Du rêve à la réalité...
Je suis quelque part sur Terre, en vacances, il y a l’océan à deux pas. C’est évident que je rêve mais je n’y pense pas. J’ai entre les mains un superbe appareil photo que je maîtrise sans effort. L’humeur est légère. Je m’amuse à prendre en photo la pleine lune qui se détache sur le bleu du ciel. Dans mon objectif la lune est énorme, tout à coup, il me semble qu’elle tombe, je continue d’appuyer sur la détente tout en m’exclamant :
- La lune bouge!!!
Personne ne fait attention à moi. Je continue de prendre en photo la lune qui part à la dérive. Un terrible sentiment s’empare de moi lorsque je la vois se diriger vers le soleil. Je crie :
- La lune est devenue folle!!!
Avec une impression de ralenti, je regarde en version zoom la lune prendre une étrange direction, comme pour entrer en collision avec le soleil. Des sueurs froides perlent dans mon esprit. Et d’un coup, badaboom! Elle se fracasse contre le soleil qui éclate. Maintenant tout le monde regarde le ciel. Ma fille dans mon giron, mon homme dans mon champ de vision, je me lance à terre. Mon cœur est rempli d’une frayeur monumentale. Je me rappelle que je rêve. La destruction me passe sur la peau sans me blesser. Je me relève, ma fille accrochée à ma hanche. Je me rapproche de l’homme éberlué. C’est la panique. Il fait nuit noire. Dans ma tête des milliers de scénario de survie défilent en quelques secondes. Je pense à cette nouvelle planète que l’on a récemment découvert, tout n’est peut-être pas perdu…
Je me réveille avec la gorge serrée et cette impression d’apocalypse dans le cœur. Je raisonne mes frayeurs. La vision du soleil qui explose me poursuit inlassablement. J’en parle à Juan qui ne fait pas trop attention à mes pérégrinations matinales. L’enfant déjeune sans se préoccuper de ma pomme brouillée.
J’entraîne l’homme dans mes réflexions spatiales. C’est quand même une sacrée révélation que la découverte de cette nouvelle planète, supposément habitable, située dans une autre galaxie. Il m’explique l’incroyable distance qui nous en sépare. Je suis ignare aux chiffres. Il s’en amuse. Je réalise quand même que l’on n’est pas prêt de s’y rendre! J'en reviens à mon histoire de lune qui éclate le soleil. Que ferait la Terre sans lune ni soleil? Autour de quoi graviterait-elle? Lily-Soleil nous écoute attentivement. Je grommelle mes récriminations habituelles sur la station internationale et la connerie de Bush qui dépense des milliards à faire la guerre! Je conclus entre deux bouchées:
- Enfin, vu le niveau global de sagesse humaine, c’est peut-être mieux pour les étoiles. J’ose pas imaginer la destruction et pollution que l’on pourrait engendrer ailleurs. Sans compter tous les dangers que l’on peut même pas imaginer. Finalement c’est peut-être pour le mieux…
Malgré tout je ne peux m’empêcher de fantasmer sur l’exploration interstellaire. Que d’aventures et de découvertes vivrait l’humanité capable de se balader de galaxies en galaxies! Rien qu’à effleurer le sujet mon imagination s’emballe. Cependant je crois que j’ai trop de science-fiction dans la tête, il faudrait que cela sorte…
Hier soir j’ai passé un coup de fil à Manon, future gardienne. Mon ton était amical, nous avons convenu d’une rencontre pour mettre au point les derniers détails. J’ai raccroché, le regard humide, juste avant que mon angoisse ne soit perceptible dans ma voix. Juan me félicite. J’ai la nausée. Je m’assois. Il me parle gentiment. Il me rassure. Je bataille cette nausée qui insiste. Les larmes aux yeux, j’ai du plomb dans les entrailles, je respire profondément. C’est à peine si je comprends ces émotions que je m’attelle à maîtriser. Après tout, il y a tant des femmes, ma belle-sœur comprise, qui trouvent une gardienne avant même d’accoucher! Suis-je donc une extra-terrestre pour me sentir si différente?
Un pas à la fois. Je ne vais l’envoyer qu’une journée par semaine, ce n’est pas comme si je l’abandonnais! L’attachement que je ressens pour elle est incommensurable. Ma raison cajole mon cœur en vrille. J’ai maintes peurs. Compréhensif, l’homme me rappelle que j’ai aussi le devoir d’exister individuellement, d’avoir une journée à moi, pour me permettre de retrouver le fil de mes choses. Je le comprends mais j’ai bien du mal à l’assimiler. Je sais qu’il est bon pour l’enfant de socialiser avec d’autres (enfin ce n’est pas pour rien que je connais toutes les gamines du voisinage non plus!). Je sais que je dois recommencer à écrire plus sérieusement. Je sais que je dois reprendre les fils de la traduction pour aider à relever les finances de la maisonnée. Je sais…
La matinée s’ensoleille. Quelques nuages laiteux sur un ciel bleu, un air frais, pur, le lac m’appelle. M’zelle Soleil s’habille avec entrain. Chanelle sur nos pattes, nous prenons le chemin de la plage déserte. Le village est silencieux, en route, nous rencontrons un voisin qui nous salue et une connaissance qui nous fait signe de la main. L’on arrive au lac. Les derniers jours de pluie ont bien entamé l’épaisse couche de glace qui se morcelle inexorablement. Le vent souffle vigoureusement, il fait encore froid mais cela ne nous empêche pas de profiter du magnifique paysage qui s’étale sous nos pieds.
M’zelle Soleil s’amuse à mettre du sable dans l’eau. Elle s’aventure sur une plaque de glace qui craque. Je l’attrape par le collet pour la ramener sur le plancher des vaches. Chanelle patauge entre les îlots qui parsèment la surface liquide, elle semble chercher quelque chose, elle croque des morceaux de glace. Je respire à pleins poumons cet air qui me vivifie. Une petite heure plus tard, je rassemble ma troupe sur le chemin du retour. Nous rencontrons un inconnu qui nous demande si le lac a fondu. Sans m’arrêter, je lui réponds qu’on en est proche. Sourires complices. L’enfant est repu de plein air, le chien est comblé de liberté, entre lac et forêt, la vie peut être bien douce…
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