jeudi, février 20, 2014

#Throwbacktuesday. En mémoire...

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Penser à Paris en 1900 en suivant ce lien et penser à mon arrière-grand-mère Berthe. Elle avait 75 ans quand je suis née. Je n'ai jamais connu son mari Urbain. Mort avant ma naissance.

À 20 ans, mon arrière-grand-mère Berthe, née en 1898, s'est chicanée avec son père (en son petit village jurassien). Coup de tête mémorable où elle a pris ses cliques et ses claques pour Paris.

Une réaction peu commune à l'époque. Elle y est restée sept ans avant de revenir au pays, réconciliée, pour se marier, reprendre la ferme et faire plein enfants. Je ne sais pas si elle y a vécu heureuse mais je sais qu'elle y a vécu longtemps...

Je l'ai toujours connu antique. Sa peau, tannée comme un parchemin ancien, me faisait un peu peur. J'aimais cependant son caractère coriace.

Ma grand-mère l'a récupérée sur ses très vieux jours. Et parfois, en ses délires, elle se prenait un trip où elle revivait ses années folles à Paris.

En ses très vieux jours elle oubliait toujours mon prénom mais que je délirais toute seule à l'écouter parler de ce monde d'antan.

Quand j'étais au primaire, elle refusait que ses enfants lui installent un WC digne de ce nom dans la salle de bain de sa petite maison à la campagne. Elle vivait paisiblement en ce petit village à l'orée de la forêt de Chaux. Non loin de la ferme qu'elle avait léguée à son fils...

Et elle ne voyait tout simplement pas l'intérêt de changer ses habitudes. Elle ne voyait pas le problème d'aller faire ses besoins dans le cabanon, conçu à cet effet, dehors. Elle trouvait le concept tout à fait fonctionnel. Merci. Ce qui avait tendance à profondément m'interloquer.

Chez elle, j'ai pratiqué, en toute impunité, le pipi sauvage. J'ai toujours préféré le champs fleuri à la cabane de bois version WC. Faire pipi entre deux marguerites est toujours plus plaisant que dans la sombre cabane nauséabonde!

Les dimanches de mon primaire, j'allais régulièrement la voir avec ma grand-mère. Et même si je m'y ennuyais ferme, entre deux pipis dans le champ, je me régalais de la traditionnelle brioche qui ornait sa table de cuisine.

Pendant que je savourais ma tranche de brioche, les adultes jasaient et je laissais voguer mon imagination. J'essayais de l'imaginer jeune, en ce monde si différent de celui où je vivais ma vie. En ce monde révolu où l'on allait encore à l'école en sabots. Pour passer le temps, je voyageais dans le temps, une bouchée de brioche à la fois...

À force de raisons et de dimanches dominicaux, Berthe a fini par flancher. Passé 85 ans, il faut avouer un certain confort à ne pas aller pisser dehors. Mais je me souviens encore de combien sa volonté de fer sur le sujet illuminait son corps tout entier. La rajeunissait.

Et voilà que je pense à ma fille, qui ne connaît des dimanches familiaux que des activités parentales, ma fille qui vit dans un monde si différent de celui où j'ai grandi. Non seulement géographiquement mais aussi technologiquement.

Que penserait Berthe de ce monde numérique à saveur américaine où grandit son arrière-arrière-petite-fille? De ce monde si étrange dans lequel je vis, de l'hybride que je suis devenue? Un monde où l'ordinateur a remplacé le facteur et où les téléphones ne servent plus guère à téléphoner mais à se connecter les uns aux autres.

Morte et enterrée, elle n'est plus depuis déjà longtemps, un demi siècle dans la terre. Mais je suis heureuse de l'avoir en ma mémoire. Heureuse de l'avoir connue. En ce jeudi matin gris de février, je me souviens.

Et alors que je finis de transcrire ces mots, par la fenêtre, un rayon de soleil perce le voile de nuages pour venir m'éclairer le visage, il me réchauffe la peau. Et je souris au ciel en pensant à elle...

2 commentaires:

Jennfier a dit…

Tu as réussi à m'arracher une larme. Quelle belle réflexion, quel beau souvenir!

mum a dit…

moi aussi je trouve que cette évocation est très émouvante....