Conditions actuelles
Émis le : Mardi 23 décembre 2008, 8:00 HNE - Aéroport de Québec: Quelques nuages -23°C
- T. ressentie: -34
- Vents: O 19km/h
- Lever: 7:28
- Coucher soleil: 16:01
- Humidité relative: 58%
- Pression: 103.30 kPa
- Visibilité: 48.0 km
- Plafond: illimité
Ce matin, un petit -34 dans le vent pour débuter la journée. À ce stade-ci, il ne fait plus froid, il fait frette en masse! Le soleil brille de plein feux et se réverbère sur le paysage givré. Tout est blanc, immaculé, reposé, comme dans les chansons de Noël.
Même si les rayons du soleil m’attirent, je résiste au congélateur extérieur. J’ouvre la porte à Chanelle, une vague sibérienne pénètre la maison. Je demande à M’zelle Soleil :
- Est-ce que l’on sort aujourd’hui
- Non fait froid!
- Mais je sais pas, on pourrait peut-être aller dehors…
- Non, on va pas aller, y fait froid, c’est zelé deyors maman!
Pas vraiment envie de m’obstiner. J’efface mon idée de promenade au Pôle Nord. Mon petit moulin à paroles réchauffe la maison, le sapin embaume le salon. J’écoute M’Zelle Soleil raconter à ses bébés qu’ils n’étaient pas nés lors de je ne sais quelle occasion. C’est son nouveau truc, accepter que nous avons eu une vie avant qu’elle ne naisse. Elle est présentement un peu vexée de savoir que l’on a pu vivre sans elle! S’en suit à ce sujet des conversations mi comiques, mi surréalistes…
Alors que je monte le chauffage, j’estompe les derniers traumatismes de notre expérience des derniers jours. Vingt quatre heures sans électricité par -30, c’est toute une aventure à digérer. Nous avons eu une fin de semaine étrangement palpitante et relativement fatigante!
Samedi après-midi, alors que nous fêtions l’anniversaire d’une petite copine de Liloo chez des amis au village, l’électricité sauta juste avant quatre heures, (la nuit noire tombe autour de 16:3o hres). La fête achevait et un coucher de soleil aux tons pastels laissait glisser ses dernières lumières. Il n’y avait pas l’once d’une tempête en vue, le temps était calme et glacé. Juste avant de défaillir, le courant avait tressauté trois fois, signe que c’était le fruit d’un accident selon le grand-père sur place. Pas véritablement inquiets, nous décidâmes de rentrer chez nous.
La maison était encore chaude, confiants, l’on décide d'aller manger au village voisin en se disant que cela reviendrait bien d’ici que l’on rentre. Le restaurant familial est situé en bas de la côte qui mène à notre village. De là, l’on peut voir la colline plongée dans l’obscurité. Nous sommes plusieurs dans le même cas, à la table voisine, nous rencontrons deux dames qui vivent non loin de chez nous. L’on en profite pour converser. La fille avec qui je discute est une grande gazelle bien sympathique. Mère célibataire d’un enfant métis ramené d’une aventure de jeunesse en Californie, elle me permet d'oublier le temps qui passe. Sa mère est d’origine allemande est habite en un même coin de boisé. Elle discute avec Juan. M’zelle Soleil joue tranquillement et le grand garçon de la fille s’ennuie royalement. M'zelle Soleil se fait des petits amis. Lorsque passe neuf heures, durant un instant la colline s’illumine, l’on prend cela comme un signe. L’on se sépare avec espoir et chacun rentre chez soi.
Une fois dépassée notre première joie, l’on se rend vite compte que c’est une fausse alerte. L’on retrouve notre maison coincée au creux d'une noirceur glaciale. Cela fait cinq heures que le courant a sauté et la maison commence à se refroidir perceptiblement. Yolande, notre voisine vigile nous apprend qu’Hydro prévoit une remise en état du système pour 11 heures. Yolande qui possède un poêle et une ligne téléphonique effective appelle sur une base régulière la centrale d’Hydro Québec pour se tenir au courant la situation. De notre coté, la maison est maintenant fraîche, l’on allume les bougies et l’on croise les doigts. L’on met la petite en pyjama. Elle se couche dans son lit sous un amas de couvertures.
