Entre trois gouttes de pluie
Avalée par le quotidien, je délaisse le virtuel pour mieux croquer le réel. Une semaine pluvieuse, entre deux orages, quelques éclaircies rappellent à l’été. Pour fuir la monotonie de la pluie et la voracité des moustiques affamés nous fuyons en ville retrouver mon ado de Clo. M’zelle Soleil grandit et ma petite sœur ne comprend pas la « bébé nostalgie » que ma mère et moi-même ressentons. Elle me dit : « Non mais vraiment c’est n’importe quoi, Lily est bien plus intéressante maintenant! J’comprends pas pourquoi vous capotez qu’elle grandisse vite, c’est cool moi j’trouve! » . Et c’est qu’elle a raison mon ado de sœur, au fur et à mesure que l’enfant grandit nous découvrons sa personnalité qui s’épanouit, elle devient autonome et c’est cool…
Une petite fille, aimante et aimée, profite de la vie que nous lui offrons. Au quotidien, l’amour est un flot qui nous emporte les jours. La petite enfance m’enchante, je n’y résiste point, incapable de m’en lasser, je couve ma fille d’attention. Je fonds sur place lorsqu’elle s’exclame en regardant son ado de tante : « Tsé ke j’tème toi! ». Sous sa carapace d'ado, Clo s'adoucit sous les yeux admiratifs de l'enfant. Il paraît qu’entre zéro et trois ans un enfant ne peut jamais recevoir trop d’amour. L’amour est le meilleur terreau de l’enfance. Je discute de ce concept avec mon amie Dee et je lui dis : « Ouais l’amour est le terreau, je plante des graines au quotidien et j'suis rendue de l’humus! ». Elle pouffe de rire malgré elle tandis que je grimace sous mon chignon ébouriffé. Il faut sérieusement que je pense à aller chez le coiffeur! C’est bien beau de me transformer en humus mais il ne faudrait pas non plus que je me décompose complètement! Heureusement que mon entraînement va bon train. La régularité de mes efforts raffermit mon corps qui se recompose, c’est déjà cela de pris. Pendant la sieste de l’enfant chez ma mère, je vais prendre une marche avec mon beau-père sur la promenade Champlain. En chemin nous rencontrons une marmotte et ses petits ainsi qu’un joli garçon qui me fait un adorable sourire. Mon beau-père me demande :
- Tu le connais?
- Ben non…
- Mais, t’as vu le sourire qu’il t’a fait!
- Ben oui, cela doit être le pilates qui me redonne des formes!!! J’sais pas, il était mignon par exemple…
- En tout cas, il t’a fait un sacré beau sourire dis don!
Une caresse flotte sur mon moral. Un sourire comme une caresse mentale. Bon, on ne va pas en faire un plat non plus, je suis loin d’avoir retrouvé la taille de mes vingt ans! Et puis mon mari est loin d’être vilain garçon, de plus il me sourit même quand j’ai l’air de rien! Mais quand même cela fait plaisir de récolter ce genre de sourire sur son chemin. Ma mère et son mari résident non loin du grand chantier qui a remodelé le Boulevard Champlain. Je dois avouer que si j’ai été sceptique au début des travaux, maintenant qu’ils achèvent, je suis charmée. J’aime bien l’originalité de ce bord de fleuve aménagé avec une certaine excentricité. Je n’ai pas encore eu le temps de m’y arrêter assez longtemps pour m'en imprégner mais cela ne saurait tarder.
Je vais chercher Juan au bureau, nous allons retrouver la petite chez ma mère. L’on passe par le boulevard Champlain revisité pour les grandes festivités du 400ième de la ville. Au coin d’un carrefour, j’aperçois les capes noires de trois pèlerins :
- Oh! Regarde, des pèlerins!
- Hein?
- Ouais, regarde c’est les pèlerins, Clo m’avait justement demandée si je les avais déjà vus! Regarde, ils sont là!
Juan écarquille les yeux. Les tensions qu’il ramène de sa journée de bureau s’estompent devant l'angle surréaliste de l’instant présent.
- Mais, c’est quoi le truc, pourquoi ils sont là, ils font quoi???
- Ben ils représentent les premiers pèlerins, ils animent le boulevard!
L’homme fronce des sourcils sans pouvoir retenir un sourire devant l’anachronisme de la chose. Je ris de le voir décontenancé. On a beau dire, on a beau critiquer, cette histoire de 400ième moi j’aime bien. Quitte à dépenser les sous des contribuables, mieux vaut s’amuser en beauté plutôt que de foutre son argent par les fenêtres de la guerre! Québec se fait toute belle, fière de son histoire, elle se fait la fête, c’est tant mieux! En arrivant à destination, je retrouve mon petit brin de fille. Sa Mère-Grand me dit qu’elle est allée faire pipi toute seule sans que l’on le lui demande. Je la serre dans mes bras tout en la félicitant chaleureusement, elle me dit : « Cé pake z’ai pensé à toi maman » pour m’expliquer le pourquoi de la chose. Je fonds comme un caramel au soleil. Nous nous échappons à notre quotidien parental en allant faire un tour du coté de La Lucha Unida. Je ne résiste pas à l’invitation de me sortir la tête de ma mamamitude. Un documentaire, une conférence, des visages connus et de la musique avec en vedette Tomas Jensen. À cette occasion, j’apprends que des grandes entreprises canadiennes exploitent de manière éhontée l’Amazonie et ses ressources minières et pétrolières, ceci bien évidemment au détriment de l’écologie et des communautés autochtones…
Mes neurones stimulés font des étincelles, il me semble que cela fait des lustres que je ne suis pas sortie! J'aspire cette bouffée nocturne qui fait un bien fou. Malheureusement notre condition parentale nous force à quitter la soirée avant que n’arrive Tomas Jensen. Légèrement déçue je suis, à reculons, mon homme vers la sortie…
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