dimanche, juin 10, 2007

Blessure d'enfance

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Blessure d'enfance


envoyé par Etolane

Samedi matin enrobé de chaleur, nous emmenons une portée de chatons à l’animalerie. Nous en profitons pour en donner un sur le champ à une dame accompagnée de son petit garçon. L'échange gratuit ne plait guère à la caissière qui reste cependant cordiale. Lily-Soleil chante dans la voiture. M'zelle dansait avant de marcher et la voilà qui chante avant de parler. Cet enfant me fait craquer! De retour au lac, première baignade rafraîchissante qui décolle la moiteur ambiante. Aller-retour de voisinage au fil des fillettes qui s’amusent comme des folles entre deux jets d’eau et des papillons qui butinent. L’été sonne à nos portes. Ding dong...

Dimanche matin, je range mon bureau en pagaille lorsque j’entends un cri strident qui me vrille le cœur. À deux mètre de moi Lily-Soleil est en détresse totale dans les bras de son père. Je la vois qui se convulsionne sous la douleur.

- Mais, qu’est-ce qu’il s’est passé???
- Elle a renversé la tasse de thé, je crois qu’elle s’est brûlée…

Ma cervelle se glace d’effroi, je la vois se cacher le visage dans le torse à son père, je la vois hurler de douleur et crier « bobo » entre deux pleurs. Je ne sais pas où elle s’est brûlée, je crains une seconde que le visage ne soit touché, la panique s’empare de moi comme un feu de brousse, je sens les sanglots s’embourber dans ma gorge nouée. Je m’approche, elle hurle dans les bras de son père. Il me dit :

- Je pense que c’est la main…

D’un même corps l’on se dirige à la salle de bain, la manche de son pyjama est mouillée, je sais immédiatement que c’est le bras. Je m’apprête à retrousser la manche sous l’œil interrogateur de Juan.

- Il faut enlever le tissu tout de suite sinon la peau va coller…

Je lève le tissu pour découvrir toute l’ampleur du dégât. Lily-Soleil se tortille dans les bras de Juan, elle hurle de douleur, et je vois les lambeaux de peaux, la chair à vif. C’est une vilaine brûlure. Je sens la panique m'irradier, je ne peux empêcher les larmes de couler. Ce qui calme les cris de l’enfant qui n’a pas l’habitude de me voir pleurer. J’avale mes larmes pour la prendre dans mes bras et la coller contre moi. Nous prenons la direction de l’hôpital sur le champ. Impossible de la mettre dans son siège à l’arrière. Je la prends avec moi à l’avant. La surprise de se retrouver là lui fait un peu oublier sa misère du moment. Québec est à 25 minutes, les hôpitaux de la ville sont toujours bondés, nous décidons de prendre la direction opposée, celle de la brousse pour le tout petit hôpital de St-Raymond à vingt minutes de chez nous.

Durant le trajet, courageuse, Lily-Soleil ne pleure guère, elle se colle contre ma poitrine tandis que je lui parle doucement, je prie le ciel pour que cela ne soit pas une brûlure du troisième degré. Mon inquiétude est palpable, elle voile toute mes pensées. J'ai le ventre qui se tord de peur. Juan reste calme malgré l'angoisse, cela me fait du bien. Un liquide jaunâtre s’écoule de la plaie sur mon bras. C’est poisseux. Je sens la panique qui remonte. Juan me parle de la lymphe, il m’explique que c’est un liquide qui coule lorsqu’il n’y a plus de peau. Ah! je savais pas cela. Savoir ce qui se passe m’aide à contrôler le feu de mes émotions. Mais regarder sa plaie me remplit d’effroi. Je fais mon possible pour garder mon calme et ne pas l’affoler. Je ressens une douleur viscérale à la voir souffrir. Juan s’en veut, il a tourné le dos deux secondes après avoir posé la tasse fumante sur la table, il l’a vu monter sur la chaise du coin de l’œil mais n’a pas réalisé le danger. Je n’étais pas attentive comme à mon habitude. Je sais pourtant les dangers domestiques mais à ce moment là, je ne faisais pas attention, je comptais sur lui. Il s’en veut. Je le comprends. Je ne lui en veux pas. C’est un accident. Un accident des plus banals si l’on en croit les statistiques. Je nous en veux un peu.

Je sais exactement ce qu’elle vit. Il y a quelques années de cela, alors que je me faisais un thé. La tasse m’a échappée des mains pour m’éclabousser la cuisse. La douleur fut poignante. J’ai à peine eu le temps de baisser mon jean que la peau était déjà venue avec. C’était pas mal dégueulasse, à peine moins pire que son bras par exemple! Je ne me souviens pas de ce liquide jaunâtre. Je me rappelle avoir eu bien mal plusieurs jours de suite, ceci n’est pas un bon souvenir. Dix ans plus tard, je n’en garde plus de trace physique. La cicatrice de cette tasse de thé est restée ancrée sur ma cuisse quelques années avant de s’effacer complètement. J’avais presque oublié cet incident qui me revient soudainement alors que je tiens mon enfant souffrant contre mon sein.

