Individuelle,
Toute la troupe familiale partie en expédition en ville, j’apprivoise une certaine solitude. Par la force des choses, je me détache de mon enfant, l’homme est content, il m’encourage à profiter de ce temps pour me retrouver femme, entière, moins mère. Me retrouver femme ou insérer la mère à la femme? Mère. Femme. Maman. Amante. J’ai l'être qui oscille dangereusement.
Je décide de me prendre en main. Je dois recentrer mon esprit à la dérive. Comme dans l’ancien temps, solitaire, je file d'un bon pas à la plage. J’y retrouve plus de monde que je ne l’aurai pensé. Je retiens ma moue. Je discute avec quelques connaissances avant de m’éclipser en ce petit coin de sable oublié qui fut mien durant des années. Loin de la masse, je pose mes fesses au bord de l’eau. Les nuages font légion, un peu perdue, j’ai le crayon qui bloque. Où sont passés mes repères d'antan? Je tangue.
Je prends des photos de cartes postales. J'inspire. J'expire. Du coin de l'oeil, je perçois du mouvement, je me lève. Je m'approche plus près pour observer en direct une incroyable guerre de fourmis. Ce conflit m’hypnotise, mes pensées partent en orbite et m’entraînent dans un univers à la Werber. Je ne sais pas qui attaque qui mais je constate plusieurs victimes dans les deux camps. Les petites noires semblent pourtant se faire massacrer. Je suis témoin de plusieurs tueries. La nature est souvent bien cruelle. Les grosses fourmis rouges se battent avec les petites fourmis noires qui n’en finissent plus de trimballer des œufs et des larves d'ivoire! Je me demande quelle fourmilière est pillée. Un muret est pris d'assaut. Fascinée je suis. Des centaines de ces minuscules créatures s’agitent sous mes yeux. Complètement indifférentes à mon regard humain, sans se soucier une seconde de ma pomme, elles s’activent à leurs micro existences. Elles sont en guerre. C'est un véritable carnage! Que de violence au royaume des fourmis qui vivent entre lac et gazon…
Je me rassois, j'enfonce mes pieds dans le sable. J’ai la nausée qui se tasse. Je ne sais pas trop ce que ma belle-mère a mis dans ses sauces mais j’ai dégusté toute une intoxication alimentaire cette semaine! Ceci grâce à un ingrédient invisible qui n’affecta personne d’autre que moi, la seule sur le tapis! J'ai les entrailles sensibles. Fragile je suis. Et Dieu que je déteste vomir! Ciel que j’ai un bon mari! Capable de m’aimer dans les pires circonstances! J’ai une tempête dans l’estomac. Je grogne. Par amour, j’explose ma bulle d’intérieur. Je lâche prise. Je me concentre sur le clapotis des vagues, petit à petit le brouhaha humain s’estompe. Je vogue sur l'océan de mes émotions.
J’oublie mes petits soucis au creux du lac qui s’étend devant moi. J'enroule une mèche rebelle autour de mes doigts. Je grimace. J’arrache un cheveu blanc, signe du temps qui me vieillit. Profondes sensations, légers remous. Je regarde ce long fil bouclé avant de le laisser s’envoler dans une brise. Il s’échoue sur le sable. Je me plonge l’âme dans l’horizon limpide. Là-bas, à l'autre bout de la plage, le ciel menaçant fait fuir les familles qui se dispersent. Quelques gouttes humectent ma page presque blanche. Dans mon champ de vision, une grosse dame « éffoirée » sur un nez de bateau espère encore le soleil. Les bateaux rentrent au bercail les uns après les autres. Le ciel s’obscurcit davantage, l’orage se rapproche. Une goutte par ci, une goutte par là, même les canards se sauvent! L’un des hommes qui accompagnent la dame bien en chair s’exclame :
- Je pense qu’on a perdu la bataille!!!
Je souris sous mes boucles folles. Ils plient bagage et se dirigent vers la sortie. Je les attrape du bout de mon objectif. Espionne je m'assume. Les gouttes de pluie picorent la surface de l’eau. Je me faufile entre deux larmes de ciel. Le dernier vrombissement d’un moteur s’éteint au loin. Le paysage retrouve son calme initial. Le silence humain est total. Comblée je suis.
J’enfonce les jambes dans l’eau douce qui caresse ma peau nue. Elle est bonne. Chaude d'été qui s'achève. Je soupire de bonheur. Individuelle. Sous ce ciel capricieux, je me réveille les sens engourdis. Zen. Je me ressource de l'intérieur. Je résiste à l’envie subite de me déshabiller de haut en bas pour me baigner en toute simplicité. Sérénité. Sur le lac paisible, une voile glisse dans le vent qui se lève. L’atmosphère s’embrume et absorbe les collines à l'horizon. L’averse se fait plus forte. L'air ambiant est rempli d'agréables odeurs. Je les respire à pleines narines. Seule sous la pluie (les pieds dans l'eau), j’écris ces quelques mots…
1 commentaires:
ce qui est écrit m'a rassuré sur le fait que je ne suis pas la seule à voir des choses que les autres ne voient pas. les moments de de solitude lavent l'esprit et ce bref récit m'a fait l'effet d'une douche apaisante en plein été .c'etait chouette . j'aimerai pouvoir écrire comme ça . merci pour cet instant et les photos qui sont superbes.
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