Berk de printemps (expression du jour)
Lily-Soleil toujours patraque mange mal, toussote, chouine, renifle, fatigue, crache, pleurniche et ronchonne. L’enfant patraque draine les énergies de sa mère qui prête toute son attention au petit bout grognon.
Le temps gris m'irrite. Il n’aide pas la morosité du jour, à un souffle de neige, le froid s’enroule autour du zéro et stagne. Une vraie teigne celui-là! Saison sangsue, décolle de ma vue!
Pâques tranquille s’est passé autour des demandes de l’enfant et du génie du ménage super content. Souder le couple pour mieux affronter les obstacles. Être parents. En réaliser toute la portée en un tourbillon de puissantes réalisations existentielles. Trouver le moyen d’en rire ensemble, aux éclats, jusqu’à sentir chauffer les abdos. Cacher pour chercher des œufs dans la neige.
Il doit faire près de -10 dans le vent, cela ne dure pas longtemps, juste assez pour que la petite fille s’empiffre les joues de chocolat. L’on découvre une petite gourmande en herbe. Patraque, elle ne veut rien avaler, lorsque l’on a essayé tous les plats santé qu’elle a refusé les uns après les autres et que l’on propose un carré de chocolat qu’elle avale d’une rapide bouchée accompagnée d’une petite danse joyeuse, l’on se dit qu’on assiste en direct aux prémisses de la gourmandise…
En plein dans le « berk de printemps », Lily-Soleil développe son langage et ses expressions. Depuis que son père l’a regardé amoureusement (alors que je venais de la coiffer de "lulus") avec un « whaaaa » époustouflé, elle n’en finit plus de recycler le son en question. Mais toutes catégories confondues, c’est le « berk » (avec variance de beurk, eurk et yeurk) qui l’emporte. Je dois avouer que c'est mon expression favorite lorsque vient le temps de changer des couches aussi pleines qu'odorantes. Surtout qu'une fois sur trois je mets un doigt dedans et que j'en vocifère joyeusement! Berk! Elle l'assaisonne au quotidien, le maitrise avec brio et n’en finit plus de nous étonner. En grande séance de ménage, je me transporte dans les entrailles du placard où résident des petits chatons aux yeux ronds. Je change leur "couche". Je sais qu'il faut faire bien attention car les tréfonds de placards sont des lieux de prédilection pour les monstres de l'imaginaire et les oubliés du bordel.
Après une lointaine exploration, je découvre dans la pénombre quelque chose qui ressemble à une feuille morte. Ne prenant aucune chance, j’attrape un chiffon pour récupérer le petit truc inoffensif. Je n'y vois rien de précis, je sors une fesse du placard et je regarde le truc noir, complétement desséché, mince comme une brindille et long de deux ou trois centimètres, je ne suis pas sure de comprendre tout de suite ce que je tiens dans ma main, est-ce un morceau de placenta? Mes yeux se posent sur le bout de la chose et finissent par distinguer le squelette d’une minuscule tête, « Pouah! » je m’exclame violement. La petite qui regarde avec attention mon remue ménage, m’observe d’un air appliqué. J’appelle Juan à la rescousse. Il passe la tête dans la chambre.
- Ah! Regarde ce que j’ai trouvé, c’est dégeu…
Je lui tends le chiffon qu’il prend et ouvre d'un coup, il lui faut une ou deux secondes pour percuter.
- Whashhhh! Ben j’imagine qu’elle en a eu 7 finalement!
- Mais il devait pas être viable, c’est ben d’trop p’tit!
- Non, il devait être mort bien avant de naître! Heureusement que tu l’as pas pris avec tes doigts, la tête se serait effritée dans ta main.
- Ahhh! Arrête, c’est horrible!
La petite est toute ouïe, elle attend une pause dans notre conversation pour exprimer avec conviction un magnifique « Berk! » tout à fait de circonstance. Nous nous regardons bouche bée et éclatons de rire devant la perspicacité de l’enfant chérie. Elle rigole avec nous. L’instant se partage, s’allége et passe. Dans le fond du placard, bien au propre, les petits chatons miaulinent, il y en a un qui est gras comme un cochon et un autre rachitique qui prend du poil, ils sont tous trognons. Je devrai bientôt les sortir de là, dès qu’ils commencent à s’aventurer, c’est à l’étage d’en dessous qu’il prendront résidence. Cela nous donnera l’occasion d’y aller plus souvent!
Ce soir, nous irons faire un tour de clinique sans rendez-vous située à 20km d'ici, l'approche la plus simple pour essayer de trouver un médecin de garde. Les médecins se font rares dans les parages. L'été dernier, au sein d'une petite ville reculée, à une trentaine de kilomètres du lac, selon les jours et les heures le petit hôpital était carrément dénué de médecins! La clinique du village d'à coté est si bondée qu'il est impossible d'avoir un rendez-vous en moins de quinze jours. Les heures de consultations libres sont minimes. La secrétaire acariâtre...
Se trouver un médecin de famille est presque un exploit de nos jours. Lorsque l'on y arrive, encore faut-il qu'il ne déménage pas et nous plante là! Enfin, au moins on a une certaine gratuité des services (il n’y a qu’à penser à la situation de nos voisins d’en dessous pour ne pas trop se plaindre, parce-que chez les ricains, si t’as pas une grosse bourse, perdre sa santé est bien souvent synonyme de ruine)! N’empêche que le système de santé québécois c’est pas rose tous les jours! Et comme je n'ai pas le goût d'emmener l'enfant à l'urgence pour une grippe, un rhume, une otite, une angine, des dents récalcitrantes? Nous voici, en tant que parents, confontés à une première maladie qui s'accroche. Autant courir après le docteur le plus proche, à vos marques, la chasse est ouverte...
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