Nous arrivons à la « clinique, urgence, hôpital » qui dessert ce coin de région. Je sais que l’été il y a des jours sans médecin, la pénurie des médecins est bien réelle à St-Raymond! Dieu merci, aujourd’hui est un bon jour. Une dizaine de personnes attendent dans la petite salle. Tout est calme. Après avoir vu la brûlure de la petite, la réceptionniste nous informe que nous devrions passer vite. En effet, dix minutes plus tard, nous sommes dans une salle de soins. L’infirmière est très rassurante, il semble que cela soit en effet un accident bien banal. On n’est peut-être pas tant des parents indignes que cela! Elle estime la brûlure à un bon deuxième degré. Elle pose une compresse d’eau froide. Réflexe que nous aurions dû avoir mais qui nous a échappé dans la panique générale. J’ai quand même eu le bon réflexe de lui donner tout de suite une dose d’anti-douleur.

Lily-Soleil retrouve sa curiosité entre deux instants de torture. Elle subit la souffrance physique avec bravoure. Cinq minutes plus tard une docteure arrive pour soigner et bander la plaie. Elle est très gentille, elle répond gentiment à toutes mes questions de maman bouleversée. Du bon service humain. Les docteurs se font rares en région mais ceux qui y sont semblent bien dévoués. On aurait bien besoin de plus de gens comme eux dans le système de santé branlant. Elle nous annonce qu’il faudra revenir tous les jours de la première semaine à l’hôpital pour changer le pansement et examiner la plaie. Elle ne peut mouiller son bandage pour les jours à venir. Pauvre petit puce privée du bonheur de jouer dans l’eau à l’arrivée de l’été. Heureusement, elle ne devrait plus en garder de trace d’ici quelques années!!! Et tant que l’infection est évitée, elle devrait n’en garder qu’un mauvais souvenir d’ici quelques semaines…

C’est un moyen choc pour les nouveaux parents que nous sommes. Juan est plutôt retourné, je suis toute émotionnée. Lily-Soleil le bras bandé retrouve, entre deux petites plaintes, sa joie de vivre et ses sourires. Elle arrive même à chantonner dans l’auto, bien installée dans son siège sur le chemin du retour. Je réalise à quel point la voir souffrir m’est insupportable. Je ne peux imaginer l’enfer que doivent vivre les parents d’enfants gravement malades.

Nous passons acheter un médicament à la pharmacie du coin. En chemin, l’on découvre que la rue principale est en fête. C’est la foire des trottoirs, un orchestre joue de la musique country, c’est très champêtre. Le "centre ville" de St-Raymond a été rénové voici quelques années, sa rue principale a un petit look western qui me charme à chaque fois. Nous décidons d'aller faire un tour de ce marché aux puces à ciel ouvert, histoire de nous changer les idées. À cheval sur les épaules de Juan, l’enfant en pyjama et bras pansé domine l’horizon. Je m’arrête à une table pleine d’habits d’enfants. Je lis que les ventes sont au profit d’une petite fille malade. Je reconnais des marques de France dans le vrac des vêtements en vente. J’en parle à la dame qui m’accoste, elle est française et locale, ce n’est pas courant! Je comprends vite que c’est la mère de la petite fille dont j’ai lu l’histoire sur le panneau qui décore cette table. Océane est handicapée cérébrale due à une erreur médicale à l’accouchement. Elle me raconte son histoire qui a bien vite fait de remettre en perspective notre bobo du jour. Elle me parle des nouveaux traitements onéreux qui se font à Montréal. Je lui offre toute ma sympathie. Je ne peux qu'admirer cette mère qui me touche. J’achète pour dix dollars d’habits. J’en ai d'ailleurs pour mon argent, des tee-shirts, des bodys, un pantalon, un sac plein! Je rentre à la maison pleine de gratitude. Lily-Soleil s’est fait une blessure d’enfance mais elle a un avenir prometteur devant elle. C'est une chance que nous ne pouvons ignorer. Plus que jamais je ressens ce vif devoir envers son existence, cette sensation intense de responsabilité parentale. Y’a pas à dire, devenir parent, c’est toute une aventure…

Espérons que la semaine à venir ne sera pas trop rude et que la plaie guérira sans problèmes. Je pense à cette petite Océane dont les parents se battent pour qu’elle ait une mince chance de grandir normalement. En furetant la toile, je découvre même son blogue que je parcoure des yeux, le cœur serré…

L’homme et l’enfant se reposent dans notre chambre. L’inquiétude me barbouille encore l'estomac. Je maîtrise les élans de mon coeur perturbé. J’écoute vivre les oiseaux dans les arbres, j’entends un chien aboyer au loin, j’absorbe le quotidien qui s’écoule tranquillement. Voilà un sacré dimanche que l’on ne risque pas d’oublier!!!

1 commentaires:

Anonyme a dit…

It is a pity, that now I can not express - it is very occupied. But I will be released - I will necessarily write that I think on this question.