mercredi, août 18, 2004

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Courants d’humanité

La tête entre les mains, les coudes sur les genoux pliés, les pieds dans le sable chaud, le soleil sur ma peau. Douleur intérieure de mes chats effacés dans l’air du temps passé. Le paradis m’enrobe de ses bontés, mon cœur est lourd, un petit vent tout doux me caresse les boucles folles. Clapotis de lac miroir, paysage enchanteur qui baume ma plaie à vif. Saveurs de fin d’été, le vert des arbres se fonce, la plage se vide des citadins en vacances repartis organiser leur havre d’hiver.

Un abruti astique son bateau juste sous mon nez qui s’irrite des effluves caustiques qui le traversent! Bon ça va il brille assez fort ton bateau, tu peux lâcher le morceau! C’est pas une perle rare non plus s’époumone ma conscience dans la jungle de mes pensées! Est-ce que cela vaut vraiment la peine d’utiliser je ne sais quel produit chimique pour le faire scintiller? Ce truc là qui pue l’horreur, c’est dans le lac que cela finit! Pollueur du dimanche qui astique et empoisonne. Spécimen typique d’humain égoïste. Allez frotte, frotte mon garçon, plus fort, encore plus fort, c’est sur ça va te rendre moins con! Allez encore un effort, frotte plus fort...

Mon bureau de nature est désert. Petit bout de sable oublié au bout de la longue plage ensoleillée. Mon bureau invisible est en cet endroit peu fréquenté. Petit coin tranquille qui intimide les étrangers et qui est délaissé par les habitués. Ceux-ci préfèrent faire barboter leur progéniture plus loin, dans la zone surveillée. Évidement il faut une tache à mon bonheur de solitude ensablée! Une tache qui m’empuante, un peu chauve sur les bords, une tache odorante qui doit absolument faire briller son cher bateau si « bô ». Je me demande quel effet peut avoir son produit miracle sur les truites géantes cachées au fond des petites baies qui parsèment le lac à mes pieds...

Mais aujourd’hui vraiment, c’est excellent! Mon cher abruti, maniaque de la propreté mécanique a un bateau assez gros pour me boucher le paysage! C’est juste parfait! Pas de répit pour ma pomme. Je me régale et ton "Régal", mon bonhomme, présentement, il me chauffe les nerfs subtilement mais sûrement.

D’ailleurs, il est si incroyable ton bateau que je vais le mitrailler de ma main digitale, et même plus, je vais l’exposer « live on line » pour que tout le monde puisse voir comment il est superbe ton bateau. Ô combien il est propre et scintillant! Allez agenouille toi encore plus bas. Salue-bien la connerie humaine que tu projettes sous mes yeux désabusés. T’as bien l’air d’avoir du être baisable dans tes jours heureux, pourtant là mon beau, c’est pas ton bateau qui te rendra la gloire de tes 20 ans! Allez frotte plus fort! Courbe bien l'échine devant ta mécanique. Bande bien tes muscles au travail attentionné de l’homme dévoué à son jouet rutilant et puant...

T'es pas trés sexy à quatre pattes, mon bonhomme! C’est pas de ta faute pauvre bougre, c’est juste mon cerveau qui évacue sa colère sur ta peau! Tu es l’exutoire parfait à mon spleen. Dans le fond, c’est toi qui écopes pour les autres! Toi qui te trouvas à faire la mauvaise chose, au mauvais moment, au mauvais endroit! Faut dire cela ne fait que vingt minutes que tu te gigotes dans ma face! C'est pas du tout tannant comme comportement! De plus, je ne crois pas qu'il soit permis d'agir ainsi de nos jours! C'est certainement parce-que c'est désert que tu en profites. Il est tout d'abord interdit de stationner ici plus de 15 minutes. Cela fait au moins 25 minutes que je t'observe du coin de l'oeil et du crayon! J'imagine que tu es fier d'être si responsable envers ton engin. Aprés toi, le déluge n'est-ce pas? Who cares what could happen to this lake! Ta masculinité servile m’horripile et mon humeur sombre te massacre dans le courant de ma mélancolie féline...

C’est vrai que c’est plaisant les balades en bateau, surtout quand c’est toi qui est dedans! Right my man!?! Si je le voulais, je pourrais presque te comprendre, si je me forçais le cerveau dans ta direction...

Mais lorsque que j’y pense bien, je veux malgré tout, de tout mon cœur, résister à la tentation de la pollution futile, à la tentation de ces plaisirs frivoles qui blessent ma mère la Terre. Te demandes-tu, toi qui frotte toujours quel est le mal que tu es en train de faire à ce lac? Un lac que tu dois aimer assez pour tes virées à plein moteur! Grrr, parfois j'ai comme l'impression que le monde tourne à l'envers du bon sens! Je rêve de canot et de glisse silencieuse et puisque c’est ainsi, là en mon bureau de sable avec vue sur ta connerie, je vais faire un vœu au soleil : Ne jamais posséder de bateau pollueur de lac, ne pas devenir une connerie du dimanche...

J’apprendrai la voile s’il le faut! Aussi riche que je sois, jamais je n’achèterai un bateau comme le tien! Aussi beau soit-il au soleil de mes vanités, je refuse de perpétuer cette douce folie. Une connerie de moins à mes jours ne peut pas faire de mal. Ça ne change pas le monde mais cela reste une promesse qui fait du bien au cœur en peine.

D’un autre coté, je l'avoue et j'en suis consciente: suis-je assez forte pour résister à l’invitation d’amis n’ayant pas les mêmes principes que moi? Il n’y a que les sea-doo que je boycotte jusque là. Aussi amusant qu’ils puissent être, je refuse de chevaucher l’un de ces engins aussi bruyant que polluant! Même ceux des amis me font grincer des dents. Il n’y a qu’aux ados que je pardonne cette foutaise. Comment résister aux joies du Sea-Doo quand on a 15 ans et toutes ces envies d’expérimenter ces émotions que laisse entrevoir le monde adulte aux portes de leurs perceptions enflammées.

Les chalets commencent à se vider, jour après jour un nouveau calme s’installe au village. Bientôt tous les bateaux iront se ranger dans quelques entrepôts et le lac retrouvera sa beauté sauvage. Jours après jours, la plage est un peu plus désertée, sous peu, il ne restera en ces lieux que la faune locale, résidente à l’année de ce petit coin de foret habitée. Je commence à repérer des notes de jaune-vert dans l’incroyable verdure qui tapisse les collines environnantes. Aussi étonnant que cela puisse paraître, en ce mois d'aout non terminé, l’automne est en chemin....


1 commentaires:

Anonyme a dit…

quel superbe animal!