À moitié habillés, l’on se glisse dans la fraîcheur de nos draps. L’on se colle l’un contre l’autre. C’est quand même romantique, l'on en profite. La lueur des bougies vacille sous de légers courants d’airs. Le silence est si profond qu’il ressemble à un bruit sourd. L’on bavarde mi joyeux, mi inquiets. L’on fantasme sur un système d'électricité hybride qui nous permettrait de conserver la chaleur et d’éviter une totale dépendance au système gouvernemental en place. Je rêve toujours un peu d'une génératrice. Les bougies dessinent des ombres sur le plafond que l’on contemple tout en discutant gaiement. L’on élabore de nouveaux plans pour le premier étage que l’on commence à rénover. Virer le sofa-lit pour un poêle (ou plutôt une petite truie comme on dit par ici) serait peut-être pas con! Le froid commence à sérieusement pénétrer la maison. Le temps coule tout doucement. Je parle des vaches qui réchauffaient les chaumières au Moyen Âge. Juan se fout un peu de ma tronche. J'insiste :
- N’empêche je me demande bien la différence que cela ferait si l’on avait une vache dans la cuisine, parce que là je commence à avoir le bout du nez gelé…
Juan a conservé son écharpe. Il regarde sa montre :
- Juste 10 :20! Ah, j’aimerai bien que cela revienne…
- Oui, je serais pas contre une petite truie…
- Ah! Oui, une petite truie pour se réchauffer!
- … rires sous cape.
Juan se rapproche subtilement et poursuit :
- Moi, je suis plus chaud que la maison…
- Et moi j’suis saignante…
- Pourtant vu comment je chauffe, tu devrais être cuite!
Oh! Doucement cowboy! Si ce n’était de ce temps mensuel dont se passerait bien en nos univers féminin, les heures seraient peut-être moins longues à tuer! Onze heures arrive enfin mais toujours pas d’électricité à la maison. La petite se réveille et pleure. Juan va la chercher et la ramène en la chaleur de notre couche. Minuit se passe dans un froid glacial. Je sens la maison qui capitule, le froid nous envahit. Bien au chaud sous nos couvertures, bien serrés en une masse cohérente, nous ne craignons rien tant que nous ne bougeons point. M’zelle Soleil se love entre nous deux et dort paisiblement, l’homme ronflote de son coté et j’oscille entre le sommeil léger et un état alerte qui me réveille toutes les deux-trois heures.
La maison est désormais frigorifiée. Je me sens soudainement vulnérable. Je pense à l’hôtel de glace où la température ne descend jamais en dessous de moins cinq, ceci sans l’aide d’aucun chauffage. Il est donc évident que c’est aussi la limite que nous pouvons atteindre entre nos quatre murs bien fermés. Cette pensée me rassure. Plus de douze heures sans électricité et l’aube enfin se pointe. Je finis par sombrer en un sommeil sans rêve. Nous émergeons tous en même temps, il est passé neuf heures et pas l’ombre d’une lumière ou du fonctionnement d’un appareil de chauffage. La maison a perdu toute sa chaleur, c'est maintenant un congélateur.
Nous nous habillons en triple vitesse. Dans l’évier, de l’eau oubliée au fond d’un bol a gelé! La petite garde son pyjama de polar et l’on file en une place où il fait chaud. L’on décide de laisser Chanelle qui se gèle les pattes dans la relative chaleur du foyer de Yolande. En ouvrant la porte pour sortir de chez nous Juan dit :
- Ouais, ben y’a plus grande différence entre l’extérieur et l’intérieur! À part le vent…
En lisant le journal, devant ma tasse fumante de café, je parcoure les actualités du jour pour apprendre que nous venons de vivre une nuit de grand froid. – 30 sous les étoiles.
