J-2 (souvenirs des premières heures de l'épreuve parentale)
Je compte les heures jusqu'à ce que M'zelle Soleil déplâtre. Encore deux jours si tout est beau. Il y a cinq semaines, lorsque j'ai compris l'importance de sa fracture, il était trois heures du matin. Il fallait attendre huit heures pour aller la faire plâtrer. De retour à la maison à quatre heures. J'ai encouragé Juan à se coucher. M'zelle Soleil s'était endormie sur le chemin du retour et nous n'avons eu qu'à la poser dans son lit.
Je suis restée seule, éveillée dans le jour levant, les nerfs en pelote j'ai pleuré. Dans le silence de ma brousse, j'ai pleuré comme une madeleine durant trois heures. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J'ai pleuré l'été que l'on ne connaitrait pas (et qui s'est révélé le plus beau depuis cinquante ans!), j'ai pleuré la douleur de voir mon enfant blessé. J'ai pleuré la sourde inquiétude qui subitement s'installait en mon coeur. J'ai pleuré ma peine toute maternelle en réfléchissant à cette responsabilité qu'il m'incombait. La responsabilité de lui faire la vie douce comme elle le mérite. J'ai pleuré et j'ai pensé. Le jour s'est levé dans le gazouillement des oiseaux et je pleurais toujours. J'ai réveillé Juan à sept heures en pleurant (des idées plein la tête pour améliorer son sort enfantin). J'ai arrêté de pleurer lorsqu'il a fallu la réveiller pour repartir à l'hôpital. Je n'ai plus pleuré depuis.
Depuis je bataille. Je bataille cette colère noire que je ressens vis à vis de l'arrogante voisine. Je bataille mon amertume (et ignorance) des trampolines. Je bataille la douleur de voir souffrir mon enfant puis la douleur de la voir diminuée. Je bataille l'inquiétude latente qui me ronge de l'intérieur. Je bataille mes humeurs obscures pour lui rosir la vie malgré tout. Si souvent, dans l'invisible de mes sentiments, mon cœur de maman se fend. La mère louve en mon sang hurle à la lune. Et je collectionne les insomnies...
Puis je me raisonne, avec maturité, je me force à voir plus loin que cette peine qui m'étouffe de l'intérieur. Je réalise notre force face à l'adversité. L'on bataille les trois à notre façon mais l'on fait front. M'zelle Soleil prend le tout avec une philosophie qui la grandit. Elle sait désormais écrire même si elle ne sait pas tout à fait lire. Si son petit corps a un peu ramolli, son esprit s'est acéré. Il s'est affiné à l'ombre de cet immobile été.
Et si l'on croit les prévisions, elle sera bientôt guérie, remise sur pieds. Réparée. Je pourrai de nouveau apprécier cette sensation précieuse qu'est la bonne santé de son enfant. La voir marcher, courir, sauter. Et peut-être me reposer un peu les idées et dormir...
4 commentaires:
Et face à ta "mamattitude", c'est moi qui pleure! Espérant juste avoir 1/1000 de ton talent de maman quand mon tour viendra... En vous embrassant bien fort tous les 3!
C'est toute une épreuve difficile à vivre mais j'ai le sentiment que vous en serez tout ressorti très grandi de ce mauvais souvenir.
C'est ce que je me dis pendant que je vis des moments difficiles ici même où il reste encore plusieurs mois d'attente avant que ça se règle une fois pour toute. J'ai laissé la colère de côté car elle prenait toute mon énergie.
J'ai hâte à dans moins de 2 jours :-D
olalala c'est génial!!! plus que deux jours!!!! 5 semaines c'est long mais au moins elle va pouvoir profiter d'un bout d'été, Loup en avait eu pour 3 semaines de plus, déplâtré juste pour retourner à l'école! arg! Que de mauvais souvenirs! Vous en êtes presque sortis de votre côté et ça soulage mon p'tit coeur serré compatissant à 100% ! l'après-plâtre, en ce qui concerne Loup, ça a été très rapide, 1 mois et il boitillait à peine. Pas de ré-éducation parce qu'ils apprennent plus vite tout seuls à se remettre à gambader. Pendant 2 jours Loup a eu un peu peur quand même, souvenir de la douleur du début je pense. A mon avis pour Lily, dès qu'elle sera près du lac, elle va s'y remettre illico en oubliant sa gambette :) grooooos bisous à la mama qui a su assurer pour sa puce! (j'oublie pas le papa non plus hein :P)
C'est bien qu'une enfance ne soit pas toujours parfaitement rose. Les épreuves forgent le caractère,même à un jeune âge. Les enfants ont des capacités étonnantes de résilience. Le rôle d'un parent n'est pas d'aplanir toute difficulté mais d'aider l'enfant, avec confiance, à passer à travers. Apprendre à tirer le meilleur parti des circonstances, c'est un merveilleux cadeau à faire à quelqu'un qu'on aime, un cadeau qui lui sera utile toute sa vie. Et parfois, la surprise, c'est que c'est l'enfant, né sous une bonne étoile, qui fait ce cadeau à un parent qui ne le possédait pas. La parentalité est une magnifique école.
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