Dans le vent...
Une quinzaine de minutes après avoir quitté le village endormi au bord du grand lac gelé, l’on peut apercevoir Québec à l’horizon. Une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau nous sépare de la vieille capitale qui brille sous un ciel d’azur. En ce samedi, le soleil a enfin décidé de nous offrir quelques heures de bonheur. Emballée par sa lumière, pour la première fois depuis des semaines, je sors du bois pour aller respirer un petit peu d’urbanité…
Sur la route, je réalise que cela fait bien longtemps que je ne suis pas sortie du village! Quel merveilleuse sensation que de sentir les rayons de soleil sur sa peau tristounette. L’on se ballade à l’air frais, Lily-Soleil est aux anges. Nous l’emmenons en ce paradis bruyant des enfants où elle peut faire l’acrobate sans danger. Cela lui évitera une autre balafre, comme ce bleu aux multiples nuances qui lui barre la joue, depuis qu'elle est tombée en faisant l'intrépide sur la table du salon. Dans le parking de ce gigantesque centre commercial, une manifestation de sports extrême se déroule en grande fanfare. Un hélicoptère brasse l’air et un spectacle de motocross bat son plein. Deux jeunes garçons en moto qui font des figures aériennes, les voir ainsi s’envoler me fait frissonner de tout mon corps. Lily-Soleil, dans les bras de son père, n’est guère rassurée. Que je la comprends! Elle finit par s’habituer. Les yeux écarquillés, elle profite du plein air, les parents que nous sommes devenus entourons d’affection ce petit bout de chou. Voici une journée qui ensoleille l’esprit miné de semaines grises et redonne du coeur à l'espoir...
Je trouve en chemin une paire de bottes de pluie roses qui font la joie de l’enfant. Elle les aime tant que dès le magasin, elle refuse de s’en départir. Elle me fait bien rire. Son père s’exclame : « C’est tout sa mère ça! » Que dire! Je ne peux que sourire, moi qui adore collectionner toutes sortes de souliers, je comprends la pulsion et je suis pas mal fière de ma fille…
Dimanche pluie nous ramène aux normes de ce mois d’avril des plus monotones. Lundi commence la semaine avec une dizaine de centimètres de neige mouillée. À peine réveillée, je jette un coup d'œil par la fenêtre pour découvrir de gros flocons vaporeux et une grise atmosphère. De fortes rafales de vent secouent la forêt qui tangue. Le temps que Juan parte au bureau et la neige s’est transformée en épaisse pluie. J’entends aux nouvelles que des dizaines de milliers de foyers sont privés d’électricité dont plusieurs non loin de là. Nous sommes chanceux d'avoir l'élec….
À peine ai-je commencé à écrire cette phrase optimiste que « schpang » le courant tressaille, oh oh! En quelques soubresauts, il défaille! Nous voilà donc bien prises dans cette tourmente qui sévit sur toute la province. Lily-Soleil émet un « Hé hein gue? » étonné lorsque saute l’électricité. Je lui explique la situation, elle m’écoute avec attention. Bien calée sur mes genoux, elle regarde les rugissements du dehors avec l’envie de sortir alors que je contemple ce même paysage avec l’envie de dormir! Au loin, des coups retentissent, la montagne vibre. C’est un temps idéal pour les pendus qui dansent sur les tristes gibets de mon imaginaire!
Lily-Soleil ne quitte pas ses bottes de pluie. Alors que je brouillonne des pages blanches. Elle installe son fauteuil devant la table basse, y dépose son cahier attitré et gribouille avec volonté. Est-ce qu’elle a conscience de m’imiter? Bientôt son attention se détourne vers se livres de cartons et ma pomme tranquille. Le calme est aussi puissant que les rafales de vents qui déversent leurs torrents et transforme la rue en un festival de gadoue, plus communément appelée « sloshe » dans le langage local. Car présentement on baigne dans la sloshe, mélange dégeu de glace pilée bien fondante. De cet immonde mélange qui peut facilement éclabousser le passant imprudent qui s’approcherait trop près du flux des autos. Heureusement sur ma rue les autos se comptent sur les doigts d’une main, nous ne risquons pas grand chose à mettre le nez dehors! Encore faudrait-il que la mère de service ait envie de mettre le nez dehors par un temps pareil! La mère rechigne au grand désespoir de l’enfant qui ne demande pas mieux que de patauger gaiement dans la bouillasse de printemps! La mère se résigne, avale sa moue blasée et suit le petit bout de soleil qui rayonne sous la grisaille pluvieuse...
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