Cette nuit là, la lune se joua même le conte de la petite fille aux allumettes version adulte. Un homme bien imbibé essaya de rentrer chez lui. En son quartier où toutes les maisons se ressemblent, il se trompa de maison. Manque de chance, en cherchant ses clés, il glissa sur un publisac oublié sur le perron et se fracassa le nez sur le béton. Surement sonné, la face en sang, il n’arriva plus à se relever. Les griffes de la nuit glaciale choisirent alors de l'enlacer et la lune le croqua! On le retrouva le lendemain matin les bras, en forme de croix, serrés contre son corps gelé mort.
À Montréal, un sans abri fut aussi emporté par les rigueurs de la lune glacée. Raide comme du bois, il finit par attirer les regards et l’on constata son décès au petit jour. Lorsque le vent souffle par moins trente dans la nuit noire, le danger de mort est omniprésent…
Vers midi, l’on revient prendre des nouvelles chez Yolande qui grogne. Maintenant Hydro dit que cela reviendra d’ici une heure! L’on décide d’aller vadrouiller en voiture. L'on visite une amie qui se réjouit de nous voir arriver car sa batterie est morte. Juan lui "booste son char" et c'est reparti pour un tour. En son secteur de lac, le courant est revenu durant quelques heures avant de sauter de nouveau, sa maison est bien moins froide que la nôtre! Une heure plus tard, l'on revient prendre le pouls de la situation. Toujours rien. L’on va goûter aux nouvelles dans le petit restaurant en bas de la côte. L’on y croise plusieurs voisins, les réfugiés du village sont partout en cet endroit. L’on attend tous la même chose avec la même impatience grandissante.
Un voisin avec qui l’on a l’habitude de jaser en conversations de quartier nous demande si nous avons pensé à baisser nos chauffages? Nope, cela ne nous avait même pas traversé l’esprit! Il nous explique alors que cela fait des dizaines de fois qu’Hydro essaie de faire repartir notre réseau mais que la demande est trop forte et qu’à chaque fois cela resaute. La cause initiale de la panne est due à un accident. Une voiture a défoncé deux poteaux. Les poteaux furent vite réparés mais depuis impossible de nous rebrancher! Juan décide d’aller couper nos chauffages et de faire passer le mot aux voisins. Il nous laisse dans la chaleur du restaurant grouillant.
Huguette, vieille dame seule qui habite au bout de notre rue s’invite à dîner avec nous. Alors que l’on bavarde en chemin depuis des années, c’est la première fois que l’on s’assoit ensemble à une table. Juan revient. La maison est congelée. Il a baissé tous les chauffages. Huguette qui y avait pensé toute seule est furax, elle me fait cramper lorsqu’elle nous explique comment elle veut étriper le premier employé d’Hydro qu’elle trouve sur sa route. L’humeur générale est lasse, toute le monde a bien hâte de retrouver le confort de sa maison. J’appelle régulièrement Yolande pour me tenir au courant des nouvelles. L’on sait que l’on ne pourra pas passer une autre nuit givrée. Notre confiance commence à s'effriter. Si l’électricité n’est pas revenue avant la nuit, il nous faudra aller nous réfugier ailleurs. Finalement juste avant quatre heures, j’appelle Yolande qui m’annonce enfin la bonne nouvelle. Depuis douze minutes le courant est de retour. Un immense soulagement se fait ressentir. La vie peut reprendre son cours normal…
Une fois rentrés chez nous, alors que le courant est effectif depuis plus d’une demi heure, l’on remonte le chauffage. La maison est plus que frigorifiée, en fait, il fait plus chaud dans le frigo que dans la cuisine! Tous les meubles sont congelés. Les assiettes sont glacées. L'atmosphère est assez froide pour pincer la peau nue. Dans le lave vaisselle, une nappe d’eau s’est transformée en plaque de glace. L’aloès, déjà fragile, a péri, il semble être la seule victime de cette aventure hivernale. Le bamboo fait la gueule. J’ouvre grand le four que je pousse à fond pour essayer de réchauffer plus vite la maison givrée. Je fais une lessive avec de l'eau chaude et je remplis la sécheuse qui ronronne. Malgré tout, il faudra plus de six heures à notre intérieur pour retrouver le confort thermique auquel nous nous sommes habitués…
10 commentaires:
Vous chauffez à l'electrique?
