lundi, juin 22, 2009

D'eau et de vie

6 comments
L'été est arrivé...

Picnik collage

Le village où je vis n'est pas tout à fait un village comme le veut sa définition: "Groupe de maisons à la campagne, plus petit qu'une ville, mais plus grand qu'un hameau, qui possède une mairie, des commerçants, des artisans". Autour de chez nous c'est plutôt la forêt que la campagne. Mon village c'est aussi un hameau qui se prend pour une ville...

Nous avons certainement un hôtel de ville qui est même rattaché à une minuscule bibliothèque (ouverte 6 heures par semaine). Le budget de la municipalité est loin de faire pitié. Pour tout commerçant, il y a un dépanneur... qui dépanne... Coté artisans, il y a un ébéniste. Et il y a aussi ma pomme d'artiste...

Ma pomme d'artiste photographe qui exposera, en juillet, pour la deuxième année à la galerie locale. Une petite exposition de trois semaines pour mes images de lac qui prendront leur place entre deux peintures. L'année dernière, l'exposition estivale avait coïncidé avec notre voyage en Acadie. Du coup, je l'avais raté. D'après ce que j'en ai su, mes photos avaient été parmi les œuvres les plus populaires. L'art abstrait avait fait fureur! Cependant, à part déposer et reprendre mes cadres, j'avais surtout brillé par mon absence. Cette année, je serai plus présente. En attendant il va me falloir choisir et encadrer une dizaine d'images...

Il y a quelques années, l'une de mes nouvelles (un conte fantastique ayant pour thème le lac et village) avait été publiée en un recueil collectif. Un jour, il faudra que je la ressorte de ma mémoire empoussiérée. Mais revenons à ce minuscule village qui me voit vivre depuis bientôt une décennie. Nous ne sommes que quelques centaines à y résider à l'année longue (environ 300) et quelques milliers à l'habiter durant l'été (presque 5000). Mon village est, en fait, un lieu de villégiature à une quarantaine de kilomètres de la ville de Québec. Situé en bordure du plus grand lac de la région, c'est une destination prisée pour les citadins aisés. Car même si c'est un lieu de villégiature, rares sont les touristes qui y atterrissent. Ici, l'on ne retrouve que ceux qui louent ou possèdent une résidence secondaire. Et depuis quelques années les résidences secondaires se transforment en petits châteaux. Désormais pour acheter une maison directement sur le bord du l'eau, il faut sortir quelques millions...

Soixante-quinze pour cent du village est composé de résidences secondaires. À l'origine, c'était essentiellement des chalets d'été, des chalets habitables durant les beaux jours mais complètement oubliés l'hiver. En mon village, ceux-ci font encore légion. Ma propre maison fut à la base un chalet d'été qui a été transformé en une petite maison de pierre de rivière. Une vieille dame m'a, un jour, racontée que dans les années trente, il n'y avait pas de route pour se rendre jusqu'ici mais il y avait déjà quelques chalets. À l'époque, il y avait quelques auberges et un hôtel qui accueillaient les visiteurs en quête de nature. C'était le terminus d'une petite ligne de chemin de fer qui passaient par le village voisin. L'hiver, il fallait venir par ses propres moyens, en motoneiges et raquettes.

Le tour du lac (d'une trentaine de kilomètres) ne possédait que très peu d'habitations si ce n'était quelques cabanes de pêcheurs. Il y avait même un morceau de forêt sans route. La route qui en fit le tour n'exista pas avant les années quatre vingt. Dans le passé, le village était le seul point d'ancrage pour profiter de ce magnifique plan d'eau niché entre des collines verdoyantes. Officiellement le village a presque soixante ans. De nos jours, soixante quinze pour cent du tour du lac est habité durant l'été. Le tour du lac est désormais régi par trois municipalités, la nôtre, celle de "Ville du lac" (500 habitants l'été, 150 à l'année) et celle du village le plus proche. Celui-là est, à mon avis, un vrai village comme le veut la définition...

Situé à cinq kilomètres du lac, il possède quelques milliers d'âmes, une épicerie géante, trois stations essences et autant de dépanneurs, six restaurants, un pub, un comptoir à Sushi, un cordonnier, une boucherie, une pharmacie, une clinique, une douzaine de coiffeurs et esthéticiennes, une école, une poste, une Coop. Depuis dix ans que je vis en ce coin de pays, ce village n'arrête pas de grossir. Je pense qu'il a presque doublé de volume depuis que je le connais. Il semble en constante expansion! Certains disent que dans le futur, si l'étalement urbain se poursuit, il pourrait bien être absorbé par la banlieue lointaine de Québec!

Ce qui me fascine parfois, c'est que plusieurs des habitants de ce village-ci (que l'on pourrait de plus en plus prendre pour un bourg) n'ont jamais mis les pieds en mon village. Certains savent à peine qu'il existe. Il faut dire que mon village est une bulle...

Une bulle d'eau et de vent qui flotte en parallèle de la société active. Il y règne une grande beauté naturelle. Une paix sidérale. Mais ici, tout l'été, le village se nourrit de purs citadins pour s'animer les jours. Ceux-ci sont tous en vacances, cela offre tout de suite une autre ambiance. Plus proche du Club Med que d'un véritable village. En soi ce n'est pas vraiment désagréable. L'atmosphère familiale est géniale pour les enfants qui vadrouillent en toute sécurité. Tout le monde sourit...

