent à préparer le village pour l’hiver. Le soleil brille de plein feux, il brûle les feuilles d’automnes qui jonchent la piste. L’air est croquant de fraîcheur. Je ramasse des feuilles mortes et les donne à M’zelle Soleil qui chantonne. L’enfant remarque que les bateaux s’en vont ou sont garés tout prés des maisons. Je lui explique le cycle des saisons. Nous nous arrêtons pour remplir nos bouteilles d’eau de source, nous discutons avec quelques connaissances sur un balcon et nous arrivons sur la plage, déserte…
Les bateaux se font plus épars, les employés municipaux viennent d’enlever les quais. Après l’effervescence estivale, le lac reprend ses humeurs naturelles. Affichés sur un mur de la gazeebo qui accueille le passant, je remarque une affiche comme j’en ai vu beaucoup dans mes recherches sur les algues bleues. Voilà c’est officiel, elles sont de retour en force! Pas de surprise là, on est dans les temps et cela risque d’être ainsi pour encore quelques années! De par mon implication au sein de l’association pour la préservation du lac, je savais qu’elles étaient présentes dans le plan d’eau depuis le mois d’août. Il y avait alors des cyanobactéries qui ne produisait pas de toxines, avec l’automne qui les fait « éclore », ce qui était attendu est arrivé! Je soupire.
Chanelle nous accompagne de nouveau durant ces ballades matinales. Maintenant que le "village vacances" est fermé, elle peut retrouver sa liberté brimée. Elle est si heureuse que son museau n’en finit plus de sourire. J’observe l’eau toujours claire mais plus trouble qu'à son habitude. Je soupire. L’effervescence humaine s’éteint et voilà que s’allument les feux de ses excès. Je repense à la pureté cristalline du lac au printemps. Je soupire. Le soleil caresse ma peau, le vent souffle mes soupirs. M’zelle Soleil accroche mon attention. Je lui en donne avec joie, mon humeur s’allège en ces jeux d'eau et de sable. Au loin, un homme s’approche, je le reconnais à l’horizon, c’est l’un des élus municipaux. Hum! J’appelle Chanelle qui déjà lève la tête à son approche. C’est bien celui à qui je pensais, il m’aborde avec un air cordial et me parle des algues.
- Oui, j’ai vu l’affiche à l’entrée.
- Ah! L’affiche est bien là! C’est ce que je venais vérifier.
Ahah! Me dis-je c'est pour cela qu'il est en sortie buissonnière! La conversation s’engage sur le sujet du jour. Je suis en première ligne de la nouvelle, personne encore n’est averti, cela va se faire durant le cours de l’après-midi. L’on discute de ces nouvelles plus sérieusement. Il y a encore beaucoup à faire pour renverser cette vapeur nocive. Nous ne sommes pas au bout de nos efforts. Chanelle bave sur son pantalon, je le remarque, fait mine de rien voir, rajoute quelques sourires. Il est sur son départ, il se retourne dans son élan et me lance :
- Ah! Je viens de voir que c’est votre chien en photo ce mois-ci en première page du Journal municipal!
Ben voyons! je pense intérieurement, je pense même trop fort pour ne pas répliquer :
- Mais n’est-ce pas ironique?
Il rigole.
- Oui, je sais. On a dû passer cette année un nouveau règlement à cause des plaintes mais les photos sont choisies une année à l’avance…
- Mais heu, moi, j’ai fait l’objet d’une plainte en mai. Mais c’est quand même n’importe quoi. Chanelle vient juste se tremper les pattes, pis elle ne fait jamais ses besoins sur la plage, c’est un vieux chien tranquille. Pis y’a jamais personne sur la plage! D'ailleurs je ne l’amène jamais durant la grosse saison…
J'ai l'impression de marcher sur des oeufs, la petite trébuche, je la relève, j'avale ma langue. Il me sourit gentiment, donne une tapote au chien qui remue du popotin et reprend de son chemin en rétorquant :
- Oh! Y’a pas de problème! J'ai juste pensé à vous le dire là que je vous voyais aujourd'hui…
- Heu, oui, heu, merci...
Je baragouine je ne sais plus trop quoi, légèrement décontenancée. Je pense à « Petite Queue » et « Trou de balle », ces deux charmants personnages que je ne peux voir en peinture mais que je supporte dans mon paysage d’été. De ceux là même qui ont cru m’apporter une foule de problèmes en déposant une plainte à l'hôtel de ville contre ma pomme et Chanelle durant le joli mois de mai. De ceux là même qui s’exhibent la panse d'abruti sur leurs bateaux étincelants, ne sont jamais des réunions municipales, se foutent de l'environnement et se croient les maîtres de l’univers avec leur godiche en silence dans leur ombre. Ah! « Petite Queue » et « Trou de balle », je les ai accroché cet été dans la mémoire de mes images digitales. Le jour viendra où je ferai d’eux une histoire qui risque d’être particulièrement croustillante. De ces histoires qui se content durant les jours d'ennui pluvieux. Je ne peux m’empêcher de sourire dans le vent. La tentation de leur dédicacer cette photo en première page me chatouille les envies malignes. Mais c’est que l’on appelle mettre de l’huile sur le feu et la vengeance est paraît-il un plat qui se mange froid!!! Je dresse mes pensées sauvages à quelques valeurs civilisées et je retourne toute mon attention vers mon petit brin de fille qui rayonne…
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