vendredi, août 25, 2006

Histoires...

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Hier matin, je décide d’aller faire un tour en ville. L’on part avec Juan de bon matin. Le soleil brille, la journée s'annonce belle. Nougatine et ses trois petits veulent sortir. Sachant que nous rentrerons à la nuit tombée, je la laisse sortir pour qu'ils puissent s’amuser dehors. Chanelle, qui doit bientôt atteindre la décennie, décide de rester couchée dans le salon. Je lui montre la porte, elle lève à peine le museau « Bon, ben ma vieille, tu veux pas lever, reste couchée pour la journée! ».

Je dépose Juan à son bureau sur le campus et j’emmène Lily-Soleil chez sa grand-mère. J’y retrouve ma petite sœur de Clo. En papotant de choses et d’autres, elle mentionne que l’on est le 24 août! Son anniversaire est dans trois jours, quatorze ans pour sa pomme, c’est que cela devient une femme cette petite bête là! Le 25 est le jour de sa rentrée en classe, elle débute sa troisième, vu qu’elle fréquente un établissement « français de France » au cœur de Québec. Le 24 août. L’on se souvient de ce même jour en 2002 où Juan se cassa le coup sous nos yeux en sautant dans le lac. Il nous fit une belle frayeur ce jour là. L’on décide d’aller magasiner pour son anniversaire. Il est bientôt midi, l’on retrouve Juan pour aller manger avec lui. En l'attrapant en bas de sa tour, je lui demande :

- Sais-tu quel jour nous sommes aujourd’hui…
- Heu, le 25?
- Non le 24! Le 24 août…


Il n’en faut pas plus pour que lui aussi se souvienne de ce jour qui marqua nos vies insouciantes. Je suis tellement heureuse qu’il en ait réchappé sans grandes séquelles. Depuis des tonnes d’eau ont coulé sous les ponts! Lily-Soleil est né de notre amour et la vie continue avec ses hauts et ses bas, toute à son habitude…

L’après-midi avec Clo est bien agréable. Cela faisait longtemps que l’on avait pas passé des heures toutes les deux! Le soir arrive, l’on rejoint Juan. Nous allons chercher bébé et reprenons le chemin de la maison…

Nous arrivons à la maison peu après que la nuit ne soit tombée. La petite s’est endormie dans son siège durant le trajet. Juan la sort avec précautions pour aller la déposer délicatement dans son lit. Je sors de l’auto pour me retrouver nez à nez avec Margaux, le gros chien pataud de ma voisine Eve.

- Et bien Margaux qu’est-ce que tu fais là???

Elle me regarde droit dans les yeux, ce qui n’est guère dans ses habitudes. Je la pousse un peu pour me diriger vers la maison. Je cherche les chats des yeux, personne. Étrange, habituellement ils ne sont jamais bien loin! Il y en a toujours au moins un pour squatter le sofa qui trône sur le balcon! Un mauvais pressentiment m’assaille. J’appelle Nougatine dans la nuit fraîche. Pas de réponse. Pas un chaton affamé désireux de rentrer se bourrer la panse! Juan sort de la chambre du bébé. Il appelle avec moi, il ouvre une boite de bouffe. Toujours rien. Juste Margaux qui nous examine d’un air peu commun. Je ne peux pas croire que les quatre chats aient disparus. Tous à la fois en une fois! Une heure se passe. N’y tenant plus, je décide d’aller voir Yolande. Vieille dame pimpante, amie de tous les animaux, qui vit de l’autre coté de la rue. Il est à peine neuf heures et je sais qu’elle ne couche que très rarement avant onze heures. Sur la pas de sa porte, son mari me dit qu’elle est de l’autre coté, chez son amie dont je n’arrive jamais à comprendre le nom. Madame Rachtagnawon? Il fait nuit noire, Margaux me suit en silence.

Je traverse la rue pour me diriger un peu plus loin. La madame en question réside pour l’été dans un tout petit chalet. Une très grosse madame dans une petite cabane perdue à l’orée de la forêt. Elle m’a intriguée plusieurs années alors que je la voyais, de loin, se reposer sur sa minuscule galerie lorsque je me baladais par là. Depuis que nous avons déménagé, elle s’est prise d’affection pour nous. Elle m’a invitée chez elle, j’ai compris qu’elles étaient copines avec Yolande et que cette dernière s’occupait de lui apporter ses plats à chaque jour. Je me dirige vers sa petite cabane, Margaux sur les talons. Je manque de trébucher plusieurs fois sur son terrain où je n’y vois rien. Finalement mes yeux s’habituent à l’obscurité et me voilà sur le pas de sa porte. Je frappe…

Étonnée, Yolande m’ouvre la porte avec un sourire. L’autre vieille dame dont j’oublie le nom est toute contente de me voir, elle me demande de s’asseoir sur son lit. Comme à chaque fois que je pénètre cette petite cabane, je suis charmée par l’ambiance chaleureuse qui s’en dégage. Cela respire les années passées, une histoire, un passé, c’est une ambiance un peu anachronique. Je repense à ma grand-mère qui serait bien fière de savoir que je rends visite aux vieux du village.