Picnik collage

Ce qui n'est pas toujours agréable par exemple, c'est la transition que les locaux (ceux qui vivent ici à l'année comme moi) doivent effectuer avec les beaux jours. C'est accepter que l'invasion a commencé. Accepter de ne plus se sentir autant chez soi que l'on en aurait envie (ou l'habitude). Subir la dictature des règles estivales. Ne plus pouvoir emmener mon chien se baigner. Devoir lui trouver une laisse. Supporter les gardes qui patrouillent la plage aux airs de méditerranée. Supporter les rondes de ceux qui patrouillent en petite voiture blanche et qui passent sur ma rue boisée quatre fois par jour (parfois en beuglant à l'aide d'un micro les activités à venir). Cette petite auto blanche est, généralement, la seule voiture qui passe devant chez moi...

Ces jeunots vêtus d'uniformes bleu qui me font toujours penser à des espèces de stroumphs. Je préfère en rire qu'en pleurer! Ce sont de jeunes gardes qui se retrouvent en position d'autorité afin de faire respecter les règles estivales. Cela fait quelques années qu'ils surveillent le paysage humain. Car l'été, c'est vrai que le village se met à vibrer. Les tondeuses rugissent. Les bateaux bourdonnent. La plage municipale devient le lieu d'attraction pour tous ceux qui ne possèdent pas le privilège d'habiter au bord de l'eau. La plage de sable doux, large d'une quinzaine de mètres et longue de plus de cinq cent mètres se transforme alors en place centrale. Une plage où tout le village papote et barbote. C'est aussi une entrée de voie nautique avec des airs de parking à bateaux mais c'est une autre histoire...

Les gardes bleus sont une petite douzaine, tous dans la vingtaine, certains plus sympas que d'autres. Certains pour qui l'autorité monte à la tête et d'autres qui restent cools. L'été, chaque entrée de la plage municipale est gardée. N'y rentre pas qui veut. Pour profiter d'un carré de sable, il faut montrer patte blanche. En soi, c'est logique puisque l'endroit est déjà assez surexploité comme cela, il faut limiter les dégâts. En pratique, c'est particulier...

Dans un sens, je fais moi aussi partie d'une certaine garde. Une garde verte. De ceux qui se battent pour préserver la nature de l'endroit. De ceux qui pensent qu'un lac, cela se protège plus que cela ne s'exploite. Mais ceci est le sujet d'un autre billet...

Woman Nature

6 commentaires:

Beo a dit…

C'est vrai que c'est assez particulier, heureusement qu'il y a la contrepartie à la fin de l'été et que tout redevient calme ;)

vieux bandit a dit…

Deux heures par semaine, ici, la bibliothèque! Et un seul magasin, le général qui se dit dépanneur.

Il y a une municipalité un peu comme la tienne (en plus gros) pas loin d'ici, et c'est en connaissance de cause que je l'ai évitée au moment d'acheter. Ici, pas de gîte, pas d'auberge. Un camping, mais assez loin de chez moi (ouf). Les "résidents secondaires"? Non merci! Même quand je voyage partout au Québec, j'évite les touristes autant que je le peux!

Etolane a dit…

Beo, oui bien particulier. Enfin moi je privilégie la plage la matin et le soir. Cela reste calme. Ce qui est paradoxal, c'est que les gens qui viennent en vacances trouve le village super calme... Mais ils n'en connaissent pas toute la profondeur une fois leur départ...

Vieux bandit, c'est aussi autour d'un lac? Peut-être que certains du village d'à coté nous évite aussi, c'est pour cela qu'il n'y monte jamais! ;) Ce qui est étrange, c'est que ce ne sont pas vraiment des touristes qui envahissent le village, c'est des familles citadines habituées à la place. Plusieurs viennent passer l'été ici de générations en générations... Et le "bourg" le plus proche de chez toi il est loin?

Caroline (La Belle) a dit…

C'est bien qu'il y a des gardes pour la plage pour contrôler les accès. Ça doit être effectivement bizarre de voir des gens venir relaxer ici alors que pertinement vous, les résidents ne relaxer plus lorsqu'ils viennent... Paradoxal !

MCJ a dit…

Quel village merveilleux. Quel lac, quelles lumières, quelles saisons... Je tombe tout à fait par hasard sur votre blog. Tout cela est tellement beau, paisible, cela semble presque irréel. C'est la belle rencontre de ma journée. Je reviendrai. Merci.

Etolane a dit…

LA belle, oui c'est un vrai paradoxe, un peu comme lorsque moi je vais passer 3 jours à Montréal pour me changer les idées! Seulement lorsque je me perds dans une grande ville personne n'y voit de différences alors que lorsque les citadins viennent se perdre en mon village, je ressens bien leur présence...

Merci Martine, c'est vrai que c'est avant tout un petit paradis. Lorsque je vois le chaos qu'il peut avoir dans le monde, je me dis que je vis dans un univers à part. Au plaisir de la toile :)