Soleil, soleil, soleil
Ma belle-mère en quarantaine, les beaux parents vadrouillent et je retrouve ma normalité de lac. Le soleil est de retour, fort, puissant, éclatant sur un ciel bleu poudre. Qu'il est bon de retrouver un soupçon de chaleur estivale. Je m'en délecte les neurones...
Sur le chemin qui nous mène à la plage je remarque avec nostalgie que quelques cimes commencent à rougir, une fois arrivée sur place, je constate que les collines qui entourent le grand lac se teintent déjà de plusieurs touches jaunâtres. Il est nécessaire de profiter de chaque journée d’été qu’il nous reste, ce sont les dernières de la saison. Mes tournesols perdent leurs pétales. La lumière se transforme. Les jours raccourcissent. L'automne et ses subtiles mélancolies ne sont plus bien loin...
Le village s’est vidé de la majorité de ses vacanciers. Je retrouve mes habitudes sauvages. Je retrouve "mon lac" à l'état sauvage. J'aime voir grandir mon brin de fille entre forêt et horizon limpide.
Au coeur de cette nature généreuse, Lily-Soleil s’épanouit comme une fleur. Hier, accompagnée de la petite voisine, nous avons passé l’après-midi entre châteaux de sable et baignades. Les enfants s’amusent un temps ensemble, j'en profite pour me dorer la peau tout en les observant du coin de l’œil. Je prends toutes sortes de photos, je me vide le cerveau. La photo me sort les mots de la tête. J'aime mitrailler tout ce qui bouge, tout ce qui attire mon regard et j'ai un zoom d'enfer! Une dame à quelques pas de ma serviette se tourne vers moi et me demande :
- Est-ce que tu viens de me prendre là?
Je lui souris et répond avec un geste large qui englobe le paysage.
- Oui et non, j’ai surtout pris l’ensemble…
- Ah! Je comprends, de toutes façons je sais que tu ne fais que de belles photos...
- Oh! Heu, oui j’essaie…
Surprise, je réalise que je viens de tomber sur une autre inconnue qui me connait. Il faut dire que cet été mes photos auront connu une bonne circulation à l’échelle locale, sur les pages couvertures du journal municipal, dans divers pamphlets et sur un petit guide distribués dans le village par la Corporation du bassin versant et c'est sans compter toutes celles qui servent les besoins de l’association pour la préservation du lac. Mes images signées se baladent sur papier glacé. Ceci sans parler de mes implications écrites sur le site Internet de cette même association qui me fait rencontrer les personnes clés de la municipalité et quelques médias. Lorsque Keisuke, mon ami japonais est venu nous visiter avec mon amie Ves au début de l’été, il a été surpris par ces personnes que l’on rencontrait et qui venaient me parler de mes photos, de lac et d’environnement. Il s’est exclamé avec stupeur:
- Oh ! Etolane, you’re like a local celebrity…
Hum, il est vrai que je passe de moins en moins inaperçue! Disons que je préfère l’idée de personnalité locale, s'il s'en faut d'une image pour décrire ce drôle d'état. J’ai ce fond de timidité paradoxale qui ressort en ces situations. Cette timidité incongrue parfois me paralyse. C’est mon coté animal sauvage! Ce n'est pas pour rien que j'aime vivre en solitaire dans la brousse! Et puis, je n’aime pas trop l’idée de célébrité, c’est creux et insignifiant dès que l’on y réfléchit bien. Je préfère l’idée de participer à des causes publiques pour le bien commun tout en s’impliquant de sa personne…
En tout cas, cette dame qui me reconnaît sans que je la connaisse me renvoie à ce fait que je dois gérer à mesure que je réintègre la vie active. L’avantage c’est que cette dame accepte que je l'insère dans mon paysage tout en m’offrant une certaine confiance. Je vois qu’elle aimerait bien entamer une discussion. Mais je suis bien là avec les filles, tranquille, entre châteaux de sable et pilule dorée. Je n'ai pas vraiment envie de discuter, j’aimerai juste relaxer sans trop penser. Juste profiter de ces moments d’enfance et de mamamitude comblée sans devoir réintégrer ma peau "d’adulte", sans avoir à gérer d'identité publique.
D’un coup, je sens jaillir cette inhabituelle timidité qui me bloque, alors que je parle de tout et rien avec tout le monde et n’importe qui sur la plage, là soudainement je me sens coincée! Mon coté sauvage gagne la partie. Je me contente de lui sourire gentiment et je retourne à mon train train maternel. Je la vois qui m'écoute tandis que je joue et papote avec les enfants. Je la vois qui s’intéresse. Elle semble gentille, ouverte, elle me regarde, l’on se sourit encore. Je fais semblant de ne pas trop la voir.
Je préfère me fondre les émotions dans la douceur de ma relation avec ma fille. En ce moment nous vivons en parfaite harmonie et j'en apprécie chaque seconde. N’est-ce pas les meilleures années que je croque ici à pleine dents. Des années d’innocence et de pureté enfantine, des années où je ne suis pas encore trop fripée, où je conserve quelques restants de jeunesse extérieure, où j’ai encore un long futur devant moi.
Un jour ma toute petite fille sera femme accomplie et je serai à l'orée du troisième âge. Un jour lointain, Lily-Soleil fera de moi une grand-mère, alors je glanerai la récolte des graines que je sème présentement. Cultiver la vie est un défi pour chaque humain sur Terre...
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