Oui et nous sommes beaucoup dans ce cas ici. L'électrique a remplacé le bois. Mais les prix commencent à monter, ils étaient jusqu'à présent (mondialement parlant) pas mal bas mais les temps changent et je crois que l'on a décidé durant cette aventure de nous installer un petit poêle pour essayer d'épargner un peu sur notre facture et de ne pas nous retrouver mal pris pendant les coups durs de l'hiver! ;)
Finalement une truie... je suis pour aussi!
Pour avoir passé bien des nuits dans le genre: la chaleur d'un bon feu de bois; y a rien de tel pour au moins ne pas givrer sur place! Pas mal pour cuire une pizza sur braises aussi ;)
En ma dernière demeure québécoise, on avait installé un ventilo au plafond pour répartir la chaleur du poêle à bois un peu plus équitablement.
Mon dieu, j'ai des frissons en lisant ce post! Quelle aventure!
Ici on est chauffé au gas naturel, mais le système marche grace à l'electricité donc en cas de pane on serait cuits, aussi... Et en plus on ne pourrait pas sortir de la maison, au 30ème sans assensceur...Brrrr, je ne veux même pas imaginer le cauchemard!
Joyeux Noël! Bises!
Merci Beo! :D En fait, le ventilo marche aussi électrique! ;) Justement Yolande en a un, son poêle est dans son sous-sol et lors de la panne comme le van marchait plus cela avait du mal à chauffer son étage mais quand même elle conservait un 10-15 degrés. Alors que chez nous on était bien en dessous du point de congélation....
Dr Caso, peut-être que ta tour se refroidirait moisn vite pas exemple, parce-que nous au bout de 12 heures, on est dessous zéro! C'était quand même freakant, d'un coup ta maison devient totalement inhospitalière! L'hiver, en nos vies modernes, on est tellement dépendant de l'électricité! Mais j'avoue que dans ton cas aussi une panne en plein hiver, ouf! Moi je t'avoue je pourrais plus dépendre de l'ascenseur, cela m'angoisserait! :lol: Quand j'avais 16 ans avec ma mère on a habité deux ans au 21ième d'une tour du centre ville de Montreal. Attendre l'ascenseur le matin pour aller à l'école me mettait toujours dans le trouble! J'aimais pas la sensation d'être pognée! Souvent j'avais l'envie de prendre les escaliers mais je l'ai jamais fait! Mais ce genre de panne peut en effet vite se transformer en cauchemar! Au moins avec une truie, tu peux survivre un peu mieux... Bon NOël, j'espère qu'il te sera gourmand! :D
Dans la forêt, j'habite en bout de réseau électrique, alors je suis le premier à perdre l'électricité et le dernier à la retrouver donc... Le foyer c'est bien joli mais ça ne chauffe pas assez pour ma grande maison, après étude, le poèle à maïs ( en une petite génératrice) est la solution économique ici, parce que le maïs est tellement subventionné... 700$ de maïs, contre 3000$ d'électricité ( le bois 1000$ mais à fin esthétique) ça vaut vite la peine.
Brrr, ça y est, j'ai froid et je viens d'enserrer amoureusement mon poêle à bois pour me réchauffer.
Amusant ce nom de truie.
Moukmouk, Le poêle à mais? Il faudrait quel'on se renseigne, je ne crois pas en avoir jamais vu...
Mijo, oui moi aussi ce nom de truie me fait toujous sourire et cela rend les conversations doucement surréalistes! ;)
Je lis ca, et ca me replonge dans ma nuit couché sur le plancher dans mon sleeping bag devant le poele a bois. Le thermostat a descendu a 8 degré chez moi. La douche qui est sur un mur extérieur a craqué a cause du froid. Une chance que la tuyauterie a tenu le coup. Que de souvenir...
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