C’est grâce à ma Mère-Grand que j'ai appris le respect des ainés. C'est elle qui m’a fait découvrir leur richesse intérieure. Lorsque j’étais enfant et que je vivais chez elle dans un tout petit village du « bas-Jura », elle m’emmenait souvent rendre des visites de politesses aux anciens. Toujours, ils m’offraient un biscuit ou des bonbons. Je m’asseyais sagement dans mon coin, je les écoutais papoter d’une oreille discrète, j’examinais les recoins de leur intérieur. Il y régnait cette même ambiance, quelque peu anachronique, une atmosphère de passé qui imprégnait les vieilles pierres de leur maison. C’était tout aussi chaleureux…

Bref, Yolande et Blanche (je la baptiserai Blanche pour les besoins de l’histoire) me regardent avec de grands yeux comblés. Je vois bien que je pimente la soirée. Je demande à Yolande si elle a vu mes chats aujourd’hui et lui explique la situation. IL n’en faut pas plus pour qu’elle prenne à cœur le problème. Les animaux sont sa passion, il y a une petite dizaine de chats qui vivent chez elle, elle nourrit tout ce qui erre sur quatre pattes, elle se donne entièrement à la cause. C’est ma Brigitte Bardot locale! Blanche me couve des yeux. Elle me demande :

- Veux-tu un Tia Maria ou un rhum?

Je n’ai pas l’habitude de boire mais je ne veux pas refuser un petit verre en leur compagnie. Moyenne d’âge 78 ans, elles apaisent ce vide de ma grand-mère, ce vide d’ancêtres. L’on ne vit plus avec les vieux en notre société moderne, et souvent je trouve que c’est bien dommage, l’on y perd en leçons d’humanité! Blanche se lève difficilement, je la sens guillerette. Avec peine mais bonheur elle nous prépare deux verres,. L’on s’assoit à la table. Yolande est branchée sur le cas des chats. Elle n’en décrochera pas. Elle me dit être venue sur mon parking dans l’après-midi voir ce qui se tramait chez Tony. Le fameux Tony, un autre voisin estival, tous en couleur squi mériterait un autre paragraphe pour lui seul! Mais non! Elle n’a pas vu mes animaux! Elle s’en est un peu étonnée tout en se disant qu’ils devaient être à l’intérieur. Le mystère s’épaissit…

Une petite heure plus tard, j’ai fini mon verre et me sens un peu pompette! Blanche va se coucher, je l’embrasse et elle me souffle un regard empli de tendresse. Je sors avec Yolande. Elle rentre chez elle chercher sa lampe de poche pour examiner les environs de la forêt. Je retourne chez moi pour constater qu’il n’y a pas de chat mais que Juan est aux prises avec un bébé hurlant, un bébé qui a mal à se petites fesses toutes rouges. La situation est cependant sous contrôle paternel. je vois Yolande sur la rue. Je ne veux pas la laisser s’aventurer seule dans le noir. Je souris lorsque je l’entends appeler Nougatine dans la nuit sans lune.

Je la rejoins sous les étoiles. L’on va examiner les recoins de mon terrain, ce petit havre de paix qui repose mes émotions lorsque souffle le vent dans ses feuilles, rien ne bouge. L'un de ses énormes chats nous suit. Yolande me prend la main pour ne pas trébucher. Elle ne me la lâchera pas de notre quête. Nous arpentons les lieux, pas un chat! Nous nous enfonçons sur le chemin qui conduit vers le bois. Pas un chat! Yolande s’inquiète mais garde espoir. Je sais en cœur que le mauvais sort s’est une fois de plus acharné sur mes chats. La situation est anormale, s’ils ne sont pas là, c’est qu’ils ne sont plus, à force, je commence à comprendre pas mal vite le truc! Un défaitisme intense m'atteint. Mon cœur se serre. La petite main ridée de Yolande serre la mienne. Il est presque onze heures.

Je rentre chez moi. Lily- Soleil s’est endormie dans notre lit. Juan est sceptique devant cette disparition de masse. N’est-ce pas ironique en ce jour qui fête les quatre ans depuis ce moment fatal où il failli y laisser sinon sa peau, son corps…

Je me remue les émotions. Depuis plusieurs semaines, Lily-Soleil a engagé la conversation avec les chats. Elle a un "Whaaahaa" pour les appeller. Nous la suprenions parfois en pleine conversation avec les chatons. Ils faisaient partie de ses jeux. La voir grandir entourée de souceur féline réjouissait mon coeur de maman en herbe.

Yolande a aperçu un grand duc, étrange oiseau de nuit. Il parait que trois loups rôdent dans les environs. Ça mange les chats un loup? Quatre à la fois? Il parait qu'un renard habite le coin, ça mange les chats un renard? Les ours. C'est carnivore un ours? Les puits artésiens? Un psychopathe humain qui a une rage contre tous félins? Mais où sont donc passés tous mes chats?

Je sais relativiser cette peine qui m'écorche de l'intérieur. Je n’ai pas perdu mon mari, ma fille est en sécurité, elle a juste les fesses en feu, ce qui à son âge n’est pas bien grave. Mais pourquoi donc est-ce mes chats n’en finissent plus de me glisser entre les doigts? De se faufiler dans mon cœur pour n'y laisser qu'une trace distincte de leur passage sur la Terre. Une trace qui se range dans ma mémoire, s’évade du présent pour rejoindre le passé. Je suis tannée et ecoeurée! Je ne peux vivre sans chats! J'ai besoin de félin pour vivre bien. Depuis ma plus tendre enfance, une douce essence féline coule en mes veines, ainsi va mon sang! En deux semaines, voilà pas que deux adultes et trois petits ne sont plus. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, je n’ai plus un seul chat dans ma vie…

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