lundi, novembre 19, 2007

M’zelle Soleil et les chevaux

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M’zelle Soleil et les chevaux

Peut-on nourrir une passion dans l’œuf? Doit-on nourrir les passions dans l’œuf? Quel est le pouvoir d’une passion? Comment reconnaître la passion qui s’éveille?

Je crois que les enfants ouvrent les perspectives des parents et peuvent ainsi les transporter en des dimensions vers lesquels ils n’auraient pu se diriger seuls. Mon amie Dee est une passionnée de chevaux, depuis des années que je la connais, j’effleure régulièrement cette passion qui la fait vibrer si profondément. Je n’ai pas la passion des chevaux. Elle et moi nous retrouvons régulièrement autour de la passion des mots mais rarement autour des chevaux. Ceci était vrai avant l’arrivée de Lily dans nos vies. Je me souviens de la fois où je lui ai appris que j’étais enceinte. Nous étions au cœur du quartier général d’Impact Campus. Cela grouillait autour de nous. Je me souviens de l’expression sur son visage, entre surprise, joie et je ne sais quoi d’autre. Je me souviens que sa réaction m’avait fait réalisé bien concrètement toute la portée de ma nouvelle fraîche. Miss Dee a été la première de mon entourage à voir ma fille. M’Zelle Soleil avait à peine quelques heures de vie la première fois qu’elles se sont rencontrées. C’est d'ailleurs Miss Dee qui a annoncé la naissance de l’enfant en ces eaux virtuelles…

Miss Dee est un tourbillon urbain qui balade son train de vie effréné entre Québec et Montréal. Mais c'est aussi une amoureuse des chevaux. Il y a quelques mois, elle me proposa une sortie à l’écurie avec Lily. Par hasard ou par destinée, elle s’occupait dans le moment d’une jument pas trop loin de chez nous. Nous arrangeons donc une sortie bambine. Je ne m’attends pas à grand chose si ce n’est à divertir ma fille en lui présentant des animaux qu’elle n’a pas l’habitude de côtoyer. Mais là, dès les premières minutes, il se passe l’une de ses irrésistibles magies enfantines. Non seulement M’zelle Soleil n’a aucune peur mais le courant passe si bien avec Miss Dee que je me sens presque tenir la chandelle! Je les regarde brosser la douce jument. Je me plonge dans le regard de cette jument qui déprime. Si je n’ai pas d’attirance particulière pour les chevaux, j’apprécie cependant cette intelligence qui se dégage de leur regard vitreux. L’enfant court après Miss Dee comme un petit chien aux anges. Leur bonheur au contact de l’animal est palpable, il me touche. La petite demande à s’asseoir sur le cheval. Nous la posons sur le dos de Ponyta et là, quelque magie se passe encore, une magie qui irradie le visage de mon enfant. Est-ce la lumière de la passion que je vois briller en ces yeux innocents?

Au fil des mois qui suivent, nous nous arrangeons avec Miss Dee pour lui offrir la possibilité de mieux connaître les chevaux, M'zelle Soleil en demande toujours plus. Elle me parle de chevaux tout au long de la semaine, elle les appelle les « tschikitikitis »,. Elle m’explique comment elle veut s’asseoir dessus. Elle me demande où est Miss Dee?

- Maman, Tskitikiti? Assis tsikititkiti maman? Yé où Dee maman? Tshikitikiti!

Petit à petit, je sens que je m’ouvre à cet univers que j’ai connu petite mais qui ne m’a jamais passionné. Miss Dee et M’zelle Soleil se retrouvent dans cette adoration de l’animal, cela m’émeut. Miss Dee aperçoit elle aussi les étincelles de passion dans les yeux de ma fille. Elle m’aide à nourrir ces flammes que je ne peux étouffer. Ma conscience maternelle me pousse à bien observer ce petit être que j'ai pondu. Je veux comprendre qui elle est. Je suis attentive à ses besoins et à ses goûts qui se dessinent au fur et à mesure qu'elle grandit. Il y a quelques semaines de cela, nous nous rendons un vendredi soir à l’écurie. Il est tard, la petite fatigue mais ne se plaint pas trop tant elle veut monter sur le cheval. Elle prend son mal en patience le temps qu’arrive son tour. Finalement là voilà bien posée sur sa selle. En complète harmonie avec l’animal qui la porte, le petit bout de chou rayonne de plaisir et de fierté conjuguée. Elle s’exclame à chaque fois qu’elle croise un visage sur son passage : « C’est Lily assis, Lily assis! ». Le visage lui sourit. L'on fait des tours de manège. L’enfant sérieuse ne veut plus descendre de son pied d’estale. La passion qui la parcoure est palpable. Elle me trouble. La nuit qui suit, ses rêves la réveillent, lorsque son père la prend dans ses bras, elle murmure d'une voix embuée de sommeil: « Encore Lily assis. encore assis! »

