Coupée du monde.
En cette journée de l’air pur, l’on se réveille avec une toute petite température, 8 gros degrés le matin et la promesse d'une journée grise avec averses intermittentes et coups de vents fréquents. Le temps se cherche. Le temps passe…
M'zelle Soleil fait sa sieste. Temps de pause pour ma cervelle maternelle. Juste assez pour souffler, pas assez pour vraiment travailler. Ma cervelle est rouillée. Mes neurones manquent d’huile. Un tout petit contrat de traduction pour désengourdir mon intellect. Des petites choses à mettre en ligne pour le blogue de l’association du lac. Il y a ce projet d'écriture qui avance en secret petit peu par petit peu. Des fictions qui me poursuivent et que je perds au coin de ma fille. Je me voue à ses sourires. Mon univers et le sien ne font plus qu'un. Cent vingt minutes de sieste, cent vingt minutes…
L’ordinateur turbine et répand ses ondes magnétiques dans la maison. Je souffle et m’en détourne. La télé en sourdine, les tâches ménagères en toile de fond, une petite frustration au fond de la peau, j'ai l'humeur à la dérive. Je regarde par la fenêtre le ciel colérique qui joue au chat et à la souris avec la lumière. Sur le sofa, Nougatine n’en finit plus de se toiletter. Après dix jours de fugue, c’est le retour triomphal du félin à l’humeur massacrante, sur le qui-vive, elle siffle tout chaton qui s’approche trop près de ses poils. Je la câline, elle me colle avec affection. Je me fonds dans ses ondes félines. Fatiguée par mes nuits trop courtes, je m’assois à ses cotés en soupirant. D’une main distraite, je zappe les images sur l’écran. Les pensées perdues dans une faille mentale, je me fige le temps. Je finis par m’arrêter les idées sur un film qui débute. Toute science-fiction a le pouvoir de m’emporter les idées. Je me laisse aller. J’ai déjà vu ce film plusieurs fois mais j’ai toujours un faible pour cet instant où l’histoire dérape vers la quatrième dimension, vers ces dimensions iréelles peuplées de créatures étranges et de sensations bizarres. Sur l’écran un étrange orage magnétique choque la population. Le temps suspend son envol dans un New-York décontenancé. Tom Cruise (que je trouve souvent plus crédible dans ses personnages que sa propre vie) constate qu’il n’y a plus d’électricité, que sa ligne téléphonique est morte et que tous les moteurs des automobiles sont à plat. Même sa montre ne compte plus les minutes qui défilent. Ça y est, cela dérape. La panique monte comme un soufflé au four. Et tout à coup BANG! Le courant saute! L’ordinateur se ferme la trappe en un râlement mécanique, l’heure sur la cuisinière s’éteint, le frigo se tait et l’image s’efface de l’écran qui redevient noir. En deux secondes, ma réalité dérape. Je souris. Mon instinct sauvage prend le dessus. Dehors à peine quelques souffles de vent bousculent la journée trop fraîche. Un geai bleu traverse mon champ de vision. Je n’entends plus que les coups de langue virulents de Nougatine qui se lave. Le silence s’épaissit. Impassibles les animaux se reposent. L’enfant dort.
Je me repais de cette atmosphère monacale. La texture du silence est si pure qu’elle me régénère l’imaginaire qui sort de sa tanière pour élaborer toutes sortes de surréalités. Je reprends cahier et crayon. Le ronronnement des chatons qui tètent emplit l’atmosphère. Propre comme un sou neuf, Nougatine s’est assoupie. Je regarde le plancher tout en faisant la moue. Maintenant que je sais que je ne peux plus le passer, j’ai une pulsion niaiseuse d'aspirateur! Une percée de lumière perce l’épaisse couverture du ciel et éclaire ma maison. Ce fond de sérénité se mêle à une douce frayeur. Autant je n’aimerai pas vivre sans électricité, autant j’aime cette ambiance paisible. Ce monde sans ondes pique ma curiosité. Et si l’on devait subir une coupure de courant à grande échelle, combien de temps pourrions-nous fonctionner plus ou moins normalement? Combien de temps avant que la société n'implose?
À peine ai-je commencer à explorer ces possibilités que le courant trésaille, grésille, les appareils électriques s'emballent. Le courant va et vient plusieurs fois avant de finalement revenir pour de bon. Le silence se rétracte. L’heure se met à clignoter sur la cuisinière, le frigo frissonne, le téléphone « beep ». L’image réapparaît comme par magie sur l'écran qui illumine le chaos du monde de Tom Cruise qui a brutalement chaviré. Je regarde quelques minutes cette humanité en perdition qui se bataille pour quelques bribes d’espoir. J’éteins la télé. Le frigidaire turbine à plein régime. La réalité reprend sa texture habituelle. Je n’ai pas envie de rallumer l’ordi. Nougatine s’étire. Un rayon de soleil transperce la laiteuse grisaille. J’entends grincher l’enfant qui se réveille. Ma cervelle maternelle reprend le contrôle du jour…
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