De lune et d'étoiles
Je n’aime pas les nouvelles lunes, elles me perturbent. Les nouvelles lunes qui font les nuits obscures me rendent insécure. En faisant quelques recherches sur le sujet je tombe là-dessus : « L'une des conséquences les plus répandues de la nouvelle lune, c'est qu'elle fragilise les personnes qui y sont réceptives. Si c'est votre cas, vous risquez de vous sentir nerveux, angoissé, ou même de mal dormir, sans aucune raison apparente. Inutile de vous prendre la tête pour essayer de comprendre ce qui vous arrive … c'est probablement l'effet de la nouvelle lune ! Pour le savoir, soyez juste attentif ces prochains mois : si ce mal-être se manifeste toujours à la même période, vous saurez à quoi vous en tenir ! (source)»
C’est en effet quelque chose que j’avais remarqué au fil des années, je ne suis pas tant sensible à la pleine lune qu’à l’absence de lune. Les pouvoirs de la lune sont impénétrables. Comme ces deux phénomènes ont une influence sur les marées pourquoi ne pourraient-ils pas influencer les courants de mes humeurs? Je repense à mon amie qui travaille dans un centre pour femmes battues. Elle me dit : « C’est fou comment pendant la pleine lune on a plus de job! C’est toujours pareil, à chaque pleine lune, cela dégénère chez quelqu’un! ». L’on parle beaucoup des effets de la pleine lune mais j’entends rarement parler de ceux de la nouvelle lune.
Durant la dernière pleine lune un évènement en particulier m’a d'ailleurs choquée: la disparition prématurée de ce garçon qui donnait des frissons à ma féminité. J'ai peu d'acteurs fétiches en mon coeur. Pourtant c’est vrai, j'avais Heath. Celui-ci me faisait toujours frémir, il me faisait rêver comme peu d'acteurs arrivent à le faire. D'une façon irréelle je l'aimais. Il avait l'âge de mon homme et je voyais une certaine ressemblance entre lui et Juan. Sa fille n'avait que quelques jours de différences avec la mienne. Sa fille est tout son portrait, la mienne est tout le portait de son père! Je ne sais pas pourquoi mais il faisait vibrer en moi une fibre sensible. Si j'avais voulu emmener un fantasme sur une île déserte c'est lui que j'aurai choisi! Complètement perméable à son charme j'étais. Heath possédait ce petit quelque chose de spécial. Sa mort m'a percutée plus que je n'aurais pu l'imaginer. Elle a touché quelque chose qui n'a rien à voir avec le monde réel. Sa mort m'a révoltée. J'ai ressenti une drôle d'impression, un peu comme si l'on m'avait enlevé quelque chose qui me faisait du bien. Sa mort m'a énervée aussi car tout de suite j'ai pensé qu'il ne l'avait pas fait exprès mais qu'il l'avait fait quand même. Mais qu'avait-il fait au juste pour trépasser ainsi? Peu le savent. Certains s'en doutent. Plusieurs disent qu'il bataillait ses démons, d'autres affirment qu'il était en pleine dépression. Est-ce que la tristesse peut tuer un si bel homme? Et puis quelle tragédie pour sa toute petite fille devenue orpheline de père. Mon homme ressent ma peine sans la partager. Il me dit:
- Vous les femmes, vous êtes toutes pareilles. C'est juste parce que tu te dis que tu aurais pu le sauver!!!
La pertinence de sa remarque me frappe. C'est vrai que l'on veut trop souvent sauver ces hommes qui baignent en plein mal être! Ces hommes qui nous plaisent de par cette intensité qu’ils dégagent. Enfin, moi qui ne suis pas blonde pour un sou, je ne me fais pas d'illusion, jamais je n'aurais pu l'aguicher! Mais dans l'absolu j’aurais bien aimé échanger avec lui (et plus si affinités). Quelques jours après sa mort, je ressens le besoin d'écrire, je laisse couler cette histoire malgré moi. Cette histoire qui me hante comme le fantôme qu’il est devenu. Je sais que je fais le deuil d'un fantasme. Je me donne la liberté d’écrire pour exorciser la triste sensation qui me poursuit. Je n’aime pas trop jouer avec les morts. Je dirais même que je n’aime guère jouer avec ce genre de trucs. Mais avec Heath c’est plus fort que moi. En parcourant la Toile, je me rends compte que je ne suis pas la seule à être triste. Y'en a même qui pleurent! Ce qui n'est pas mon cas. Je ressens une tristesse mais cela ne se transforme pas en détresse! Faut pas exagérer non plus. Ce n'est pas comme si je le connaissais pour vrai, ce n'est pas comme si je l'aimais vraiment…
J'ai conscience qu'il y a des milliers d'inconnus qui meurent sur la planète chaque jour, des milliers de situations tragiques qui se déroulent sans que cela ne pénètre ma bulle. Pourquoi donc est-ce que sa perte me peine tant? Je réalise que c’est parce qu’il me faisait du bien, il me faisait vibrer de l’intérieur, à travers ses films il me touchait le cœur. Il me faisait rêver en plein éveil. À certain point, un point hollywoodien, il faisait partie de ma vie. Jour après jour, je saoule mon homme avec ça, je m’en excuse tandis que je le bassine Heath par ci Heath par là. Il me répond :
- Ben je t’en veux pas, déjà que t’étais saoulante dès qu’on le voyait dans un film! C’est un peu normal que cela te fasse de quoi maintenant qu’il est mort, vu comment il te faisait de l’effet de son vivant!!!
J’aime tant mon homme qui me comprend. Je regarde jouer ma fille et je pense à cette petite fille qui ne reverra plus jamais son papa qui l’aimait. Je sais bien ce que c'est que de vivre sans père. Je regarde mon homme jouer avec ma fille et je me dis qu’on a bien de la chance d’être si heureux, d’être ensemble, d’être en vie. Je préfère vivre cela plutôt que n'importe quoi d'autre. Vivre ces moments là m'est plus enrichissant que tous les millions de dollars que je pourrais accumuler sur un compte.
Je garde au fond de moi cette subtile impression que ce garçon, que je ne connaissais qu’en illusions, aurait lui aussi voulu connaitre ces instants paternels, ces moments d'intimité familiale qui tournent autour de l'astre enfantin. Il aurait voulu être le père que ma fille possède. Il aurait voulu tenir cette place dans la vie de la sienne. Il n’y a pas réussi, il a échoué sur ce plan familial même s’il a réussi à briller sur un plan international. Il aura vécu une vie exceptionnelle mais une vie trop courte. Je devrais écrire d’autres histoires mais celle-ci, au fil des jours qui passent, me poursuit.
Je capitule et je laisse s'écouler des mots qui deviennent fiction, ces mots, fruits de mon imagination, sont librement inspirés de faits réels. Je travaille plusieurs heures sur cette intrigue. C'est la première fois que je suis une telle inspiration! Je ne sais pas trop quoi faire de cette histoire pseudo surnaturelle. Même si je sais que je pourrais la travailler davantage, je n'en vois pas le but ultime. Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, comme une larme l'irréel.
Depuis que j'ai fini de d'écrire cette histoire qui a jailli malgré moi je ressens le besoin de m'en détacher, le besoin de m'en libérer. Je ne veux pas l’insérer ici. Elle n’est pas dans les saveurs de ce jardin de Toile. Alors il me revient une idée qui macérait depuis des lustres. Une idée que j’avais déjà expérimentée aux débuts de ce carnet en rangeant ailleurs mes brouillons de nouvelles . Je décide d’ouvrir une annexe virtuelle. Un coin sans prétention où ranger ces fictions que je ponds par ci par là…
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