« C’est un bel encrier tout flambant neuf, rempli jusqu’au bord de bonne encre fraîche et claire. Oh ! le merveilleux liquide ! Comme il fera d’agréables éclaboussures sur de certains visages !
Et s’il coule facilement ! Il glisse sous la plume comme une gorgée de XXO dans le gosier du voisin….»
Jules Fournier. (extrait de Mon Encrier)
J’ai commencé ce matin Mon Encrier de Jules Fournier. Jules Fournier qui fit scandale à son époque, il sembla être très politique et critiqua ouvertement la société de son époque…
J’ai été l’emprunté à la bibliothèque de l’université. J’ai choisi un vieil exemplaire, aux pages jaunies et à la couverture brune et épaisse comme un livre de messe…
Je ne l’ai ouvert que ce matin. Et c’est avec une douce surprise que j’ai constaté que cet exemplaire renfermait à l’intérieur de ses pages une dédicace, formée de cette écriture d’une autre époque, toute fine allongée et en pattes de mouches. L’encre noire a verdi avec le temps et semble s’être imprégnée de l’age respectable de ses pages :
« À M. l’abbé Vachon, pour un …deux mots illisibles… un écrivain qui scandalisa certainement mais qui ne saurait manquer d’intéresser. Avec mes meilleurs vœux. Olivar Asselin. 29.12.32 »
Et ce messieurs Asselin est celui-là même qui composa ce recueil d’Écrits de Jules Fournier. J’étais toute émue, transportée quelques instants dans le temps…
J’ai donc commencé cette lecture avec la discipline d’un moine cistercien. J’y vais par 50 pages, petite pause pour souffler, et c’est reparti. Dans le fond cela ne fait que trois blocs de lecture, ça remplit un après midi maussade…
Mais la politique à grosses doses peut m’ennuyer profondément, alors un petit gavage de Fournier, c’est presque un chemin de croix ! Malgré tout, son ton coupant, concis, ironique m’amuserait presque si ce n’était toujours au sujet de la politique !
L’extrait ci-dessus ne reflète en rien le contenu du manuscrit ! C’est le genre de passage auquel comme je m’accroche comme à une bouée pour survivre à la traversée de cet Encrier…
Cet extrait, issu d’une de ces multiples lettres qui constituent le recueil, me plait beaucoup...
Cela date de 1922. C’est pas si loin quand on y pense, même pas 90 ans ! Dans l’histoire de la planète, c’est de la pacotille…
Et pourtant, voici une lettre, bien écrite, qui s’extasie sur la beauté de son encrier, qui est pour lui homme de lettres, son arme favorite et l’outil de son occupation quotidienne…
Nous voici maintenant en 2003 et c’est aujourd’hui l’ordinateur, le clavier qui a remplacé les encriers d’antan fidèles serviteurs des mots durant des siècles et des siècles…
Moi c’est le papier givré des cahiers Clairefontaine qui me fait chavirer. Ces cahiers de 100 pages à 8 $, luxe de l’étudiant sans le sou…
Même le crayon le plus inoffensif devient pinceau sur ces pages douces et chaleureuses comme la brise tiède d’une soirée d’été. Chaque mot devient une caresse…
Mais voilà aujourd’hui l’outil de prédilection c’est cette machine, bourrée d’ondes magnétiques et autres. C’est le véhicule moderne des phrases et des lettres…
Ouais! On a toujours pas de voitures intelligentes qui flottent au-dessus d’autoroutes modèles. Mais les mots semblent avoir trouvés une nouvelle façon de se déplacer qui aurait certainement fait chavirer l’imagination, pas hyper développée, i should say, de ce cher Jules…
Bon, mais c’est pas le tout, j’ai un autre bloc de Jules qui m’appelle….
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