En transition,
Le froid qui cryogène mes jours me pousse à une intime introspection. J’ai recommencé à écrire de la fiction, j’ai recommencé à regarder aller tout le « houpla » littéraire. Je n’ai pas encore décidé de reprendre la traduction. Je me détache avec peine de mon enfant sereine. Autonome, ma profession quelle qu’elle soit se doit d’être de la catégorie des travailleurs autonomes. Je suis pigiste dans l’âme et auteure de cœur. Ma liberté intérieure est plus puissante que toutes les tentations matérielles. J'ai la solitude comme fidèle collègue...
Depuis deux ans, je suis Maman (dans un premier temps en convalescence puis pleinement consciente de ce quotidien dédié à mon bébé, de cette vie de couches et de biberons qui élève le petit être vers une autonomie de fond). Deux ans tournés vers ma fille qui est désormais bien autonome. M'zelle Soleil a aussi besoin de se frotter aux autres. Vigilante, je la laisse aller expérimenter sa vie. Deux jours, avec d'autres enfants, chez Manon et depuis peu une journée chez sa grand-mère avec qui elle va à la piscine. Elle me manque plus que je ne lui manque. Même si pour la première fois de sa vie, elle commence à ressentir mon absence. Je le sens dans cette nouvelle affection dont elle me caresse tendrement, elle me serre plus fort, elle me câline plus souvent et l’on dirait bien qu’elle commence à apprécier ma compagnie plutôt que de la trouver acquise. Quant à moi, je dois désormais retrouver mon autonomie personnelle.
C’est avec des bouffées de froid arctique que je planifie mes mois à venir. Accompagnée de ce froid glacial, je me reconstruis. Ce froid incroyable, celui qui dépasse facilement la barre des -20 est une entité en soi. Connaitre ce type de froid est à mon avis une expérience terrienne qui renforce et humanise à la fois. Par une étrange circonstance que je ne comprends guère, l’intensité du froid m’éloigne de l’ordinateur. Plus il fait froid et moins j’ai envie de m’asseoir pour me « virtualiser » la pomme. L’écran me donne soudainement des boutons, je ne désire que l’éviter. Je ne supporte que « Word » et sa page blanche...
Les températures remontent, il fait -10 au soleil, c’est presque doux et c’est définitivement agréable. La fin de semaine à été superbe, une petite fête à la maison en soirée de samedi, beaucoup de chaleur humaine, des rires et de partage. Beaucoup d'amour entre lui et moi. Une petite fille pleine de bonheur et de caractère. Mon amie Dee s'exclame "Vive la vie" à chaque fois qu'elle passe du temps avec Lily. Cet enfant respire la joie de vivre qui émane de toutes les vibrations de son petit être. Je me sens honorée d'être sa mère. Lorsque je la regarde exister si joliment, je ressens l'envie de donner naissance à un autre petit être issu de notre amour consommé. Et puis je n'aime pas trop l'idée d'en faire une enfant unique...
Aujourd’hui j’ai décidé de prendre l’auto. Nous avons déposé l’enfant chez Manon, j’ai déposé l’homme à son bureau en ville. Sur le chemin du retour je me suis arrêté à ce centre où je sculpte les détails de ma chair. Commencer la semaine en se bottant bien les fesses de plus en plus dures, c’est une bonne manière de se prendre en main. Enfermée dans une bulle musicale, j’offre à mon corps le respect qu’il mérite en le malmenant volontairement. Après plus d’une année disciplinée à faire des poids et du cardio, je possède désormais une musculature de fond qui m’épate. Mon endurance grandit et mes douleurs changent de forme. Peu à peu je retrouve le goût d'être belle.
Contre toutes attentes, ces nouveaux muscles commencent à chuchoter sous ma peau. Ils aiment brûler la graisse qui les entoure, ils y prennent en malin plaisir que j’approuve. Entre mes muscles et ma tête, une nouvelle relation se développe. Désormais si je ne vais pas assez m’entraîner mes muscles me font la gueule, ils me minent subtilement le moral, ils réclament leur dû d’efforts et de sueur. Puis à ma grande surprise ils me remercient en accentuant mon bien-être lorsqu’ils sont satisfaits. Mon corps est en pleine transition. À ce rythme là il aura bientôt vaincu la bête de graisse qui l’a transformé en un coup de grossesse. Mon corps combattant s’en trouvera amélioré avec juste la peau du ventre un peu fripée. J’aperçois la lumière au bout du tunnel. Je vois se rapprocher le but sans trop savoir sur quel pied danser.
De plus en plus souvent, Juan me parle d’un petit frère ou d’une petite sœur pour M'zelle Soleil. Il sait qu’il est hors de question que je ne soumette mon corps à une nouvelle grossesse tant que celui-ci ne sera pas au top de sa forme. Plus l’homme voit que je m’en approche, plus son envie de bébé se fait ressentir. Plus je le trouve mignon et touchant, plus il me fait craquer et plus j’ai envie de féconder! Plus je m’approche de mon objectif santé et plus j’arrive à concevoir l’idée de me relancer dans une autre aventure de gestation. Je ne suis pas une bonne pondeuse, je doute que la prochaine grossesse passe comme une lettre à la poste. Et pourtant il semble que je fasse de jolis poussins! Certaines de mes copines se foutent un peu de moi, elles n’arrivent pas à croire que je peux m'entrainer de la sorte tout en sachant que c’est pour recommencer à grossir. Yep, l’ironie de la vie est un concept qui souvent me fascine…
Je ne veux même pas penser à ma carrière puisque l'idée d'un autre enfant met obligatoirement celle-ci en suspension. La traduction me glisse entre les doigts comme une anguille enduite d'huile d'olive! Heureusement que l'écriture vit dans une autre dimension d'existence qui cohabite sans trop de mal avec mes choix de vie. Enfin on va au moins essayer de garder la traduction vivante en mes sens, afin que je puisse la chevaucher de nouveau d'ici que "mes" enfants soient rendus à l'école. En ces mots l'avenir aspire mon présent, je me secoue les puces en délire.
Comme le soleil brille avec passion et que pour une fois je ne suis pas à pieds, je vais en profiter pour aller capturer des effets de jour et de glace en ce palais de froid qui me réconcilie avec les rudesses de l'hiver. À suivre…
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