Ce petit bout de nous m'impressionne et m'hallucine à la fois. C'est une petite fille emplie d'une intensité débordante. Cela promet! J’en parle à son père qui ne comprend pas bien mes impressions mais qui remarque l’intérêt de l’enfant pour cet univers qui nous est étranger. Pendant ce temps Miss Dee continue de nourrir sa propre passion et coure les chevaux comme elle coure les villes (sauf que les chevaux l’emportent en des sentiers qui l’éloignent de la ville). Je lui suis reconnaissante de ce qu'elle partage avec ma fille. C'est une amie qui pénètre profondément mon coeur. Dimanche, nous la retrouvons au fin fond de nulle part, là où le silence règne en maître. Nous la retrouvons en une autre saison, au lendemain d’une bonne tempête de neige.

My creation

Alors que nous quittons Montmagny, en quelques kilomètres à peine, l’on se retrouve bientôt au milieu d'un royaume d’hiver. La route se fait plus traitresse. Les arbres ploient sous le poids de la neige, tout est blanc, immaculé. Le ciel grisonnant semble vouloir se dissoudre sous les rayons d'un soleil que l'on pressent derrière les nuages. C'est une expédition familiale. Au bout d’un long chemin, nous découvrons enfin la toute petite maison. Enterrée au fin fond de nulle part, Miss Dee s’occupe (quelques jours par semaine) de la dizaine de chevaux qui vivent en cet endroit. La propriétaire du lieu est en stage au Portugal. Notre amie prend le relais de ce petit monde durant quelques fins de semaines. Ainsi Miss Dee vogue sur l'océan de sa passion.

Nous la retrouvons en cette petite maison ancestrale qui a vu passer les siècles et qui exhale des rumeurs du passé. Un passé qui s'accroche au présent et embaume tout l'intérieur comme son antique poêle à bois qui nous protége du froid. Clara et avec elle cette fin de semaine. Voilà longtemps que nous ne l’avions pas vu. Clara poursuit son doctorat de philo avec une thèse sur la pornographie qui donne toujours lieu à d’étonnantes discussions. J'oublie les fossés des quotidiens qui nous séparent. Nous passons une belle journée en leur compagnie. M'zelle Soleil est en pleine forme. Les antibiotiques font leur travail. La maladie s'estompe. Dehors les nuages se dispersent et la lumière devient éblouissante. L’endroit est superbe de nature sauvage. La paix qui y règne est somptueuse.

Nous passons quelques heures avec Fée, une superbe jument aux voluptueux poils sombres. L’homme est pour la première fois en contact avec des chevaux et avec les étincelles qui pétillent dans les yeux de sa fille. Il se rend tout comme moi à l’évidence. Il se passe ici quelque chose d’étrange. L’enfant exprime un trait de sa personnalité propre. M’zelle Soleil semble si bien dans cet environnement que c’en est tout simplement craquant. Elle nous entraîne en ce sillon et nous découvrons un nouvel univers. Elle ouvre nos horizons et nous les savourons avec elle…

Elle sait maintenant dire cheval : « shval » et presque chevaux « vovau » mais elle continue à associer l’activité à « tschikitikiti ». Elle dit trot et galop. Elle a l’air d’avoir bien envie d’essayer le galot! J'en frissone rien qu'à y penser. Serait-il possible que nous assistions en direct à la naissance d’une passion? L’avenir nous le dira, après tout peut-être s’en lassera-t-elle aussi vite qu’elle y a accroché. Mais si ce n’est pas le cas, il sera alors de notre devoir parental de l’encourager à explorer cette direction. Même si cela me fait un peu peur…

Un dimanche à la campagne

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Très jolies photos prisent sous la neige (j'ai fait pareil avec mes chevaux et ânes) :)