Une petite puce de lac et un vilain petit canard…
Le soleil brille haut dans un ciel d'azur, le lac lisse comme un miroir, reflète le paysage tranquille. Après une semaine rythmée par des vagues de chaleur accompagnées de violents orages, le temps se stabilise au beau fixe. Une petite brise rafraichit l'atmosphère, le soleil nous enrobe de sa douceur, c'est une magnifique journée à saveur d'été.
Seules sur la plage, nous profitons de la beauté du jour. M’zelle Soleil fait des allers retours dans l’eau fraiche. Elle refuse vite de mettre sa « ceinture de sécurité », préférant la liberté d’avancer sans bouée. Un sourire au coin des lèvres, je la laisse faire. Je surveille ses allées et venues avec vigilance. Seuls ses petits pas qui s’enfoncent dans l’eau rident la surface bleutée.
Je remarque au loin un troupe de canetons qui caquètent bruyamment, j’en fais part à mon brin de fille qui lève aussitôt la tête. Sa curiosité est piquée. Malgré mes recommandations elle ne peut s’empêcher d’aller voir. Je la laisse faire. Je la laisse expérimenter. Les canetons se font la malle. Dépitée, elle revient vers moi au pas de course. Main dans la main nous retournons voir où est rendue la petite troupe. Nous les retrouvons au bout de la plage. Nous nous asseyons sur le quai de bois pour mieux les observer, ils sont juste là, à quelques mètres de nous. En un coup d'aile qui éclabousse la surface lisse une cane se pose sur l’eau. Nous contemplons la scène d’un même regard, je dis :
- Oh! Regarde, c’est la maman canard qui revient. Elle avait laissé ses petits tous seuls! Regarde, elle les appelle…
M’zelle Soleil écarquille grand les yeux, la bouche légèrement entrouverte, elle ne rate rien de l’action qui se déroule sous nos yeux. La maman canard rejoint la petite troupe de canetons qui se dirige vers elle. Nous les observons en papotant lorsque tout à coup la cane se fâche et s’en prend à l’un des petits qu’elle écarte vigoureusement du groupe. Je reste bouche bée comme ma fille.
- Ah! ben voyons, tu as vu? Elle a disputé le petit, elle avait pas l’air contente! Ben voyons!
- Vi, z'ai vu! Pas contente la maman, oh! Non! Pourpoi elle a puté le bébé canard?
- Ben je sais pas, peut-être qu’il écoutait pas bien sa maman…
- Oh! Non, tannante la maman canard!
Tandis que l’on jasouille sur ce sujet, la maman et ses petits nagent d’un coté tandis que le caneton, qui s’est fait rabroué avec force, part en sens inverse. Bientôt la petite troupe disparaît dans l'horizon limpide et le petit rejet tourne en rond sur l’eau. Il fait pitié à crier ainsi sans personne pour s’en préoccuper. M’zelle Soleil s’insurge :
- Mais maman, le petit canard, y pleure, t'entends y pleure fort…
- Oui j'entends…
- La maman est patie, elle a puté le canard et elle est pati, gade, maman il pleure le petit…
- Ben oui, c’est bizarre, voyons! La maman a laissé le petit tout seul, elle l’a disputé et elle l’a abandonné là!
Mon petit perroquet de fille qui m’imite comme un singe me répond :
- Ben voyons! Voyons! Oh! Non! Qué qu’on va fère maman?!?
- Hum, je sais pas, tu sais les petits canards ils ont peur des gens, si on essaie de l’attraper il va se sauver! Et puis peut-être que sa maman va revenir ou alors c’était pas sa maman et il a une autre maman qui va arriver…
Pendant que ma fille s’inquiète du sort de ce petit canard abandonné, j’essaie de la rassurer en lui cachant le pire. Qu'est-ce que j'en sais d'abord! Peut-être que le sort de ce petit être est déjà scellé. Peut-il survivre sans parent, est-il un vilain petit canard comme dans le conte pour enfants? Pourtant il n'a pas l'air d'un cigne! M’zelle Soleil ne connaît pas encore ces contes là et je ne me sens pas le cœur de lui en parler! J’essaie de la rassurer tandis que le petit chose tourne en rond, l’air perdu, en piaillant sans cesse. Il finit par se calmer et se poser le nez sur un morceau de sable tout en se laissant porter par l’eau. M’zelle Soleil me dit :
- Mais maman, il a plus de maison le canard?
Je souris devant l’association d’esprit de mon petit, un enfant sans maman n’a plus de maison, c’est l’évidence même. Comme il est midi et que l’on doit rentrer manger, je m’esquive en quelques paroles bien choisies :
- Ben, on va voir, on va revenir après ta sieste et s’il est encore là on essaiera de l’attraper…
- Okay, on va r'venir pis on va accraper le bébé canard, okay maman?
En mon fort intérieur, je souhaite que le petit canard retrouve le chemin de sa "maison" avant que je ne revienne. Juan voudrait faire une sacrée tête s’il rentrait ce soir pour trouver un caneton dans le salon! Sans parler des chats qui se ne penseraient qu'à le croquer tout cru! Et puis comment est-ce que l’on materne un caneton? Cela mange quoi à souper ses bêtes là? Non franchement, je n'ai pas vraiment le gout de m'embarquer dans cette expérience animale! Bref, j’emmène mon brin de soleil en laissant (lâchement) le pauvre petit canard à son sort incertain…
En rentrant à la maison, je réalise que nous sommes aujourd'hui vendredi treize et mes pensées convergent vers ce petit caneton esseulé qui a eu l’air de passer une sale matinée…
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