Histoire de bille dans la cour d'enfance...
L’été dernier, M’zelle Soleil est partie à la découverte de son corps comme tous les bambins de son âge. Juan me dit alors : « Ben ça y est, elle a trouvé son bouton de plaisir! » Mi interloquée, mi amusée, mini choquée, je ne peux que constater cet état de fait. M’zelle Soleil expérimente avec brio les mécanismes de son corps. Comme toutes ses étapes d’éveil, elle passe celle-ci avec une grande facilité.
J'en discute avec une voisine. Elle me partage les pérégrinations de sa fille et nous échangeons sur le phénomène de mast… enfantine. Elle me dit que la sienne l’a fait longtemps, à tel point qu’à la maternelle, elle a dû sérieusement intervenir car elle le faisait même en classe! Même si je sais combien c’est un processus naturel, je ne sais pas trop comment je vais guider ma fille sur ce terrain miné. Je fais quelques recherches sur le sujet, tous les articles que je consulte expliquent clairement qu’il ne faut pas brimer la sexualité émergente de l’enfant. C'est un point avec lequel je suis théoriquement d'accord. Mais la théorie c'est une chose et la pratique c'en est une autre! Tout le monde sait qu'il n'est jamais si facile de mettre en pratique ses théories! Dans ce cas présent, il nous faut arriver à faire comprendre à l’enfant qu’elle a le droit de se faire du bien, que cela ne nous dérange pas outre mesure (l'on est loin d'être pudiques), pourtant ce n’est pas un comportement à caractère public. Tout un programme en notre société rongée par l'hypersexualité rampante. Enfin nous ne sommes pas rendus dans ces extrêmes avec notre brin de fille! M'zelle Soleil n'a pas encore conscience de la complexité du monde des adultes, ainsi notre programme actuel reste relativement simple...
Tout au long de l’hiver, je la prends régulièrement la main dans la culotte. Une fois sur deux j’ignore le fait, l'autre fois je lui demande simplement d’arrêter sans trop donner d’explications. Tant qu’elle ne me pose pas de questions, je m’abstiens d'élaborer sur ce sujet. Je ne suis toujours pas certaine de savoir sur quel pied danser cette ronde d'enfance. Durant ce temps, Juan finit par trouver l’expression appropriée à cette étape bambine : « Se rouler la bille ». C’est une expression que nous adoptons en souriant pour parler de ce concept ambigu. Une expression qui nous plait pour son coté plus rigolo que dramatique. Après tout, une certaine logique se dégage de notre cheminement puisque pour pouvoir communiquer avec l'enfant, il faut déjà savoir nommer la chose selon ses repères.
C’est en discutant avec ses collègues de bureau que Juan a accroché l’expression en question. L’une de ses collègues lui a dit en rigolant : « Ah, ben ça y est, ta fille se roule la bille!!! ». Il a trouvé cela drôle et sympa, j’ai trouvé que l’image n'était ni tendancieuse ni vulgaire, allez hop, l’expression est entrée dans notre maison. Nous en avions d'ailleurs bien besoin car la demoiselle pratiquait ouvertement le plaisir de ce sport d’intérieur! XXXZZZZiiiiinnnn, elle sait rouler à toutes vitesses avec un visage béat qui nous laisse (quand même) sur le carreau! Au printemps après que nous ayons passé une soirée avec des amis, Juan me dit :
- Hier, pendant que je la changeais, elle a commencé à se rouler la bille, les jambes écartées devant Phil et j’sais pas, j’ai senti comme une vibe de malaise, il était pas super confortable et moi non plus! Je lui ai dit que c'était normal mais il a eu l'air un peu sceptique! Il faut vraiment qu’on lui apprenne à ne pas le faire devant les gens, cela va vite devenir gênant…
- Oui, tu as raison, en plus c’est un comportement innocent qui peut se révéler dangereux. Mais c’est dur de lui faire comprendre tout ça. On ne veut pas l’empêcher ni lui dire que c’est sale mais c’est quand même limite comme truc, en plus avec l’été qui s’en vient, faudrait pas qu’elle le fasse devant n'importe qui…
Nous décidons d’embarquer à la vitesse supérieure sur ce sujet délicat. Je commence à lui expliquer subtilement qu’elle peut se rouler la bille dans sa chambre, dans son lit, dans le bain, n’importe où elle est seule et tranquille. Ce n'est pas un sujet évident à faire comprendre à une enfant de deux ans! Quelques jours plus tard, alors qu’elle s’exerce sous mon nez pour la énième fois, je suis fatiguée de me répéter, ma patience perd du terrain, je lui demande fermement d’arrêter de se rouler la bille une bonne fois pour toutes! Elle me répond alors avec une volonté d’acier :
- Cé ma bille!
- Oui c'est vrai.
- Moi z’ai le croit de la toucher pake cé ma bille!!!
- Oui, tu as le droit de la toucher mais quand tu es toute seule, t’es pas obligée de le faire dans ma face non plus!!! C'est tannant à la fin!
Elle sent mon mécontentement et arrête en boudant. Ce qui ne l’empêche pas de recommencer deux jours plus tard. Entre temps ma patience s’est rechargée, je lui explique calmement que je ne veux plus la voir se rouler la bille quand cela lui chante, sans réfléchir. C'est son droit personnel mais elle doit apprendre à choisir les moments où elle décide de le faire. Petit à petit, ce comportement s’atténue et même si je la vois encore se faire du bien par ci par là, tant que cela n’est pas ouvertement, je fais semblant de ne pas voir.
Petit à petit, nous nous raffermissons sur le sujet et nous acceptons de moins en moins qu’elle se tripote "en public" (c'est à dire sous notre nez). Depuis quelques semaines nous utilisons l’expression moins fréquemment, c’est un signe qu’elle assimile ce que nous essayons de lui enseigner. Cependant dernièrement alors qu’elle se roule la bille en toute franchise et que nous lui demandons d’une même voix d’arrêter, elle nous regarde et nous dit :
- Pourpoi c’est berk?
- Heuuuuuuuuu…
Nous restons surpris par cette question pertinente. Jamais nous ne lui avions dit que c’était sale. Il m'est arrivé de répondre que cela n'était pas propre lorsque ses "pourquoi" me faisait tourner la tête. De plus lorsque ses menottes passent de la bille à la bouche dans la même minute, cela a tendance à me faire tiquer. Disons que cela froisse mes critères d'hygiène! Elle n'est pas folle ma petite scorpionne! Elle nous tient sous sa loupe.
Jamais nous n’avons voulu lui inculquer de connotations négatives sur ce processus naturel. Cela dit, à mettre des limites à la chose, elle aura fait ses propres conclusions, nous sommes loin d’être infaillibles. Juan prend la parole, il lui explique:
- C’est pas berk en soi, c’est juste quelque chose d’intime. C’est pas sale si tu le fais toute seule, c’est tes parties intimes, tu sais, comme Raphy quand elle a pris le bain avec toi et qu’elle a pas voulu que maman voit ses parties intimes, c’est un peu pareil, c’est tes parties intimes, et tu peux te rouler la bille quand tu es seule mais pas devant les autres…
Comme je ne trouve rien à ajouter pour l’instant je me tais. L’enfant médite sur les sages paroles de son père et l'instant s'efface dans le temps. La demoiselle passe à autre chose. Les heures s'imbriquent en un quotidien d'enfance en constante évolution et j'en surfe les vagues. Je sais bien que le sujet reviendra assez vite sur le tapis, on ne s’en sortira pas si facilement. Notre aventure parentale ne fait que commencer….
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